À première vue, cette question, « qu’est-ce qu’un service civique ? », peut sembler incongrue dans notre lexique d’art d’AAAR. Si cette question n’est pas spécifique au champ de l’art contemporain, elle concerne cependant un certain nombre de structures répertoriées dans notre annuaire. En effet, nous nous posons nous-même la question, depuis que nous croisons fréquemment des jeunes personnes effectuant un service civique au sein de centres d’art, de fab lab, d’association consacrées au cinéma expérimental…
Alors, qu’est-ce qu’un service civique ?
Pour tenter de définir ce dispositif, nous avons tout d’abord consulté la documentation disponible sur le le site consacré au service civique.
Celui-ci livre en page d’accueil une courte présentation du dispositif :
Le Service Civique s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans, jusqu’à 30 ans pour les jeunes en situation de handicap. Indemnisé 580 € par mois, il permet de s’engager sans condition de diplôme dans une mission d’intérêt général au sein d’une association, d’un établissement public, d’une collectivité… En France ou à l’étranger et dans 9 domaines d’action : solidarité, environnement, sport, culture, éducation, santé, intervention d’urgence, mémoire et citoyenneté, aide humanitaire.
Dans cette courte présentation, nous pouvons noter qu’un indemnisation est associée au service civique, et non une rémunération. Ce dispositif serai-il une réponse au taux élevé de chômages des jeunes qui, jusqu’au lendemain de leur 25 ans, ne peuvent prétendre au RSA (Revenu de Solidarité Active) ? Plus généralement, bien que le site du Ministère de la culture l’affirme, ce dispositif est-il adapté au secteur artistique et culturel figurant parmi les neuf domaines d’action listés plus haut ?
Pour tenter de répondre de façon plus fouillé à ces questions, nous avons interrogé une jeune femme et un jeune homme actuellement en service civique. Nous avons également rencontré Alexandra Latapy (Déléguée Éducation Jeunesse à Ligue de l’enseignement-Fédération d’Indre-et-Loire), investie dans la formation des tuteurs des volontaires en service civique.
Un peu d’histoire pour commencer
Toujours sur le site consacré au service civique, nous apprenons que :
La loi du 10 mars 2010 relative au Service Civique a créé deux formes de Service Civique : l’engagement de Service Civique et le volontariat de Service Civique. [Elle] regroupe, par ailleurs, d’autres formes de volontariat (service volontaire européen, volontariat de solidarité internationale, volontariat international en entreprise, volontariat international en administration) sous le label «Service Civique». Ces programmes demeurent, cependant, régis par leurs propres dispositions.
Historique
Le 22 février 1996, le président de la République, Jacques Chirac, annonçait sa décision de professionnaliser les armées et de suspendre le service national, décision qui deviendra effective dès l’année suivante, par la loi du 28 octobre 1997. En 1998, la Journée d’appel et de préparation à la défense (JAPD) était instituée. Elle s’adressait à tous les jeunes de 16 à 18 ans, filles et garçons. Ainsi disparaissait une pratique vieille de plus de deux siècles, la conscription obligatoire masculine, sur laquelle reposait l’organisation de la défense nationale.
Dans l’esprit de nombreux Français, cette conscription universelle (seulement masculine) avait contribué à la cohésion nationale et au brassage social et culturel, à l’apprentissage de la vie en communauté, à la prise de conscience de l’appartenance à la nation et à une communauté politique de citoyens.
Mais au fil des années, le brassage social qui était réputé faire du service national un creuset républicain, un moment fondateur de la citoyenneté, s’est amenuisé. Les « appelés » qui avaient fait des études n’effectuaient pas leur service dans les mêmes conditions que ceux qui étaient sortis de l’école sans diplôme.
