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16 juin 2014

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1973 (section pédagogie) ou LA LUTTE DES CLASSES ET L’ÉCONOMIE DE L’ART CONTEMPORAIN

1973 (section pédagogie)

ou LA LUTTE DES CLASSES
ET L’ÉCONOMIE  DE L’ART CONTEMPORAIN

« L’esthétique est une catastrophe », Bastien Gallet.

Afin d’alimenter le débat et répondre à Fred Guzda, voici une petite esquisse qui s’appuie sur les étapes de fabrication d’une œuvre d’art, et qui tente de comprendre quelques modalités de production de l’art contemporain de ces quarante dernières années. L’ensemble des réflexions s’organise autour d’un certain nombre d’éléments structurants tels que : le ready made (généralisé), le white cube, le curating, le collectif, la signature, l’argent, la valeur art, l’économie négative et l’esthétique négative.

Le ready made (généralisé)

«  Le monde est plein d’objets plus ou moins intéressants; je n’ai pas envie d’en ajouter davantage. Je préfère simplement constater l’existence des choses en termes de temps et/ou de lieux. Plus spécifiquement, je m’intéresse à des choses dont l’interrelation se situe au-delà de la perception immédiate. En ce sens, mon travail dépend d’un système de documentation. Cette documentation peut prendre la forme de photographies, de cartes, de dessins ou de descriptions. »

Depuis la fameuse déclaration de Douglas Huebler (1969), ou bien, suite aux propos de Guillaume Bijl en 1979 (réclamant l’abolition des centres d’art contemporain afin de les transformer en galeries commerciales) la relation entre les œuvres d’art et leurs devenir objets-marchandises devrait être acquise — et de ce fait totalement transparente. Pourtant, entre les ready-made littéraires de Huebler et l’attaque frontale de Bijl, il semble que le marché et le monde de l’art laissent prospérer des modalités de production dix-neuvièmistes et privilégient le caractère objectal et autographique (Nelson Goodman) des œuvres.

La logique historique veut que le geste anarchiste et inaugural de Marcel Duchamp explose les cadres figés et académiques de l’art. Participant à un mouvement particulier (Dadaïsme), et poursuivant une esthétique négative, ce geste n’en fut pas moins retourné et détourné au profit d’attentions plus spéculatrices, et au final dix-neuvièmistes. À ce jour toutes les marchandises « manufacturées » représentant une époque, un mouvement ou une entreprise sont susceptibles d’engendrer une esthétique et de trouver des musées pour les accueillir. Ce large éventail ne propose pas uniquement des objets ready made d’artistes, mais également toutes les productions industrielles ou artisanales dites pertinentes — ou encore des productions affiliées au design d’espace, design produit, design graphique, design textile, etc.

Ce phénomène de muséification est du en parti à la « disparition du Chef d’Œuvre ». Durant les années 60 et 70, les artistes participèrent activement à la disparition de la notion de chef d’œuvre en s’appuyant sur le caractère « déceptif », « éphémère », « gazeux », « ready made », « invisible »… des œuvres. Ils s’intéressèrent aussi de près à l’environnement qui structuraient les œuvres : à la physicalité de l’espace d’exposition ; ainsi qu’à l’aménagement intérieur issu d’une réflexion autour des modalités de présentation des œuvres ; ou encore à l’édition (papier, photo, vidéo, etc.) comme outils de réflexion sur les modalités de représentation des œuvres. C’est également sur la base d’un « tout est art » que nos artistes ont offert la possibilité au Design, au sens large, d’entrer dans « le temple de l’art » (le musée). La révolution s’est bel et bien produite puisque toutes les formes d’art (des majeures au mineures) trouvèrent progressivement leur place dans les musées (du « Musée du Camembert » au « Musée des Arts Premiers », en passant par le « Musée de la Marine »…). L’ouverture nécessaire à la reconnaissance d’artistes hors-normes (ou hors-disciplines) engendra également l’explosion de la valeur art désignant ainsi et potentiellement tous les produits susceptibles de créer de la valeur financière, donc du patrimoine — du moins tant que ces marchandises incarnent l’aura d’une entreprise individuelle (et autographique).

En d’autres termes, nous sommes passés de la notion de chef d’œuvre à celle de ready made (généralisé). Depuis la crise pétrolière de 1973, nous vivons à l’Ère du Ready Made. Le ready made (généralisé) est la figure incontournable issue du post-modernisme qui par ailleurs correspond à la crise économique que nous subissons depuis quarante ans. L’esprit post-moderne pris dans l’étau de la crise pétrolière (passée) et la crise financière (présente) pousse les artistes à combiner des formes d’art déjà faites, et à employer des idées déjà prêtes : « Art & Idea Ready Made« .

