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16 février 2015

De l’art dans les fab labs de la région Centre  ?

Autour de l’utilisation de logiciels et de matériels libres, les fab labs accueillent tous les publics. Même les artistes. Mais comment les fab labs de la région Centre créent-ils du lien avec eux ?

C’est quoi un fab lab ?

Difficile d’être exhaustif pour répertorier les fab labs en région Centre. La notion même de fab lab n’est pas assumée par toutes les structures. Pour obtenir le label, il faut répondre à la charte édictée au MIT qui prévoit notamment l’utilisation de logiciels et matériels libres ainsi que la mise à disposition, en accès libre, des procédés de fabrication développés au sein du fab lab.

Mais la réalité est bien plus complexe. La grande liberté d’interprétation de ladite charte a donné naissance à des structures d’échelle, d’économie et même de lignes ethiques très différentes.

Le partage des connaissances est la pierre angulaire du système.

D’une part, parce que le fab lab est avant tout un lieu d’échanges qui doit permettre d’accueillir tous les profils d’utilisateurs (amateurs ou dotés de compétences particulières).
Ensuite parce que le fab lab n’est pas censé être une entité isolée. C’est un réseau au sein duquel tous les processus de fabrication et toutes les compétences doivent être à disposition de tous.

À l’atelier du c01n, à Orléans, le partage est très revendiqué. Toutes les techniques de fabrication sont répertoriées dans un wiki en libre accès.

Pour Cécile Babiole, artiste et utilisatrice de l’atelier, partager et documenter son travail lui semble évident. Mais le principe même de fab lab recouvrent des réalités différentes nous dit-elle. «On veut mettre sur le même plan des lieux qui fonctionnent en réseau et des lieux plus branchés […] qui se fichent un peu des idées de partage».

En région Centre, tous les fab labs ne voient pas les choses de la même manière.

À Tours, le Fun Lab adopte un point de vue moins systématique. Partager pourquoi pas, mais il n’y a pas d’obligation nous explique son président Didier Roudaut. «S’il y a une utilisation commerciale derrière, on demande en général une contrepartie».
Cela a été le cas pour la réalisation d’une solution logicielle et hardware à destination d’une entreprise qui leur a fourni une découpeuse vinyle en échange. Pour les particuliers, il existe un wiki pour documenter les travaux développés mais l’utilisation de logiciels libres n’y est pas scrupuleusement appliquée à la lettre. En effet, transformer des machines pour les utiliser sous des licences libres, cela demande de l’investissement. Sans compter qu’il faut quelques fois réapprendre à utiliser un logiciel éventuellement déjà maîtrisé, mais sous licence privée.

À Orléans, un second fab lab à ouvert en septembre 2014 sur le campus de la Source [le FabLab Orléanais].
Rien ne fonctionne en licence libre. Les objectifs ne sont pas les mêmes puisqu’il est avant tout destiné à un public professionnel. Il ne s’agit pas non plus de partager ses processus de fabrication. Ils restent la propriété de leurs développeurs. Pour la structure subventionnée par l’état (à hauteur de 200.000 euros sur un plan triennal), un « open lab » est ouvert un jour par semaine. Il permet à des particuliers d’utiliser une partie du petit matériel.

Dans quelle économie s’inscrivent les fab labs ?

Le principal moteur économique des fab labs consiste à mettre à disposition du matériel à de petites entreprises ou à des concepteurs indépendants qui auraient besoin de créer un prototype.

C’est le cas au FabLab Orléanais, situé dans le quartier de la Source. Créé à l’occasion d’un appel à projet gouvernemental pour le développement des fab labs en France, le projet consiste à créer une économie autour de la location de machines et de la mise à disposition de deux salariés, experts en mécanique et électronique. Le public cible est avant tout constitué de PME qui n’ont pas les moyens d’investir individuellement dans un matériel très coûteux.
Felipe Franco, un des deux salariés du FabLab Orléanais, nous informe par exemple que leur découpe laser coûte déjà 50.000 euros. Il s’agit alors de rentabiliser cet investissement qui représente un budget important.

Bien sûr, ces investissements sont inaccessibles pour des petites structures comme le Fun Lab, le RuralLab ou même l’atelier du c01n.

Il est donc nécessaire de «bidouiller», mutualiser, échanger et apprendre par soi-même pour se constituer progressivement un parc de matériel intéressant. L’éthique liée aux licences libres et données « open source » se double donc d’une préoccupation économique, pour faire baisser les coûts.

Àl’atelier du c01net auFun Lab, on cherche également à développer un réseau de partenaires privés utilisateurs du matériel pour financer des acquisitions, mises ensuite à la disposition de tous.

AuRuralLab, à Néons-sur-creuse, la situation est encore différente.
Même si le projet a été porté par des volontaires très motivés, l’environnement économique et culturel, trop peu dense, ne leur a pas permis de recourir à des partenariats privés pour asseoir leurs activités et pérenniser leRuralLab. Difficile d’obtenir des subventions ou d’attirer les investisseurs privés. En décembre 2014, l’association a malheureusement été dissoute. D’après son ancienne présidente, Laeticia Bourget, l’aventure n’est pour autant pas terminée. Dans le village, un lieu de résidence artistique à destination des arts scéniques devrait ouvrir en mars 2015. L’objectif est donc de travailler de nouvelles synergies pour relancer l’activité.

LIRE L’ARTICLE « Pourquoi le Rural lab, c’est fini » sur Makery, le média de tous les labs

Pour les fab labs, créer des liens avec d’autres structures, souvent à visée culturelle, permet d’asseoir sa légitimité et d’obtenir des soutiens logistiques. L‘atelier du c01nexiste car il fait partie d’une entité plus grande, Labomedia, qui a les moyens humains de défendre le projet et d’investir dans son développement.