Exclusivement réservé aux garçons, le service national était parfois vécu comme une obligation inutile, faisant naître, pour certains, l’envie d’une solution alternative. Celle-ci a commencé à voir le jour, d’abord au sortir de la Guerre d’Algérie, en 1963, avec la loi qui introduisait la notion d’objection de conscience, autorisant les jeunes gens à effectuer un service alternatif à l’armée. Puis, en 1994, trois jeunes femmes qui se référaient au Service Civil américain AmeriCorps créaient l’association Unis-Cité pour développer un Service Civil en France.
Il fallut encore quinze ans avant de voir inscrit le Service Civique dans le Code du service national.
Quelques dates du Service National et des formes civiles du Service National
- Années 60’: Création de statut d’objecteur de conscience par le général De Gaulle
- Fin des années 80’: Développement du « Service National Ville »
- 1995: création par Unis-Cité d’une forme expérimentale de service volontaire basée sur la mixité sociale et le travail en équipe.
- 22 février 1996: Suspension du Service national obligatoire et création d’un Service Civil par Jacques Chirac, Président de la République.
- Novembre 2005: Emeutes dans les banlieues
- 2005: Investissement budgétaire de l’Etat pour le volontariat, la cohésion sociale et la solidarité
- 2010: Loi de création du Service Civique. Création de l’Agence du Service Civique. Premier Comité Stratégique de l’Agence du Service Civique.
- 9 février 2011: Conférence d’ouverture de l’année européenne du volontariat. Groupe de travail de 30 jeunes sur le lancement de la Charte du Service Civique.
- 2012 : 22 000 jeunes en Service Civique
- 27 juin 2012: Grand rassemblement de 1000 jeunes volontaires à Paris
- 14 juillet 2013: 100 jeunes du Service Civique au défilé national
- 2014 : 50 000ème jeune en Service Civique
- 14 juillet 2014: Les jeunes du Service Civique au défilé national
- 2015 : 80 000ème jeune en Service Civique. Rapport Chérèque.
- 11 février 2015: Esprit du 11 janvier, Grande marche républicaine des français
- 05 février 2015: Annonce par le Président de la République François Hollande d’un Service Civique Universel.
- 09 mars 2015: Colloque civique et citoyen pour l’anniversaire des 5 ans le 10 mars 2015 du Service Civique à l’Assemblée Nationale
Nous voilà donc avec des dates, et avec un premier élément de réponse concernant le statut du service civique, qui est régi par le code du service national et non par le code du travail, ni par celui de l’éducation nationale (stages).
Présentation du dispositif du service civique (entretien avec Alexandra Latapy)
Qui êtes-vous ? (ce que vous voulez bien me dire)
La Ligue de l’enseignement bénéficie d’un agrément attribué par l’Agence du Service Civique. Elle met à disposition des volontaires dans des associations qui sont affiliées à notre fédération. La Ligue est une structure dite d’intermédiation, elle accompagne à la fois le volontaire dans sa mission et dans son projet d’avenir et la structure dans la qualité d’accueil et d’encadrement. Elle est un garde-fou dans l’accompagnement du jeune et de l’association. Actuellement, notre fédération met à disposition 80 volontaires dans 48 associations.
L’une de mes missions est de former les tuteurs qui accompagnent ces jeunes, que ceux-ci soient salariés ou bénévoles. Le format de base des formations est une journée au cours de laquelle on aborde les droits et devoirs des volontaires ainsi que le rôle du tuteur. Des formations complémentaires sont proposées : comment recruter un jeune sur sa motivation uniquement, comment l’accompagner dans son projet d’avenir ? Nous réaffirmons dans ces formations que le service civique n’est pas un dispositif d’insertion professionnelle mais bien un dispositif qui soutient l’engagement de la jeunesse.