Depuis cette première crise (1973), la palette que recouvre le mot œuvre d’art est incommensurable, que ce soit en termes de choses, de prix, de récits, de rôles ou de fonctions. Et c’est bien entendu la crise qui en quelque sorte accéléra la prise de pouvoir du ready made (généralisé). Outre les œuvres des industries du futur, ce mouvement embrasse toutes les marchandises du passé déconnectées de leurs fonctions — comme les marchandises des antiquaires, des brocanteurs ou encore des fétichistes, en d’autres termes celles qui illustrent ou représentent des civilisations, des corps de métier, des us et coutumes, ou encore le sujet d’une histoire trouble et obsessionnelle (pour exemple, « Le Musée d’Art Modeste » de Di Rosa). Bon nombre de ces objets passèrent progressivement du stade de « déchets culturels » à celui d’objet d’étude, pour finir à leur tour dans des collections en tant « qu’œuvres d’art » (passant par le filtre des premières critiques de Greenberg sur le Kitsch jusqu’aux expositions « cultural studies » de Jeremy Deller).

Savoir si ces objets ont une quelconque pertinence en tant qu’acte de création n’est pas la question tant qu’il y a des vendeurs et des acheteurs qui surestiment et surévaluent ce patrimoine humain ; d’un autre coté, l’étude sociologico-artistique de ces déchets culturels sont les relais des imaginaires collectifs comme l’illustration d’une esthétique (pour exemple, Le sens du style de Dick Hedbige). Requalifier et nommer ces objets « œuvres de l’industrie », « œuvres d’histoire », « œuvres d’artisanat », « œuvres rituelles », « œuvres sexuelles », « œuvres kitsch », etc., n’est pas à l’ordre du jour, on préférera les classer dans la catégorie « art ».

Le nombre de marchandises produites à ce jour, ceci à la vue de leurs qualités formelles, de leur durabilité, de leurs performances, de leurs multi-usages et de leurs intelligences artificielles dépasse souvent la puissance créatrice et formelle d’une production sensible et individuelle. Généralement réduite à l’état de décor, la production artistique a désormais quelque chose de désuet. Mais là n’est pas le problème puisqu’il s’agit de créer du patrimoine, il s’agit de transcender la nature concrète d’un objet (peinture ou truelle…) afin qu’il se destine au monde des idées, afin d’orienter « des productions immatérielles« .

Le ready made duchampien, issu d’une petite histoire proche de la farce et de l’énigme, aurait-il anticipé et éclairé la grande histoire des objets du XXe et XXIe siècle? Dans les entretiens avec Georges Charbonnier (1961), Duchamp dit explicitement que ses Ready made ne valent rien en tant que marchandise. Pour Duchamp, le problème est de sortir un objet de « la circulation des marchandises » afin de désigner le dit objet-marchandise en tant qu’art (et d’ailleurs non-art). En d’autres termes, le ready made n’a jamais été « marchandable », puisque l’enjeu était justement de le sortir de la circulation des marchandises afin de le désigner en tant qu’art — de figer, congeler, stopper autant la valeur d’usage que la valeur d’échange du dit objet manufacturé. Dautre part, et en tant qu’objets, les ready made sont non seulement « anesthésiés » mais également « anesthétiques », ils ne correspondent à aucune valeur esthétique, ils sont comme le dit Duchamp « indifférents« . Dans ce cas, le ready made n’a aucune valeur. Et si le ready made instruit une valeur, celle-ci ne peut être que négative, c’est une valeur sans art, sans style et sans prix. Pourtant, le ready made fut consacré et désigné telle une œuvre d’art ; il n’est pas resté figé à titre de « non-art » mais a été transformé en objet œuvre d’art.

La limite de la négation de l’art dépassée, il se produisit un renversement qui ne s’affirma qu’après la seconde guerre mondiale. Il est important de comprendre qu’à partir du geste duchampien tout objet circulant dans le monde des marchandises est susceptible d’être qualifié « œuvre d’art », et selon la logique de Duchamp, l’objet en question perd sa valeur marchande ainsi que son usage s’il est désigné comme art. Mais si ce mouvement fut possible envers l’objet manufacturé, la réciproque eut également lieu du coté de l’œuvre d’art qui, à son tour, fut progressivement puis systématiquement traversée par les signes et les statuts de la marchandise ; en d’autres termes, la contemplation ou le désintéressement en art fut mêlé à un seuil de représentation minimum qui n’est autre que « la marchandise de luxe », donc à une valeur sur-ajoutée ou à une surévaluation (du prix de vente) en relation à « un savoir faire », et en l’occurrence à « un savoir penser« .