AuFun Lab, on réfléchit à la création de passerelles. Si des pistes de collaboration avaient été envisagées avec les ateliers de la Morinerie, c’est dernièrement avec Eternal Network que le pont se construit. (mettre des liens vers AAAR)

Dans le même esprit que le fab lab, le «makerspace» fait également son chemin. Libéré des contraintes de partage, d’accessibilité et d’utilisation du logiciel libre, il permet de mettre en commun des outils de fabrication, numérique ou non.

Mutinerie Village, à Saint-Victor-de-Buthon, en propose un depuis peu. Initialement espace de coworking parisien, Mutinerie a créé son double rural pour y développer notamment ce type d’atelier. Il ne s’agit plus d’un espace ouvert à tous, mais bien d’un service complet, loin des adhésions annuelles à 16 € de l’atelier du c01n. Imaginé comme une résidence secondaire pour jeunes urbains dynamiques en mal d’air pur, Mutinerie Village offre un espace équipé et un logement pour y développer son projet.

Qui utilise ces lieux de création ?

Différentes économies attirent évidemment des publics très différents.

Si le public duFabLab Orléanais, comme celui deMutinerie Village, est essentiellement composé de professionnels dont l’objectif est bien la commercialisation, les autres fab lab ont un public beaucoup plus hétéroclite.

L’atelier du c01npar exemple accueille souvent des artistes, des activistes, des porteurs de projets divers, et propose des ateliers réguliers pour les enfants. L’association Labomedia, pleinement inscrite dans les sphères culturelles, artistiques et numériques tend également à faire collaborer les artistes qu’elle accueille en résidence avec son «atelier du c01n».

AuFun Lab, quelques étudiants des Beaux-Arts s’approchent de ce nouvel outil. Ce n’est pourtant pas le public cible initial. D’après Didier Roudaut, cette tendance pourrait se confirmer. Depuis octobre 2014, ils ont obtenu un lieu fixe pour accueillir leurs adhérents, ce qui devrait favoriser une nouvelle dynamique.

Le RuralLab accueillait difficilement des artistes. Pourtant, sa présidente Laeticia Bourget est artiste et voit en ce lieu un potentiel très intéressant pour y développer ses projets. Les missions de ce fab lab rural se portaient plus du côté social. Logés dans l’ancien bar du village, le fab lab avait su mobiliser la population environnante en apportant un nouveau lieu de convivialité. Pour un public souvent vieillissant et éloignés du numérique, il s’agissait de remplir une mission de service public fondamentale. Le lieu accueillait également des jeunes isolés du système éducatif. Ainsi, l’implantation en milieu rural du fab lab de Néons-sur-Creuse amplifiait les objectifs initiaux d’expérimentation et de partage des savoirs. D’après Laeticia Bourget, l’offre culturelle est particulièrement intéressante comparée à la faible densité de la population. L’avenir du fab lab devrait s’accrocher à cette perspective.

Ailleurs, comment entrevoit-on la résidence d’artiste dans les ateliers de fabrication numérique ?

Comme le témoigne Cécile Babiole, accueillie en résidence à Labomedia en décembre 2014 pour finaliser son travail autour de «Conversations au fil de l’eau», certains fab labs développent des moments dédiés aux artistes, notamment par le biais de résidences.

C’est le cas à Bruxelles par exemple avec l’interactive Media Art Laboratory (iMAL) qui invite de nombreux artistes en résidence chaque année autour des arts numériques. Depuis 2012, la structure qui allie différentes missions (de la production à la diffusion d’œuvres numériques), s’est enrichie d’un fab lab ouvert à tous, accueillant lui-même des résidences en son sein.

Le ArtLab, à Paris, n’est pas précisément un fab lab. S’il s’en rapproche par sa volonté de travailler en «open sources», avec un matériel similaire aux autres fab labs et en accueillant un public novice et confirmé, tous les projets qui y sont développés doivent avoir une dimension artistique. Il est également possible d’y bénéficier d’une résidence.

D’autres initiatives sont menées pour accueillir les artistes en résidence dans ces ateliers de fabrication numérique.

On peut noter Ping à Nantes (et son fab lab « Plateforme C », le FacLab de l’université de Cergy-Pontoise ou encore, sans être exhaustif, le VanderLab du Château éphémère à Carrières-sous-Poissy, espace de création numérique dédié aux arts sonores.

Dans tous ces lieux, les règles ne sont pas les même. Les moyens techniques et financiers ne sont pas tous égaux. Cela dit, nous faisons face à de nouvelles approches de l’art à travers le numérique, et les moyens de production et de diffusion semblent chaque jour se développer.

EN SAVOIR PLUS

LIRE L’ARTICLE « La vie en mode labs » d’Annick Rivoire sur Makery

La charte des fab labs

L’atelier du c01n, un fab lab tourné vers les artistes.

Les fab labs et makerspaces en région Centre :

  • l’atelier du c01n – Orléans – http://atelierduc01n.labomedia.org/
  • le FabLab Orléanais – Orléans – http://www.fablab-orleanais.fr/
  • Fun Lab – Tours – http://funlab.fr/
  • Fab Lab Robert Houdin – Blois – http://fablab-robert-houdin.org/
  • RuralLab – Néons-sur-Creuse – http://www.rurallab.org/
  • Mutinerie Village – Saint-Victor-de-Buthon – http://www.mutinerie.org/village-homepage-2/