Au cours de ces formations, j’ai bien identifié que le point de blocage concernant le service civique est que le seul modèle de relation à l’autre que nous avons dans un cadre professionnel est le modèle salarial. Le volontaire en service civique n’est pas soumis au code du travail. Les tuteurs peuvent alors avoir la sensation que tout leur échappe, car cela implique de repenser ses logiques. En fait, il y a plus de points communs entre un volontaire et un bénévole, qu’entre un volontaire et un salarié. Nous appréhendons également un lexique spécifique : « entretien de motivation » (et non d’embauche), « mobilisation », « offre de mission » (et non d’emploi), « contrat d’engagement » (et non contrat de travail). Les volontaires ne sont pas soumis au code du travail car il n’y a pas d’obligations de résultats, seulement une obligation de moyens, donc pas de sanction possible. Il n’y a pas de lien de subordination mais un lien de collaboration. Les jeunes ont des tuteurs, mais pas de chef. Ainsi, nous affirmons qu’une mission de service civique ne peut pas consister à assurer des tâches courantes de fonctionnement.
Quel est le profil des jeunes en service civique ?
Les volontaires sont variés, cependant des profils se dégagent par territoires : par exemple, à Tours ou Orléans, il y a beaucoup d’étudiants qui effectuent une mission en parallèle de leurs études, ou lors d’une année de transition. Mais il est nécessaire que ce dispositif ne s’adresse pas qu’à une certaines catégories de jeunes mais qu’il soit accessible à des jeunes qui peuvent être les plus éloignés : quartier politique de la ville, milieu rural, en situation d’handicap, etc.. C’est important que cela ne s’adresse plus qu’aux enfants de bonne famille.
Le souhait est d’arriver à 1/3 d’infra bac, 1/3 bac et 1/3 post bac. L’ambition de l’état pour 2018 étant d’arriver à 350.000 jeunes (soit 10 % d’une classe d’âge).
Pour l’instant, il n’y a pas assez de structures offrant des missions, puisque seulement un quart des volontaires trouvent une mission. Celle-ci est entendue comme un service rendu à la nation et au territoire, à la société. Je pense qu’à la base, le Service Civique a permis de réinjecter de la jeunesse dans le milieu associatif, qui s’est beaucoup professionnalisé, et également appauvri.
Dans un premier temps, le Service Civique ne concernait que les associations loi 1901 mais suite à la tuerie de Charlie Hebdo, d’autres structures de service public sont entrées dans la boucle avec la volonté d’un service civique universel c’est-à-dire donner la possibilité à tous les jeunes qui souhaitent faire un volontariat qu’ils puissent y accéder. Le service civique suite à cet évènement est apparu comme une réponse à la cohésion nationale, à l’éveil du sens civique et citoyen.
Quelles sont les conditions à remplir pour effectuer un service civique ?
Pour les jeunes, le seul critère est d’avoir entre 16 et 25 ans, car les sélections ne se font pas sur les compétences ni les qualifications. Le service civique dure entre 6 et 12 mois, à raison de 24h à 35 h par semaine. La moyenne étant de 24h par semaine sur 8 mois.
Le volontaire perçoit selon sa situation entre 580,55€ et 688,22 € (avec une bourse de 107,67€ sur critères sociaux), dont 472,97€ de l’état et 107,58€ de la structure d’accueil.
La structure qui accueille, sauf pour les services publics, perçoit 100 € par mois et par volontaire le temps de la mission au titre du tutorat. Une aide supplémentaire de 100 euros par volontaire accueilli est versée automatiquement après deux mois de réalisation effective de la mission au titre de la formation civique et citoyenne. Cette formation permet aux jeunes de se retrouver et de se questionner collectivement sur des enjeux et questions citoyennes : Egalité Femme/Homme, la laïcité, connaissance des institutions, mobilité internationale, les autres formes d’engagements…Les jeunes devront également passer le PSC1 lors de leur mission.
Existe t-il des spécificités pour le service civique dans le milieu culturel ?