La proposition de Duchamp est radicale mais idéale, comme revenir à un état païen de croyance, ceci en désignant une force magique (l’art) au cœur d’une pierre ou d’un morceau de bois. Toutefois, rapportant son geste à un choix arbitraire et gratuit, Duchamp ne désirait pas que cet état de croyance soit affilié à son coût de production ou à une valeur d’échange. En définitive, son génie fut d’opérer une rencontre entre deux circuits économiques qui à l’origine ne se rencontraient pas — d’un circuit à l’autre, une faille fut créée entre le marché de l’art de l’époque et le marché des objets manufacturés ou issus de l’industrie. Progressivement, s’opéra un nivellement entre ces deux mondes dont les considérations et les intentions d’achats étaient différentes.

Le point de vue de Duchamp fait l’effet d’une bombe puisqu’il suppose que tous les objets marchandises sont susceptibles de devenir des œuvres d’art. De fait, Duchamp pose un problème plus profond, puisque son geste anarchiste qu’il désire inscrire dans le champ de l’art met en péril les valeurs patrimoniales bourgeoises. Il est impossible de récupérer le geste de Duchamp sans opérer une transfiguration des principes économiques de l’art, il est donc nécessaire que l’œuvre (voire le chef d’œuvre) passe du coté de « la marchandise de luxe » afin qu’il préserve une aura patrimoniale supérieure, donc une distinction sociale, et ceci par le biais d’un prix supérieur qui permettra de le distinguer des autres objets manufacturés inscrits au cœur de la circulation des marchandises.

En conséquence, le geste de Duchamp est inacceptable dans l’un ou l’autre des systèmes, dans le système des beaux-arts garant de la distinction sociale et des hiérarchies bourgeoises, comme dans celui de la circulation des marchandises, dont les productions se destinent à être consommées puis à disparaître afin d’être remplacées et renouvelées (l’idée d’obsolescence programmée date des années 30). Au final, le ready-made « se retournera » contre son auteur, et malgré la force de proposition duchampienne, les valeurs patrimoniales bourgeoises seront non seulement conservées mais aussi renforcées, au sens où le ready made désigne aujourd’hui toutes les œuvres d’art sans exceptions comme des « marchandises de luxe conservables« . Désormais, et aussi éphémère ou gazeuse qu’elle puisse être, aucune œuvre n’échappe au contrôle paranoïaque du capitalisme, aucune œuvre désignée en tant qu’art ne peut prétendre à la gratuité, aucune œuvre ne peut échapper à l’esprit du ready made (généralisé).

Je formule autrement mon propos : l’opération de Duchamp consiste à produire un renversement concernant le statut des objets marchandises, donc la possibilité de les soustraire de leur fonction, de les extraire de leur dénomination et valeur d’échange, de les sortir de la circulation des marchandises afin qu’ils deviennent « simplement de l’art » et au fond un objet de réflexion et de contemplation « qui n’a pas de prix ». Cette opération sera étouffée et détournée au profit d’un contrôle plus actif sur les œuvres d’art (préservation, conservation et patrimonialisation), au final la possibilité de muséifier tout acte de création issu de l’industrie. La proposition de Duchamp consiste à exposer des ready made « qui ne se vendent pas » et qui incarnent des étapes de réflexion. Sa proposition est forcément inacceptable pour les esprits du capitalistes. Le ready made deviendra donc une marchandise à part entière, et c’est en tant que marchandise qu’il désignera toutes les œuvres comme des choses à vendre.

Actuellement une œuvre artisanale, artistique ou industrielle devient indifférement un ready made dès qu’elle passe le seuil d’un espace d’exposition. À ce stade, il est important de comprendre qu’il ne s’agit pas de la nature « industrielle » du ready made, mais de rapport entre des valeurs, et le fait est que toutes les œuvres d’art, qu’elles soient hand made ou made in China, se transforme en objets marchandises, ou en choses, comme le disait d’ailleurs Marcel Broodthaers.

