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20 septembre 2017

Une pensée ren@rde se diffuse à Bourges

Invités à participer au quarantième anniversaire du Centre Georges Pompidou (1977/2017), l’ENSA et La BoxBandits-Mages et Emmetrop / Le Transpalette ont choisi de répondre de façon articulée au sein d’un projet collectif  : TRAVERSÉES REN@RDE

Trois expositions-rencontres se déploient à la Box, au Centre d’art Transpalette et au Château d’eau/ Château d’art de Bourges.

Nous irons explorer cette programmation tricéphale et relater notre expérience, mais ce premier article souhaite justement exposer les conditions de cette expérience.

 

« À présent, il faut commencer à penser des processus critiques qui rassemblent sur le même plan les corps, sans distinction de nationalité, de genre ou de domaine d’activité. » Paul B. Preciado

Pour les commissaires et producteurs et productrices de ces expositions rencontres, il s’agit de « mettre en recherche » la collection du Centre Pompidou « au regard des mouvements contemporains esthétiques et micro-politiques qui agitent aujourd’hui nos vies et nos imaginaires. » L’art, ou plus particulièrement sa considération, peut être militant et politique.

Le titre TRAVERSÉES REN@RDE fait référence au texte-manifeste de Paul B. Preciado « Cartographie queer : le flâneur pervers, la lesbienne topophobique et la travailleuse sexuelle multicartographique, ou comment faire une cartographie « ren@rde » avec Annie Sprinkle » (Paul B. Preciado, ouvrage collectif Géoesthétique (2012), édité par la plate-forme curatoriale Le Peuple qui Manque).

Abandonnant toute visée cartographique précise, c’est une relecture des territoires et véritablement une traversée qui sont visés ici. Il s’agit de passer « entre », de circuler, tels des renard·es.

C’est au chapitre XVIII du Prince (« Comment les Princes doivent garder leur foi ») que Machiavel expose les principes de la pratique politique du Prince nouveau, c’est-à-dire l’exercice en acte de la virtu ou sa méthode de gouvernement du peuple. Machiavel part de l’image du Centaure pour figurer l’être politique : mi-être humain, mi-bête. Il est humain quand il en appelle à la morale et aux lois, et il est bête quand il recourt à la force lorsque moralité et lois sont impuissantes. Mais, ajoute Machiavel, la bête se divise elle-même en deux : en renard et en lion. Le renard figure la maîtrise de la ruse, tandis que le lion figure la force « féroce ». (Althusser lecteur de Machiavel : la pratique politique en question, février 2017)

Par cette analogie de caractères entre la force et la loi d’une part, et la ruse d’autre part, il s’agit de contourner la puissance léonine de l’institution en cherchant en son sein des passages sous-terrains vers des réalités plus complexes. Pour reprendre les termes d’Édouard Glissant, inspiré par Deleuze et Guattari, il s’agit d’opposer « l’identité racine unique » à « l’identité rhizome » : « l’imaginaire de mon lieu est relié à la réalité imaginaire des lieux du monde, et tout inversement. »

La racine unique est celle qui tue autour d’elle alors que le rhizome est la racine qui s’étend à la rencontre d’autres racines. J’ai appliqué cette image au principe d’identité. Et je l’ai fait aussi en fonction d’une « catégorisation des cultures » qui m’est propre, d’une division des cultures en cultures ataviques et cultures composites. Édouard Glissant, Une pensée archipélique

L’autre, les autres… la notion d’altérité féconde est peut être celle qui marque le plus profondément TRAVERSÉES REN@RDE. L’autre implique un même, une référence unique, un étalon. Si nous envisageons la/le tout·e autre, nous pouvons envisager de décoloniser notre propre imaginaire.

Qu’est-ce que signifie le fait de sortir des œuvres d’une collection ? S’agit-il de repenser cette collection ?

Bandits-Mages propose une réponse à cette question sur le mode même du rhyzome.

Du 9 au 19 novembre, il s’agira de restituer ou de partager des workshops menés avec 4 écoles d’art, de programmer des soirées cinématographiques artistiques et politiques que de mettre en relation questionnante des œuvres vidéos d’artistes du centre Pompidou, principalement réalisés en Europe et à New York, avec des films amateurs réalisés dans le Berry à la même époque, programmés par une régie fantôme.

Bandits-Mages, après avoir pendant plusieurs années créé des laboratoires de tournage, nous invite ici à un laboratoire de visionnage. Qu’est-ce qu’une exposition ? Comment mettre en question les modes de diffusion ?

La régie fantôme fera apparaître ou disparaître les films et les différentes propositions, sur le mode de la pulsation ou du désir, du caprice même… pour nous permettre de nous approprier notre traversée.