C’est un secteur où il y a beaucoup de demandes, et peu d’offres, car il regroupe des métiers attractifs. Dans ce secteur, beaucoup de jeunes font des formations pour des métiers sans offres d’emploi. Le volontariat est de plus en plus valorisé dans les CV comme expérience, les dérives peuvent naître ainsi du fait qu’il y ait trop de demandes et pas assez d’offres salariales.
Existe t-il une transmission de bonnes pratiques ou des repérages de mauvaises pratiques, dans une perspective d’amélioration de ce dispositif ?
Oui, de la part de l’état, qui délivre ou pas des agréments selon les bilans des structures et les retours des jeunes. Cependant, la volonté de massification a tendance à réduire les gardes-fous mis en place. Lors de la formation civique et citoyenne, les jeunes sont rencontrés et invités à parler de leur expérience.
La structure a comme mission d’accompagner le jeune dans son projet d’avenir. Même si on ne demande pas aux tuteurs d’être des professionnels de l’insertion professionnelle, ils doivent inciter le volontaire à réfléchir à son « après service civique ». Malheureusement, souvent les jeunes n’entendent jamais parler de projet d’avenir.
Un bilan nominatif est réalisé à la fin, pour dresser un inventaire des actions réalisées et des compétences correspondantes. Le rôle du tuteur est de conscientiser le jeune, qu’il mettre des mots sur ses expériences.
On arrive à identifier trois phases dans la motivation des jeunes :
- le jeune est tout feu tout flamme
- le jeune découvre la réalité du terrain et montre moins d’enthousiasme
- les choses se stabilisent
Quel est ton sentiment personnel sur ce dispositif ?
Pour moi, c’est un dispositif très ancré dans l’éducation populaire. Il est a appréhender dans un parcours de vie où chacun à apprendre des uns et des autres. Il permet de repenser la relation à l’autre, hors de la subordination. Il cherche à établir une relation de confiance et permet l’éclosion d’un nouveau regard porté sur la jeunesse.
Accueillir un volontaire est le choix d’une structure pas seulement d’un tuteur. Il faut que ce soit une décision collective, voté en conseil d’administration.
Cela peut être un très bon dispositif à condition que les structures d’accueil et les tuteurs se forment. Il faut en comprendre la philosophie : c’est un dispositif d’engagement, pas d’insertion professionnelle.
De façon plus critique, et d’un point de vue sociétal, si tu as entre 18 et 25 ans et que tu n’as pas tes parents derrière toi, techniquement, tu n’as aucune ressources de soutien. Tu es nié entre 18 et 25 ans. Certaines catégories d’âge sont oubliées par l’état du point de vue de la subsistance.
Partage d’expérience sur le service civique (entretien avec Marine et Simon)
Qui êtes-vous ?
M : Je suis Marine, j’ai grandi et passé mon baccalauréat à Orléans, où je m’y suis particulièrement ennuyée. Cette année j’étais en étude de Master Ingénierie des Métiers de la Culture et là je termine ma deuxième année.
S : Je m’appelle Simon, j’ai 24 ans et j’ai raté mes études. Je me suis retrouvé à la rue et c’est comme ça que j’ai fini par faire un service civique. J’étais à la faculté de musicologie. Ça me plaisait mais je n’avais pas le profil pour faire ces études. Il m’a fallu 4 ans pour comprendre, jusqu’à la L3 où j’ai redoublé, sans continuer. J’étais à Orléans, à Valence puis à Paris. Puis de nouveau à Orléans.
Pourquoi avoir fait ce choix ?