Mon apport suite à la réflexion de Broodthaers est d’affirmer que les œuvres d’art sont « ready made » à partir du moment où elles sont exposées, en d’autres termes les œuvres sont produites et conditionnées dans l’esprit d’une marchandise ready made ; et le work in progress ne peut malheureusement pas grand chose contre cette situation qui confine aujourd’hui toutes les œuvres d’art au statut spécial de ready made. La pratique artistique de Guillaume Bijl ne fait qu’entériner ce fait, car issu de l’industrie ou issu de l’atelier d’un peintre, dès qu’un objet franchit le seuil d’un lieu spécifique le désignant en tant qu’art, il est d’emblée un ready made, en d’autres termes, art et marchandise. L’œuvre magistrale et inaugurale faisant écho à mon propos est bien entendu « Le Musée d’Art Moderne, Département des Aigles, Section des Figures » de Marcel Broodthaers (1972, Düsseldorf). Durant cette présentation, Broodthaers pointe le fait que tous les objets deviennent de l’art à partir du moment où il franchissent le seuil d’un musée, il tente également de motiver le jugement du spectateur en posant sous chacune des 300 figures oligocènes « Ceci n’est pas un objet d’art« .

Ceci dit, objet d’art ou non, dans le cadre du musée ils deviennent justement des ready made, et c’est ce statut spécial qui nous autorise à la réflexion et nous invite au jugement. Et la farce veut que si la plupart des 300 objets (de collection) n’étaient que des « déchets culturels » à leur entrée dans le musée, ils retournent chez leurs propriétaires en tant que « ready made« , puisqu’ils auront subi l’opération eucharistique de « l’indexation ou de l’indice muséal », et par la même occasion bénéficié de la critique de Broodthaers.

Donc, la nouveauté n’est pas que l’œuvre d’art sorte d’une usine ou d’un cabinet d’architecte, ce n’est pas l’objet en lui-même (hand made, made in China ou Design) qui est « ready made » — bien qu’aujourd’hui tous les objets d’art se doivent d’être « finis » au même titre que n’importe quelle marchandise hand made ou made in China, c’est en quelque sorte à cette condition qu’ils peuvent incarner l’esprit du ready made (généralisé). Le nœud de la mécanique qui se trouve au cœur de la désignation d’un objet artisanal, artistique ou industriel en affirmant qu’il est porteur de la valeur art (ou anti/sans/non ou sur-art) — et ceci au même titre que Duchamp qui désigne un urinoir comme un des beaux-arts, avec la différence que la valeur art inclue systématiquement un prix à la hauteur d’une distinction bourgeoise (donc d’une réflexion artistique). Le ready made en sa destination et désignation bourgeoise se loge donc au cœur d’une désignation désintéressée (action / réflexion artistique) juxtaposée à une destination intéressée (muséale / sociale / patrimoniale / financière).

L’achat d’œuvres « inachevées » est fort rare, bien qu’on puisse imaginer des œuvres volontairement inachevées et sciemment destinées à la vente, néanmoins, à partir du moment où elles sont vendus, elles sont « finies » au même titre que les autres œuvres mises en circulation (je ne parle pas ici de la réception d’une œuvre d’art qui évolue en chaque regard, pour le spectateur lambda, l’expert ou le collectionneur). La question depuis 40 ans n’est plus de savoir si un objet est de l’art ou non, pour éventuellement le restituer à son devenir de marchandise, donc à sa propre disparition, la nouveauté est de désigner tous les objets qui franchissent le seuil d’une exposition tels des ready made, afin que l’œuvre d’art soit à la fois art et marchandise, ceci dans le but de produire de la distinction sociale et du patrimoine.

En définitive, il y a deux façons d’envisager le ready made, celle qui, historique, correspond au geste anarchiste de Duchamp (un art non marchandable, indifférent, etc.) et celle qui au contraire crée du patrimoine. On constate par ailleurs l’action d’artistes plasticiens qui s’inscrivent au cœur d’une production allographique. Pour ce cas, les tentatives « anti-marchandisation » des années 60/70 furent nombreuses. Il reste que toutes ces actions, lorsqu’elle furent désignées déterminantes en « qu’œuvres immatérielles », trouvèrent par un moyen ou par un autre des acquéreurs (privés ou publics), et devinrent au final des objets rares et limités en terme d’éditions (on peut le constater avec les performances Fluxus rejouées 45 ans plus tard par leurs auteurs ou leurs héritiers, comme dernièrement avec Ben. Ce patrimoine disparaîtra-t-il avec leurs auteurs ?). Il reste que si Duchamp n’avait pas eu la volonté d’intégrer ses ready made dans le système des beaux-arts, ceux-ci auraient eu le même impact que les propositions des Incohérents trente ans plutôt : ils auraient été accueillis comme de simples farces, canulars et plaisanteries.

