Entretien avec l’artiste Wesley Meuris à propos de son exposition scenes of engagement aux Tanneries, par Antoine Rouzet
Comment avez vous réagi suite à l’invitation de l’équipe des Tanneries ?
En réalité, l’installation (faite d’interventions architecturales) peut être lue et regardée comme une réponse à cette invitation. Être invité en tant qu’artiste, dans un centre d’art relativement nouveau est un honneur, mais être impliqué dans un processus plus spécifique de « réflexion sur les différentes possibilités et l’avenir de ce lieu » est un honneur encore plus grand. Néanmoins, il faut rester vigilant car il demeure relativement simple, en particulier en tant qu’artiste étranger, de trébucher sur une histoire complexe, intégrée à un contexte politique et artistique local.
Cependant, l’espace était suffisamment généreux, avec de nombreuses caractéristiques pouvant être interrogées, déclenchées, voire projetées sur de plus larges tendances internationales du monde de l’art.
Dans le cadre de la production de certaines de vos pièces, interagissez-vous avec d’autres secteurs tels que l’artisanat ou l’entreprise ?
L’installation portait une intention : celle d’être considérée comme un «mécanisme», et un «appareil d’exposition». Les formes dans l’espace se réfèrent à certains éléments utilisés dans les expositions, en scénographie ou dans différentes formes de production d’un savoir. Les contextes, (comme la tribune, les piédestaux, la scène,) … tous ces éléments se réfèrent aux fonctions d’organisation et d’activation des espaces d’exposition. Dans ce sens, l’installation aux Tanneries peut être considérée comme la découpe d’un système global qui conduit (voire gère) le regard et mène la perception. Ici réside le pouvoir du dispositif, rendu possible par plusieurs interventions architecturales, différentes constructions de mobilier ou des affiches réalisées pour l’occasion.
Au regard de l’oeuvre Foundation for Exhibiting Art and Knowledge, publiée à l’occasion de votre expo au Casino Luxembourg, il semble que votre rapport à l’institution oscille entre manipulation des modèles muséaux et narrations fictives, pouvez-vous nous en dire plus par rapport à ce projet ?
Les deux projets examinent certains mécanismes d’exposition ou de communication sur le fait d’exposer. Tandis que la pièce présentée au Casino regardait vers l’extérieur, les musées, les grandes expositions à succès, etc. … l’installation des Tanneries part de son propre emplacement, du contexte donné, de ce que l’histoire a déjà donné à l’espace et ce à quoi nous pourrions rêver. Mais encore une fois, dans cette installation, les questions posées par les affiches devraient être considérées dans un discours artistique plus large. Ces pensées sont construites et pensées sur des systèmes actuels. Une fiction, certes, mais une fiction très proche de ce qui nous entoure dans le monde contemporain.
Même si les usines restent toujours à proprement parler des espaces de production, et même parfois d’actions politiques, le concept de « culture officielle », surtout en France, est très tenace. Comment désamorcez vous certains préconçus liés à notre rapport aux institutions ?
En me concentrant sur quelque chose allant au delà des problèmes hexagonaux.
Mon travail emprunte des référence aux institutions (pas seulement les institutions artistiques), mais en fait, il s’agirait d’avantage d’un phénomène profondément humain, traitant de l’urgence d’exposer, de l’importance fondamentale d’inventer des outils pour la conservation et le partage.
Ces intentions sont rendues possibles par la diversité des motifs. Une complexité frappante émerge à l’intersection de ces différents motifs et stratégies multiples, un moment où la perception contrôlée peut prendre une nouvelle forme. D’un seul coup, les objectifs et les stratégies ne concordent plus avec la conception architecturale ou la structure de l’exposition.
Dans ce sens, l’installation présentée aux Tanneries est une question ouverte, un début de dialogue.
Vous intégrez à ce programme temporaire des espaces prototypes, poussant les visiteurs à aller au-delà d’une expérience passive de groupe, ces usages contribuent- ils à inscrire le champ de l’art dans notre société ?
Pas seulement l’art, car c’est d’avantage un problème culturel.
Mais effectivement, il y a quelque chose du ressort de « l’expérience de regarder » et l’expérience de la compréhension, qui peut par ailleurs s’appliquer au champ de l’art.
