AAAR.FR est devenu devenir•art ! Ce site est conservé comme archive mais il n'évoluera plus.

Géolocalisation désactivée

Du 23 Avr au 26 Nov 2017

Vernissage : 22 Avr @ 17h00

SCENES OF ENGAGEMENTS

Catégorie :

45 Loiret

Une proposition d’Éric Degoutte. Artiste en résidence : Wesley Meuris.

Adresse :

234 rue des Ponts 45200 - Amilly

Fichiers liés :

Exposition GRANDE HALLE

 

Invité en résidence de création dans les ateliers du centre d’art, l’artiste belge Wesley Meuris découvre et arpente la Grande halle de ce dernier. Cet espace conserve visibles les singularités architecturales liées aux anciennes activités de tannage des peaux animales. Il comporte également la signature de l’architecte en charge de la transformation du bâtiment industriel en centre d’art. Cette métamorphose du site est désormais celle des Tanneries : elle conduit Wesley Meuris à concevoir un dispositif sculptural qui permettra au visiteur de ressentir cette « mue » pour mieux habiter le lieu et en percevoir les nouveaux usages.

Observant attentivement les architectures et les aménagements intérieurs de nos lieux publics, il en extrait les principes de conduite. Il donne à percevoir ce qui les fondent et les optimisent à des fins définies : encourager des attitudes, valoriser des contenus ou des évènements, orienter les regards ou obliger le déplacement des corps dans les espaces. Ces formes de conduite devenant parfois formes de contrôle, pour mieux répondre à des dispositifs finalement assez autoritaires.

Wesley Meuris développe un travail d’installation qui rejoue, dialogue, parfois exacerbe pour mieux interroger ces formes de conduite. Car c’est à travers ces formes que s’expriment les systèmes de monstration, de diffusion et d’information qui sont liés au monde de la communication et du marketing, au monde des loisirs et du tourisme culturel, au champ de l’art ou des savoirs.

Vitrines, estrades, socles, écrans et supports d’affichage, ameublements d’accueil et de rangement deviennent chez lui autant de modules exploités pour leurs qualités sculpturales, fonctionnelles, narratives, fictionnelles. Ces formes modulaires et mobilières composent le vocabulaire constitutif de ce que l’on appelle « un display ».

Wesley Meuris
Compare two Magnificent Pieces of the Collection, 2012 dimensions variables
chêne, contreplaqué, métal crédit photo : E.Chenal

Wesley Meuris se saisit de l’invitation faite des Tanneries pour prolonger sa réflexion, la mettre à l’épreuve d’une nouvelle histoire émergeant de ces lieux avec la mise en œuvre d’une première saison artistique.

Considérant ce nouveau dispositif de visibilité qu’est ce centre d’art – où se travaille aussi le contexte de construction du regard porté sur l’art – Wesley Meuris conçoit actuellement une structure mobile visant à être déployée de l’intérieur vers l’extérieur du bâti- ment. Elle se décline en autant de plateformes et de passerelles liant les abords du parc, le parvis extérieur et les espaces intérieurs (espaces, lumières, sonorités) de la Grande Halle. Ce dispositif s’adosse à la physionomie du bâtiment dont les anciennes cuves de tannage et les larges ouvertures affirment une structure circulatoire en croix. En intervenant sur le site, cette structure liée à la fonctionnalité des anciennes tanneries peut dès lors être librement arpentée, parcourue et traversée par la circulation des corps et celle des regards.

Pensé comme un vaste espace de rencontres et de prises de paroles, telle une plateforme accueillant spectacles vivants et performances, conférences et autres évènements, cet espace performé du geste artistique (In Situ) sera aussi un espace d’expériences sensibles, individuelles ou collectives. Traversée par ces multiples mouvements, la Grande halle prendra ainsi la forme d’un réceptacle d’histoires à découvrir, à vivre, à projeter ensemble.

Wesley Meuris, Room 36 Area LW, 2014. Bois peint. 60 x 220 x 480 cm. crédit photo : LaBF15, Lyon. coproduction LaBF15, Lyon

NOTE D’INTENTION

« La première image qu’a prolongé Wesley Meuris fut celle de ces hommes manipulant ce grand et lourd plateau sur lequel vient prendre forme une longue suite d’éléments osseux.»