Le White Cube

J’ai dernièrement travaillé avec deux jeunes historiens (Amélie Bernazzani et Frédéric Herbin) autour d’un lien entre la naissance du white cube et le temple protestant (lire in Laura N°13, Peut-on faire l’hypothèse d’une origine protestante à l’invention du white cube ?). Cette intuition se rapportant à une filiation entre l’espace d’exposition actuel et le temple protestant nous questionne sur les oripeaux religieux qui du sol au plafond parcourent le white cube.

Nous avons tous fait l’expérience du respect qu’impose un lieu d’exposition ou un musée : d’abord une marche lente, puis les messes basses, les attentions muettes et exacerbées de l’amateur ou de l’expert, l’accès à la culture en vrai et en couleur. En premier lieu, nous prenons connaissance d’une valeur supérieure qui nous émeut (l’œuvre d’art) ; puis, nous reconnaissons une valeur supérieure qui nous échappe (l’art ou autre démon transcendant) ; puis d’une valeur supérieure qui nous inspire (l’histoire de l’art ou autres contenus) ; et enfin, d’une valeur supérieure qui maintient nos mains à distance (le gardien de musée et le prix de l’œuvre).

Force est de constater que nos comportements dans un espace d’exposition sont forts éloignés de nos furieux déhanchements durant un concert de Pneu (Math Rock) ou de Verbal Razor (Trash Metal). Notre corps est conditionné par l’espace d’exposition dans lequel tous les enfants du monde sont cordialement invités à marcher au pas et à se taire. En conséquence, le « Musée Palais » (ce musée où l’on trouve autant des couverts en or sous vitrine, des pintes de bières peintes à la main comme des Rubens accrochés sur du papier peint à fleur) se transfigura en cube scientifique, en espace blanc républicain ; et malgré cette transformation, voire cette transfiguration, le white cube ne s’est jamais complètement désolidarisé d’une autorité que l’on peut nommer indifféremment religieuse, spirituelle, absolue, métaphysique, métapsychique ou méta-casquette

Parlons maintenant du lien indéfectible qui existe entre le ready made et le white cube. Basons-nous sur l’équivalence suivante : « c’est un lieu d’art parce qu’il accueille des objets d’art = c’est un objet d’art parce qu’il est dans un lieu d’art ». Pour illustrer cette équivalence et renforcer l’importance de ce lien, posons nous deux questions pour le prix d’une : pourquoi durant les années soixante les artistes ont-ils ressenti le besoin de revendiquer un specific site ou des actions in-situ ? Pourquoi la question du territoire avait-elle autant d’importance ? Parce que la nécessité de qualifier « un espace spécifique » susceptible de recevoir « une action spéciale » renvoie à la relation ready made / white cube ; en d’autres termes, désigner un contexte spécifique est nécessaire afin de désigner l’action artistique en tant qu’art.

Pour que la valeur art incorpore l’action artistique, il est nécessaire de circonscrire un territoire ; ceci au même titre qu’un prêtre transforme le vin en sang et le pain en corps du Christ dans une église (voir également la conférence de Marcel Détienne sur la fonction d’Apollon concernant le tracé d’une cité grecque). Le white cube est une église, l’artiste ou l’expert est le prêtre qui s’autorise à réaliser un sacrement, une eucharistie entre une action artistique et la valeur art. Les ready made sont les reliques issues du libéralisme, le white cube est la blanchisserie des œuvres laïques issues du monothéisme. La valeur art a besoin d’un contexte, ceci au même titre que le concept d’aura développé par Walter Benjamin a besoin d’une église. Quelque soit la représentation, quelque soit l’objet, il est impératif qu’il soit désigné et circonscrit par un lieu réservé, autorisé, sanctuarisé. C’est la raison pour laquelle l’in situ de Buren, ou le specific site de Smithson n’a rien d’une rupture artistique, au contraire, elle renforce le lien entre le white cube et le ready made en désignant un territoire adéquat — un cadre.

«Comment s’en sortir sans sortir » nous disait le poète Guerashim Luca. Des premières croyances révolutionnaires nous retournons aux décors institutionnels et bourgeois, les artistes ne parviennent pas à changer le monde, ils ne font que conforter les avancées intellectuelles, explorer les découvertes techniques et finalement renforcer le dynamisme du capitalisme. Pour mieux saisir le chemin de croix qu’effectue la chaîne économique de l’art, il est nécessaire de s’attarder un peu plus longtemps sur le white cube, c’est ce que nous allons voir dans le prochain chapitre en s’attardant sur celui qui l’anime, c’est-à-dire le curateur ou le commissaire d’exposition.

Qu’est-ce qu’un commissaire d’exposition ?

