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30 septembre 2019

Ou\ /ert, Jens Hauser et Aniara Rodado

Phytophilie – Chlorophobie – Savoirs Situés

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À propos du projet

Le projet OU\ /ERT : Phytophilie – Chlorophobie – Savoirs Situés met à l’épreuve la prétention anthropocentrique à l’heure du greenwashing omniprésent qui masque les dégâts que le capitalisme sauvage inflige aux systèmes écologiques et sociaux.

Ce projet d’action artistique ouvre des champs d’interrogation au-delà du symbolique, et met l’accent sur l’importance d’un engagement matériel, épistémologique et politique dans les arts à l’heure de la crise environnementale.
Ainsi, les artistes invités s’engagent physiquement pour interroger des vivants possibles, et privilégient une approche des corps en tant qu’entités symbiotiques multidimensionnelles, écologies transversales et trans-espèces, tout en déconstruisant ainsi les ontologies fondées sur la seule individualité humaine.

OU\ /ERT questionne ainsi la tendance des civilisations humaines modernes à vouloir « tout verdir » en guise d’hyper-compensation.

S’appuyant sur une interprétation erronée du végétal, l’humain prend le « vert » comme une analogie symbolique du ‘naturel’, alors que la perception du spectre électromagnétique correspondant au ‘vert’ révèle surtout un anthropocentrisme : l’œil humain distingue préférentiellement et avec le plus d’acuité le vert, du fait de l’évolution biologique, alors que cette longueur d’onde est inutile au processus de photosynthèse des plantes dont les chlorophylles absorbent de la lumière bleue et rouge et réfléchissent le reste du spectre, dont le vert dominant, comme ‘reliquat’.

Alors que les humains sont enclins à prendre cet excédent spectral pour l’essence même du végétal, ce malentendu les amène aussi à réduire la plante à sa fonction photosynthétique, ou à sa capacité de séquestration du gaz carbonique.

Ce paradoxe nous conduit à une méfiance à l’égard des métaphores vertes, tout en insistant sur l’importance d’un savoir situé sur les organismes chlorophylliens, très majoritaires sur notre planète et essentiels pour toutes les autres formes de la vie. Trois axes principaux traversent ce projet d’exposition, de performances et d’éducations artistique et scientifique :

– La  » plantamorphisation  » en art et philosophie, qui non seulement inclut une réflexion sur les notions de centralité et d’individualité, mais se traduit aussi par des attitudes artistiques dans lesquelles le végétal est à la fois figure de pensée et agent collaborateur;

– La déconstruction de l’emploi symbolique et superficiel du ‘vert’ comme mascarade et synonyme supposé de l’écologique et du végétal;

– L’intégration des recherches récentes sur les modalités sensorielles des plantes et des savoirs traditionnels sur la pharmacopée, en nourrissant des spéculations non anthropocentriques afin de transformer notre sensorium, et d’accroître notre perception de l’environnement et du théâtre climatique actuel.

 

Une place importante sera donnée à la question de l’agencéité/la qualité d’acteur d’autres organismes et systèmes expérimentaux, à leur micro-performativité même, plutôt que de mettre l’accent sur la technè humaine, tout en s’appuyant sur une pensée philosophique contemporaine qui prône le continuum entre les espèces et les liens communs microscopiques.

On explorera des formes d’art hybride, inspirées des études des sciences et technologies contemporaines (Science and Technology Studies ou STS), et qui promettent d’ouvrir des perspectives permettant de reconsidérer l’altérité, les potentiels et agencéités non humaines, grâce aux plantes, aux animaux et aux micro-organismes.

Un autre accent est mis sur ce que la compagnie des plantes signifie pour les sorcières, alchimistes et chamans qui ont développé, dans des cultures et contextes différents, des techniques permettant de dépasser le visible et d’accéder à d’autres réalités. Ceci va de pair avec le concept même des savoirs situés, tel que mis en avant par Donna Haraway :

« Nous ne cherchons pas la partialité pour la partialité mais pour trouver les connexions et les ouvertures inattendues que les savoirs situés rendent possibles. Le seul moyen d’obtenir une vue plus large est de se trouver quelque part en particulier.»

Jens Hauser

Commissaire d’exposition et auteur, Jens Hauser vit et travaille à Paris et Copenhague où il est chercheur affilié au Medical Museion de l’Université de Copenhague. Il est également membre distingué du département des arts, de l’histoire de l’art et du design à la Michigan State University, professeur invité à l’Université des Arts Appliqués de Vienne et à l’Université du Danube Krems. En tant que chercheur en médiologie, il interroge les interactions entre art et technologie, et a été le commissaire d’une vingtaine d’expositions internationales.

Aniara Rodado

Chorégraphe, artiste et chercheuse, Aniara Rodado étend sa pratique au-delà de la danse et au-delà du corps humain afin de questionner les crises écologiques actuelles à l’heure de la fétichisation techno-scientifique.
D’un point de vue trans-féministe, elle explore la sorcellerie et les relations interspécifiques à partir du monde végétal.
Aniara Rodado est également doctorante en sciences et arts à l’École Polytechnique, Université Paris-Saclay.