Telle une architecture tronquée, mais néanmoins suffisamment fonctionnelle, à bien la regar- der, il est aisé de penser le déplacement, la mobilité de cette plateforme.
Les tréteaux roulants, disposés en chaque extrémité, et les traces qu’ils ont laissées au sol confirment cela.

Ils ont dessiné ainsi autant de chemins menant aux expositions passées et à leurs histoires.

Ces histoires se déroulent loin de nos regards dans les corridors d’espaces extérieurs qui forment comme le contre-champ du visible qui vient habiter les volumes, les lumières vers lesquels – ici, dans l’image – est acheminée l’ossature.

Elle aussi tronquée, mais néanmoins suffisamment évocatrice…

Ces 3 hommes travaillent à construire les conditions renouvelées du regard.

Il s’agit ici de l’histoire d’une scénographie s’organisant, au sein d’un probable Museum d’histoire naturelle. Ces hommes poussent, orientent, dirigent et conduisent. Leurs gestes construiront les conditions d’un intelligible alors percevable. Qu’il soit comme ici lié à l’univers de formes de vie disparues, démesurées, énigmatiques et fascinantes, dans un rapport d’étrangeté, s’opère un accès à un réel d’abord supposé, puis découvert, extrait et étudié. De ces états intermédiaires du pensé et du projeté, se détermine et s’organise ce par quoi il se figure et devient sujet : sujet d’étude, sujet d’observation. Support du regard.

La fabrique est engagée : qu’il s’agisse d’une œuvre d’art ou d’un objet muséographique, l’organisation de leur inscription dans un champ donné (soit celui de l’art, soit ceux des savoirs scientifiques) ouvre de plain-pied aux conditions de sa visibilité.

Ce plain-pied vient résonner avec cette plateforme par laquelle, sur laquelle, s’organisent d’une certaine manière les langages, les savoirs et leurs programmes, les espaces et les temps, le travail des déplacements physiques, sémantiques ou sensibles. Et où se forme l’histoire de chacune de ces mises en œuvre.

La présence de Wesley Meuris apporte une première forme d’éclairage sur le projet artistique du centre d’art, dans le temps lié à la mise en œuvre d’une première saison artistique.
Au croisement des enjeux de la « fabrique » – celle qui s’opère par le geste comme celle qui s’opère par la pensée – de l’œuvre, des expositions et de leurs histoires (scientifiques et théoriques, critiques, journalières et laborieuses…).

Éric Degoutte, 27 février 2017

NOTE DE RÉSIDENCE – « SCENES OF ENGAGEMENTS », HYPOTHÈSES DE TRAVAIL

« Les Tanneries comme centre d’art contemporain : situé sur un terrain d’histoire, une ancienne tannerie est utilisée après fermeture comme espace libre pour les artistes. Aujourd’hui, l’espace est devenu, comme on peut dire, « institutionnalisé » »

Si l’architecture est restaurée dans le respect de son histoire, une nouvelle grille née de son aménagement vient recouvrir le terrain. Cet espace appelle à l’acte d’exposer, aux échanges de paroles, aux réunions, aux engagements,…

En tant que plasticien, je m’intéresse déjà depuis quelque temps aux « phénomènes de l’exposition », au sens le plus large du terme. Dans le cas précis de l’invitation qui m’est faite, il est extraordinaire d’être impliqué en tant qu’artiste dans l’ « (après) naissance d’une institution ». Mon travail pouvant être considéré comme une compréhension critique des mécanismes d’exposition et des systèmes, il est intéressant de lire ma proposition aussi sous cet angle. Cependant, pour ce projet dans Les Tanneries, je veux aller un peu plus loin. Le projet que je propose souhaite activer quelques idées sur l’exposition. Il vise à créer une condition de possibilités, un protocole d’exposition, un scénario de perception : à travers la scénographie, les archives, la parole, les rencontres…

Mon intention est de regarder les possibilités de l’espace, celui de la Grande halle en particulier, mais aussi le centre d’art en général.