La plus désuète des définitions de l’art relate immanquablement le désir d’exposer ce qui manque au monde. À cette mission universelle quelques lieux sont réquisitionnés et autorisés afin de préserver et pointer ce qui fut découvert à l’aune des esprits les plus subtiles : du musée aux expositions / de l’exposition aux musées. Ayant le recul court, et vivant sous le joug de la relativité, nous sacralisons à tour de bras la moindre marchandise, le moindre ready made. Et comme nous n’avons plus les moyens politiques et spirituels de l’Église (ou autres sectes) pour sélectionner et distinguer nos découvertes, ceci en référence à un ordre hiérarchique, donc à des degrés d’appréciations et de validations spirituelles ou dogmatiques, nous optons pour la surenchère économique qui garantie pour un temps la valeur d’une découverte, ceci jusqu’à la confirmation, l’absolution et la canonisation de l’objet en question. Se situant tout juste à l’orée de la reconnaissance-du-progrès-humain-là-maintenant, de l’indicible chuchotement jusqu’à l’horreur la plus criante, cette tendance semble aujourd’hui elle-même pervertie par sa logique de soutien tout azimut à la création, du moins à l’innovation qui se nomme comme telle. Bref, entre la relativité historique d’une analyse et la puissance d’affirmation des artistes, le commissaire d’exposition / curateur ne cesse de créer des événements dans des espaces d’exposition.

Sur ce point l’histoire nous indique que les artistes furent quelques peu précurseur en la matière, du moins concernant l’organisation d’événements (historiques) dans le cadre d’une exposition. L’art de l’exposition, une documentation sur trente expositions exemplaires de Bernd Klüser, Katharina Hegewisch (Éd. du Regard, 1998) nous renseigne particulièrement bien sur les mouvements artistiques ayant pour objectifs de changer ou de faire évoluer la société. À ces pratiques artistiques s’est superposé à la fin des années 60 le travail du curateur. À l’époque, il semble qu’une mutation s’opère, du moins qu’une séparation ait lieu entre le conservateur de musée et le commissaire d’exposition. En d’autres termes le milieu de l’art accouche d’un intermédiaire : le commissaire d’exposition – curateur dont les prétentions sont égales à celle de l’artiste en terme de recherches et parfois d’actes de création. Ce phénomène tient certainement à la « disparition du chef d’œuvre » dont j’ai parlé plus haut. Cette posture dont le représentant inaugural est Harald Szeemann (avec son exposition « Quand les attitudes deviennent formes ») a depuis 40 ans littéralement envahi le monde, le milieu et le marché de l’art. La participation des artistes à des expositions curatées et collectives, par le biais des foires et les biennales internationales, est une donnée essentielle à l’activité artistique contemporaine. Il semble que les curateurs soient aujourd’hui les maîtres de l’organisation thématique des expositions, et non plus les artistes aujourd’hui devenus les vacataires des métiers de l’exposition.

Quelles sont les conséquences ?

Il est fort probable que les questions posées par le curateur soit plus pertinentes qu’un collectif d’artistes, ceci à la vue des perspectives intellectuelles, esthétiques et politiques (en regard à l’organisation et au contrôle du territoire de l’art). Il est donc fort possible qu’en terme de visibilité et de création d’événements le curateur soit plus efficace pour formuler des questions claires et conformes. Il semble même que le métier de curateur ait purement et simplement remplacé les collectifs, ou encore les mouvements artistiques. Il est désormais impossible, à la vue du grand nombre d’exposition, de foire et de biennale, de voir et d’apprécier les œuvres autrement que dans le cadre d’une démarche exclusivement individuelle — puisque techniquement, les œuvres sont valorisées et séparées les unes des autres par des images de marque, c’est-à-dire les signatures d’artistes, il est donc rare de trouver des œuvres signées par des groupes d’artistes (beaucoup plus difficile à vendre). Quoiqu’il y ait des couples d’artistes — qui correspondent à la position du petit commerçant, ou encore à celle de l’entreprise familiale.

Un curateur et une douzaine d’artistes serait la formule standard pour une exposition temporaire dans une galerie privée, un centre d’art ou un musée. Ce dernier point participe des pratiques et des formes de conditionnement concernant la monstration des œuvres d’art. Cette façon d’exposer, au pire dans des stands et au mieux dans un architect-run-space-design-very-contemporary, participe elle aussi à la nouveauté susnommée, du moins concernant le statut spécifique du ready made affilié au white cube, celui-ci étant renforcé par le discours du curateur qui va à son tour circonscrire la valeur art. Aujourd’hui, sans cet espace (le white cube) où s’expose le discours légitime du curateur, la création de la valeur art est fort délicate, voire impossible.