M : À l’origine j’étais censée faire un stage de dernière année de Master afin de rédiger mon mémoire. J’avais déjà repéré Labomedia il y a 3 ans par sa Fête des 01 et notamment sa programmation, et c’est là que j’ai découvert tout un milieu fascinant sur Orléans avec des gens qui s’interrogent sur les mêmes sujets que moi. Mon projet professionnel se construisant au fur et à mesure, je me suis retrouvée en deuxième année de Master à m’intéresser aux cultures numériques et aux méthodes d’éducation populaire, ainsi qu’à l’art contemporain. Ces grands axes m’ont alors orienté directement vers Labomedia. Que j’ai spammé pour pouvoir faire un stage chez eux :)
S : J’ai identifié le Service Civique comme une des rares opportunités de toucher des sous. Normalement il y a des missions mises sur Internet sur laquelle on va s’inscrire. C’est moi qui ait provoqué le service civique chez Labomedia. Des amis m’en avaient parlé et une conseillère de la mission locale m’a conseillé de démarcher cette structure. En septembre 2016, j’ai eu une réponse positive et en février 2017, le service civique s’est déclenché. Il a fallu créer une mission sur le site, pour la rendre publique. Au départ, je n’avais pas envie de faire de service civique car j’avais eu des mauvais retours de la part d’amis, notamment dans l’éducation nationale. Le fait d’avoir trouvé ma structure m’a incité à faire le service civique. Comme je m’étais mis tardivement à tout ce qui est code numérique et informatique, je me suis dit que ça me ferait une expérience qui ne m’aurait pas été donnée d’une autre manière. Je connais certaines personnes qui l’envisagent comme un stage et j’ai un paquet de témoignages de personnes contraintes d’accepter des services civiques dans un domaine qu’il n’apprécie pas, par exemple au sein de préfectures ou des agences pôle emploi.
Comment cela se passe ?
M : Ça se passe très bien. Ils m’avaient bien prévenu qu’il fallait une grande autonomie si je voulais y faire un stage ou un service civique, et c’est ce qui me ravit le plus. J’ai beaucoup d’idées pour valoriser leurs actions et j’ai du soutien autant du côté de l’équipe -elle ne me dit jamais non- que du côté des adhérents, toujours disponibles pour me filer un coup de main. Des fois cette grande autonomie donne le vertige, et les différences de générations font que je me sens pas comprise sur certaines méthodes et objectifs. Mais c’est stimulant, c’est expérimental à tous les niveaux et c’est formateur. Les horaires sont très souples. Trop souples. Je suis dans un cadre tellement libre que je dois poser mes propres règles et m’imposer mon rythme, tout en faisant avec ceux des autres. Du coup c’est compliqué de travailler réellement en équipe.
S : Je suis là pour une durée de 9 mois. J’appréhende l’après. J’ai fait un Service Civique car je n’arrivais pas à me nourrir ni à me loger. Je sais que ce n’est pas le cas de tout le monde. Il y a beaucoup de volontaires qui font juste une pause dans leurs études, et qui ont le soutien de leurs parents.
Quels sont les aspects positifs et négatifs de ce dispositif pour vous ?
M : Les points positifs sont la liberté, l’improvisation et l’expérimentation sur les actions de communication et de développement de projets culturels, tu peux faire beaucoup si tu as des idées. Et de la motivation. Les points négatifs : le problème du Service Civique c’est qu’il brasse une tranche d’âge où les jeunes peuvent avoir des activités très différentes. Certains sont tout juste majeurs et ne connaissent rien au milieu professionnel, n’ont peut être pas encore développé d’ambition concrète; d’autres savent déjà où ils vont et connaissent les secteurs pour s’épanouir. Pour certains le Service Civique est un temps de réflexion avec une indemnité. Pour d’autres le Service Civique remplace leur dernière phase de professionnalisation ou constitue même leur premier emploi, à responsabilité, et dans ce cas, le mien en l’occurrence, l’indemnité de Service Civique est attendu comme un salaire. On voit alors les limites : on aimerait faire plus en tant que jeune motivé mais le retour financier n’est pas à la hauteur. On est alors cantonné à ce jeune motivé mais de passage.
Auriez-vous des perspectives d’amélioration à l’esprit ?