La proposition que j’envisage contiendrait une structure scénographique, avec des mécanismes d’affichage, avec un programme d’été. Certaines propositions seraient réellement construites, d’autres existeraient en tant que possibilités suggestives en provenance du passé et pour l’avenir. Elle incluerait aussi un programme avec des conférences d’artistes, de conservateurs et d’architectes, mais aussi des programmes de danse et de musique. Certains d’entre eux seraient réels, d’autres fictifs … (Ce sera certainement un défi de communiquer cela au public). Je veux voir et comprendre le bâtiment comme un appareil, une structure qui se déplie vers l’extérieur, le jardin et les rivières. Une scénographie guiderait non seulement l’œil vers l’extérieur mais aussi le corps, les visiteurs comme les agents.

Je résume quelques interventions possibles :

  1. Deux structures mobiles ouvertes, à travers des rails qui pourraient être déplacés de l’intérieur vers l’extérieur. Parfois, elles fonctionnent comme des étapes, parfois, elles pourraient être considérées comme des écrans mobiles. Leur fonction resterait ambiguë. Ces deux structures pourraient être placées à l’intérieur du bâtiment pendant la nuit ou les jours de pluie. Ces formes pour- raient également être placées en partie à l’extérieur. En tant que visiteur, vous devrez marcher sur elles pour passer de l’autre côté. Les structures sont en bois, peintes, il y a de la lumière sur le dessus.
  2. Un auditorium sculptural. Il pourrait être construit comme une tribune, pour s’y as- seoir, ou l’on pourrait y installer des chaises. Cette intervention fonctionnerait de deux façons, de façon sculpturale et comme un lieu fonctionnel pour prendre place, écouter et regarder les événements.
  3. Les couvertures en bois du bassin pourraient être stockées dans l’espace de l’atelier (la salle technique propre et chaude). Elles seraient stockées sur une structure d’étagère sculpturale. Exposer le sol même de l’espace d’exposition aurait pour effet d’amplifier le principe général du projet. Dans les espaces de rangement du centre d’art, le plancher – comme display – serait exposé…
  4. Les cuves de la salle principale seraient alors ouvertes. Une structure d’affichage serait créée de manière à s’insérer dans les cuves. Les structures seraient partiellement enterrées et partiellement au-dessus de la surface du sol. Le dessus pourrait être recouvert de verre; ce dispositif reprenant un moyen archéologique de conservation, d’exposition.
  5. À l’arrière du bâtiment, là où la structure pourrait venir se placer à l’extérieur (cf. l’intervention 1) serait construite une sorte de plate-forme. Ce serait un point de rencontre, un lieu où les gens se ras- semblent, boivent, mangent…
  6. Dans la Grande halle se trouveraient quelques structures mobiles et des cubes d’affichage avec un principe d’éclairage similaire à celui de l’intervention 1.
  7. Dans la Grande halle, des murs comporteraient des affiches et des publicités fictives. Elles renverraient à certains événements artistiques ou à d’autres manifestations liées au lieu. Certains reprendraient des interventions historiques sur le bâtiment, d’autres suggéreraient des possibilités pour l’avenir. (Voir projet de l’artiste intitulé FEAK, The Fondation for Exhibiting Art And Knowledge).
  8. …Un coin avec du matériel d’archives, un affichage disponible dès le début de l’exposition dont les contenus (photos et documents) seraient ajoutés au fur et à mesure … Pendant l’ouverture de la Biennale d’architecture notamment.
  9. Des signalétiques directionnelles et d’orientation marquées sur le terrain (perspective industrielle)…
  10. …Deux bureaux de réception circulaires (en tant que sculptures) disposés côté parvis…
  11. …Un programme événementiel…

Comme vous le comprenez sans doute, ces interventions font référence à certaines fonctions au sein d’un centre d’art. Et vous pourriez effectivement comprendre toutes ces interventions comme des éléments schématiques, des paramètres de contexte de l’exposition.

Wesley Meuris, janvier 2017