En d’autres termes, le territoire de l’art est ce lieu où rayonne une autorité représentée par un curateur chargé de faire respecter la loi. Et c’est peut-être la question que devrait se poser tous les curateurs : ne sont-ils pas malgré toutes leurs bonnes volontés des sujets de la loi, des représentants de l’ordre économique de l’art ? Il est d’ailleurs amusant de prendre au pied de la lettre le mot « curateur », dont le sens en anglais se rapporte au soin, tout comme le mot « commissaire » désigne un presque rien de l’autorité. L’interprétation de ces deux fonctions, le curateur et le commissaire, pourrait être une métaphore de l’artiste en malade ou en délinquant, coincé entre l’hôpital et la prison…

Bien entendu, il ne s’agit pas de stigmatiser nos chers curateurs traversés par « le désir de créer » — tous les actes de création sont valables et les bienvenus, toutes les expressions les plus libres et les plus enchantées sont légitimes — mon objectif est de continuer à poser des questions se rapportant à l’activité artistique, et souligner l’importance des intermédiaires, des agents des métiers de l’exposition, que la critique d’art devrait prendre en compte. La critique devrait systématiquement interroger le directeur artistique qui aurait pour tâche d’exposer ses intentions (ou son design concept) à chacune de ses invitations, et non laisser l’œuvre ou l’artiste « parler à sa place ».

En conclusion, la relation entre le ready made (généralisé) et le white cube est la plupart du temps, et depuis 40 ans, sous le contrôle « des métiers de l’exposition ». Si nous poussons le bouchon jusqu’à la caricature, les commissaires ou les curateurs font le travail de la police ou du médecin psychiatre, ils séparent le bon grain de l’ivraie, contrôlent le bon déroulement des événements, et perpétuent « la manière auratique » de percevoir le monde. Bien que ces métiers soient en apparence inoffensifs, puisqu’au service de l’artiste, au service de la production d’œuvres et de la circulation des œuvres, il est clair qu’un revers de médaille existe. Interroger ce revers aurait certainement pour avantage de clarifier les rapports de forces, ainsi qu’engager des échanges encore plus fructueux entre les artistes et les curateurs. Bien entendu des expériences existent, rien n’est figé, parfois les artistes s’autorisent à devenir commissaires d’expositions. Aurons-nous l’occasion de voir le curateur prendre le risque de s’exposer en tant qu’artiste, et non seulement en tant qu’auteur ?

L’image de marque ou la signature de l’artiste

Outre des précurseurs littéraires quelque peu impertinents tels que Les Incohérents, il aura fallu attendre le geste de Duchamp offrant la possibilité aux objets de toutes natures d’investir les lieux de cultes républicains (les musées). Bien entendu, en regard des premiers ready made, la conquête ne fut pas aisée. Cependant, dès qu’elle fut anoblie et finalement détournée dans le courant des années 60, la relation entre l’innovation et la marchandise s’exposa partout dans le monde de façon hégémonique et définitive. Tout est susceptible d’être de l’art, toute production humaine est art, de la première parure Sapiens au premier écran tactile. Tout est art, mais à la condition de repérer un acte de création, « une première fois ». Cette « première fois » est difficile à circonscrire, tant formellement que théoriquement. Bref, il faut du temps pour dégager et saisir l’importance d’un acte de création. En outre, le ready made (généralisé) facilite la circulation des œuvres d’art, il est au cœur des principes d’une économie négative exacerbée. C’est en cet endroit qu’il faut aujourd’hui creuser afin d’éclaircir ce mécanisme étrange mêlant simultanément l’art, la marchandise et ce qu’il reste d’esprit critique.

Pour le marché de l’art, la réification que subit une œuvre n’est pas contradictoire, elle est d’ailleurs nécessaire afin que l’œuvre d’art puisse devenir une « chose à vendre », donc une marchandise comme toutes les autres marchandises. Dans un second temps, cette marchandise s’expose dans un contexte donné, en l’occurrence le white cube, ce territoire lui offre un statut particulier et désigne une marchandise en tant qu’art. Les salles des ventes comme les boutiques d’antiquaires détiennent une puissance de désignation équivalente concernant les objets d’art, elles sont en quelques sortes les lieux de transit des ready made (labellisés). À ce moteur à deux temps, s’ajoute un troisième temps, car le fond du problème n’est pas que l’œuvre d’art soit qualifié de ready made ou que l’espace d’exposition qualifie le ready made d’œuvre d’art ; le problème est de qualifier un objet-marchandise en tant qu’art afin qu’il devienne « vraiment de l’art ».