M : Il faudrait que le Service Civique soit plus ciblé auprès de certains jeunes, et veiller davantage à ce que les structures comprennent bien ce qu’est un Service Civique. J’ai un ami pour exemple qui l’a très mal vécu parce qu’on l’a littéralement employé, et donc exploité. Le Service Civique n’était pas fait pour lui : il avait un niveau d’étude et une maturité suffisante pour développer des choses super dans sa structure, et générer de vrais résultats et améliorations, mais le dispositif (et ses collègues) n’était pas à la hauteur de ce qu’il apportait (dans la compensation financière et son intégration dans une équipe de travail).
S : De manière générale, je pense qu’il faudrait supprimer le dispositif. Concrètement, je pense que les problématiques auxquelles répond le Service Civique sont plus ancrées dans le système social et général, et dépasse le cas particulier. Il concerne une jeunesse en situation de précarité. L’alternative pourrait être le revenu universel. Je pense que tout le monde passe son temps à se former de toutes façons. Ce dispositif ressemble à un chantage à l’argent, pour des jeunes qui ne sont absolument pas aidés.
Vous sentez-vous inscrit.e dans un dispositif particulier ?
M : Avec la formation obligatoire Service Civique j’ai rencontré des gens motivés et avec les mêmes expériences que moi. Donc oui je me sens rattachée à une génération de Service Civique, que je perçois comme un ensemble de gens ayant plus ou moins le même âge, qui veulent changer leur paysage et environnement (naturel, culture, politique…), et le changer VITE, qui débordent d’idées et d’amour pour les autres.
En quoi est-ce différent d’un stage ou d’un emploi de droit privé ?
M : Dans un stage/emploi, on doit respecter des objectifs et des méthodes propres à la structure, sans pouvoir les discuter. De plus on doit déjà avoir un pied dans le milieu professionnel et le domaine d’activité, notre profil doit faire office de porte d’entrée. La différence avec le Service Civique c’est qu’on peut venir de n’importe où pour s’immiscer dans un milieu qui nous est absolument inconnu. Enfin en théorie.
S : Je ne vois pas vraiment de différences. Pour moi, c’est de l’emploi déguisé. Une manière pour que les jeunes ne soient pas trop au chômage. J’ai du mal à comprendre en quoi mon statut est différent d’un salarié. Il m’est difficile de me considérer comme une personne étrangère à la structure. Nous n’avons pas de salaire, mais une petite indemnité. Je sais que ces trimestres comptent pour ma retraite, mais sans cotiser. Il n’y pas de dispositif particulier autour si ce n’est les formations obligatoires, dont une à la citoyenneté, ainsi que la formation premiers secours. Ces formations nous permettent de rencontrer d’autres volontaires en Service Civique, quelque soit leur domaine.
Avez-vous vécu d’autres expériences « de l’intérieur » dans le milieu culturel et artistique ?
M : J’ai fait un stage de médiation en galerie d’art contemporain, ce qui m’a permis de voir que je n’aimais pas la médiation ni le milieu de l’art contemporain. J’ai fait un stage dans un ensemble de musique contemporaine, où j’ai compris que je ne devais pas attendre l’aval des supérieurs pour développer mon activité. J’ai aussi fait beaucoup de bénévolats dans divers festivals, théâtres, salles de musiques actuelles. Et j’ai aussi organisé quelques projets avec des amis dans le cadre de mes études -le plus notable étant celui de la Nuit des Etudiants au Centre d’Art Contemporain de Dijon.
S : Oui, j’ai fait partie d’une association étudiante qui organisait des concerts. Souhaitant plus m’orienter « code », j’ai plutôt choisi Labomedia pour sa grande transversalité. Je peux y faire de la menuiserie, de l’électronique, de la médiation d’événements, du code, de l’éducation populaire…
Quel est ton sentiment personnel sur ce dispositif ?