Le besoin d’activation, le besoin d’incorporer, ou le besoin de la compréhension individuelle…S’il y a une dimension critique là dedans, elle ne réside certainement pas dans la fissuration des modèles muséaux et mon intention n’est pas non plus de renverser les mécanismes institutionnels.
Il s’agirait plutôt d’un désir de les saisir. Et la possibilité d’une certaine réussite est en même temps assujettie à ce désir.
L’homogénéisation des contextes d’exposition produit une forme d’effacement des mémoires ouvrières, vos installations sont-elles des protocoles visant à réactiver les « perspectives industrielles » des lieux d’art ?
L’espace d’exposition peut être pensé comme une plate-forme d’activation.
Non seulement grâce aux artistes, mais aussi aux écrivains, aux conservateurs, ou personnalités politiques, ou encore aux usagers et au public, …
Pas nécessairement des activations physiques, mais aussi l’activation par la parole, le son, qui pourraient faire penser à l’activation de la mémoire, ou à l’activation du futur…
How did you react to the invitation of the Tanneries team?
Actually you can understand and read the installation (architectural interventions) as a reaction on the invitation.
Being invited as an artist in a relatively new artistic center is a honor, but being involved in thinking about the possibilities and the future of the place’ is even a bigger honor. Nevertheless something to be careful about as well, it iseasy to slip out on a complex history which is embedded in a (local) political and artistic context, especially as a foreign artist. Nevertheless the space was generous enough with plenty characteristics which could be questioned or triggered as well projected on wider international tendencies in the art world.
In the production of some of your pieces, do you interact with other sectors such as craft or business?
The installation has the intention to be seen as an ‘mechanisme’, and ‘apparatus of exhibiting’. The shapes in the space do refer to certain elements used in exhibitions, in scenography or in knowledge producing contexts, as there ar the tribune, the pedestals, the stage,… All these elements refer to functions of arranging and activating exhibition spaces.
In this sense the installation in Les Tanneries can be seen as a cut-out of a overarching system which conducts (manage) the eye and leads the perception. The power of display, set up by architectural interventions, furniture-like constructions and constructed posters.
In relation to ‘Foundation for Exhibiting Art and Knowledge’, published on the occasion of your exhibition at the Casino Luxembourg, it seems that your relationship with the institution oscillates between the manipulation of museum models and fictional narratives, can you tell us more compared to this project?
Both projects examen certain mechanisms of exhibiting, or communicating about exhibiting. Whereas the Casino show was looking to the outside, to the museums, the big blockbuster exhibitions,and so on… the show now starts from it’s own location, from the given context, from that what history already gave to the space and from what could be dreamed of. But again, the installation, the questions been raised by the posters should be seen in a wider artistic discours. Thoughts which are constructed and rely on ongoing and applied systems. Yes, a fiction, but one which is pretty close to what surrounds us nowadays.
Even if the factories always remain strictly speaking spaces of production, and even political actions, the concept of « official culture », especially in France, is very tenacious, how do you defuse certain preconceptions related to our relation to art institutions?
To focus on something which goes beyond national issues. My work often picks up references to institutes (not only art related by the way), but actually it is more about a very human phenomena, about the urge of exhibiting, about the creation of instruments for conservation and sharing. These intentions are constructed by diversity of motives. A striking complexity emerges at the intersection of the various motives and strategies, a moment when controlled perception can possibly take a new turn. Objectives and strategies are suddenly no longer in line with the intended design, architecture or exhibition structure. In this sense the installation in Les Tanneries is a open question, a start for dialogue.
You integrate prototypes into this temporary program, pushing visitors to go beyond a passive group experience, do these uses contribute to anchory of the field of art in our society?
Not only art, it’s even a more cultural issue. But yes, there is something about ‘the experience of seeing’ and the experience of knowing’ which can be found in the field of art as well. The need for activation, the need for the embedded, the need for the individual meaning,… If there is a critical dimension to it, it does not lie in the cracking of exhibition models, and neither is it the intention to knock down the institutional mechanism. It is rather a desire to get a grasp of it, and the possibility of success is at the same time subject to that desire.
The homogenization of the exhibition contexts produces a form of erasure of the workers’ memories, are your installations protocols to reactivate the « industrial perspectives » of art spaces?
There is, the exhibition space as platform of activation. Not only by artists, but as well by writers, curators, politicians, users, audience,… Not necessarily physical activations, but as well the activation through speech, sound, we could think about the activation of the memory, or the activation of the future,…