S : Après le Service Civique, je n’aurai rien. ll y a des structures mises en place que j’ai essayé de contacter mais elles se renvoient la balle (Mission locale, GIP Alpha Centre, Pôle emploi…). Cela m’a permis tout de même de découvrir d’autres milieux. C’est la première fois que je suis dans une structure comme Labomedia, que je considère comme unique. Les profils sont très différents mais collaborent dans des domaines qui sont vastes.
M : En ayant discuté avec des amis dans les mêmes études que moi, d’autres amis travaillant plus généralement dans la culture et les arts, et grâce à la formation Service Civique où j’ai aussi parlé avec pas mal de personnes dans le social et le sport, je vois souvent les mêmes problèmes ressortir : notre génération commence à buter contre les plus anciennes à la tête de structures fondées sur les mêmes ambitions que les nôtres, et qui ont du mal aujourd’hui à passer le flambeau. Autour de moi je vois des associations et collectifs se construire, parce que les lieux et les personnes aux postes de direction ne veulent pas modifier leur politique et ont arrêté de se poser des questions dès lors que l’Etat a bien voulu leur accorder quelques sous pour réaliser leur rêves de jeunes. Nous rencontrons aujourd’hui le même problème, pas seulement dans la culture et les arts mais dans tous les secteurs. Du moins ceux proposés par le dispositif de Service Civique. Je vois que les frontières entre les domaines d’activités se brisent, et qu’il n’est plus d’actualité de parler de culture et d’art sans parler de social, sans parler de sport, sans parler de sciences également.
J’aimerais qu’entre jeunes fauchés mais motivés on se solidarise plus, qu’on communique plus entre nous pour faire bouger les choses. Il y a énormément à faire. Pour cela les rassemblements organisés par la Ligue de l’Enseignement sont très biens. Mais il faut aussi communiquer via les réseaux, et mettre l’accent sur les outils de communication entre Services Civiques. Ne pas oublier, lorsqu’on est seul dans sa structure en pleine campagne qu’il y a des gens prêts à nous rejoindre pour développer des projets, et pour faire changer la société. Et c’est pas forcément la structure dans laquelle on est qui va nous le rappeler.
POUR ALLER PLUS LOIN
Extrait de la Loi no 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique :
« Art. L. 120-14. […] La personne morale agréée assure à la personne volontaire, notamment à travers la désignation d’un tuteur, une phase de préparation aux missions qui lui sont confiées, au cours de laquelle est précisé le caractère civique de celles-ci, ainsi qu’un accompagnement dans la réalisation de ses missions. […] La personne morale agréée assure en outre à la personne volontaire effectuant un engagement de service civique une formation civique et citoyenne et un accompagnement dans sa réflexion sur son projet d’avenir. […]»
Texte de mise en œuvre à destination des Préfets, juin 2010
Paragraphe 4.3. Le tutorat
« L’organisme d’accueil du volontaire est tenu de désigner en son sein un tuteur chargé de préparer le volontaire à sa mission et de l’accompagner dans sa réalisation, notamment au travers des entretiens réguliers et d’un suivi du déroulement de la mission. Un accompagnement dans sa réflexion sur son projet d’avenir devra également être fourni à la personne effectuant un engagement de Service Civique, par exemple afin de favoriser l’insertion professionnelle de la personne volontaire à l’issue de sa mission. Il pourrait être utile que des regroupements de tuteurs soient organisés au niveau régional ou départemental afin de les aider à exercer au mieux leur mission. En cas de litige avec son tuteur et pour toute difficulté survenant dans l’accomplissement de sa mission, le volontaire pourra s’adresser aux services de la direction départementale.»
DROITS DU VOLONTAIRE
•Aide au logement possible
•Cumul possible avec statut d’étudiant et/ou emploi (ou autre activité rémunérée)
•Suspension des versements indemnités chômage, RSA, RSA majoré
•Inscription possible au Pôle Emploi, catégorie 4, pas d’actualisation mensuelle
•Avantages nationaux à retrouver sur le site de l’ASC, éventuels avantages locaux à voir auprès des DDCS