Désigner une valeur art au sein d’un objet-marchandise n’est pas suffisant, il est nécessaire « d’activer » la valeur art. Ici, on suppose que l’artiste, le curateur, le critique et le galeriste, dès qu’ils se rencontrent en des lieux propices à l’expression de leurs activités, font de l’art et travaillent ardemment pour créer de la valeur art. Il apparait cependant qu’ils ne sont pas maîtres de la valeur qu’ils instruisent de leurs savoirs étendus et infinis. Ils représentent certes « les créateurs » de la valeur art, mais ils ne sont pas « les activateurs » de la valeur art. Ils confirmeront « le bon choix » d’une œuvre, mais ils ne peuvent pas l’imposer en tant qu’œuvre d’art.

Afin que le ready made (généralisé) devienne « vraiment de l’art », il faut dans un premier temps enchevêtrer deux éléments: d’un coté l’image de marque, de l’autre la valeur art. L’image de marque n’est autre que la signature incarnant la chair de l’artiste/entrepreneur, en d’autres termes, la valeur art n’a de sens que si elle est pénétrée par la chair de l’identité d’un auteur. Au même titre que le ready made (généralisé), la nature ou le statut de l’auteur importe peu ; à ce stade, nous pouvons établir des équivalences entre des colliers de chiens ayant appartenus à Lady Diana et vendus chez Sotheby’s, un sac haute couture de la marque Christian Dior, ou un crâne serti de diamants de Damien Hirst. De façon indifférente et désintéressée, la valeur art a l’étrange capacité d’accueillir en son sein autant une fashion victim (Lady Diana), un savoir faire (Christian Dior), ou une idée aztèque (Damien Hirst).

En conséquence, la valeur art est indissociable du nom de l’artiste, désignant à son tour une image de marque — bien entendu, ce phénomène existe à titre exclusif pour les œuvres d’art, et n’est effectif que pour certains produits de luxe, ou autres attributs royaux et despotiques. Toutefois, tous les produits de luxe garantissent une « qualité supérieure » justifiant un prix supérieur se référant à l’usage et l’usure prolongés du produit en question, ou se référant à un goût supérieur pour l’éphémère et l’éther. Il reste que dans un cas comme dans l’autre « on paie l’image de marque ». En outre, la marque contient en elle-même une donnée abstraite (la valeur art) qui permet de se distinguer comme d’appartenir à une classe sociale supérieure. Entre parenthèses, et si nous jetons un œil sur les contrefaçons, il apparait que la politique des grandes marques s’oriente vers la production de marchandises bas de gamme afin de contrecarrer les faussaires, il est donc aujourd’hui possible d’acheter « une vraie marque contrefaite par son auteur ». Ce dernier phénomène est fort intéressant, puisque dans ce cas il ne reste plus que la signature (Hermès, Chanel, Ralph Lauren,…) incorporant un produit bas de gamme.

L’image de marque (ou la signature de l’artiste) représente en elle-même la valeur abstraite d’un « art » conditionnant « une qualité »,  « une durabilité », « un savoir faire » ou « un acte de création ». Sans cette image de marque (individuelle) combinée à la valeur art, il est impossible qu’un mouvement (dialectique) puisse avoir lieu entre le ready made (généralisé) et le white cube. Ici se trouve les limites de la désignation de l’artiste, du curateur, du directeur de centre d’art, du galeriste et du critique d’art.

Je répète la formule sous une autre forme : les acteurs de la Chaîne économique de l’art proposent des œuvres d’art (objets marchandises / ready made) contenant intrinsèquement une autorité, un savoir-faire ou une idée (valeur art) conditionnés par une signature (image de marque), elles-mêmes représentant « une qualité », « une durabilité » ou « un acte de création » dans un espace spécifique (le white cube / la galerie d’art / la boutique de luxe / ou la salle des ventes). Pour autant, est-ce « vraiment de l’art » ? Pas tout à fait, il manque encore un ou deux enchaînements au sol.

La valeur art, la valeur argent

La valeur art est une donnée complexe à circonscrire. En tant que valeur elle peut contenir autant d’actes de création, d’illusions et de fictions, de réflexions philosophiques ou scientifiques, de durées et de mesures, de matières et d’outils, de graines de tournesol et de poissons amphibies — ainsi que tout ce qui peut passer par la tête de l’artiste ou du spectateur. En somme, la valeur art est une valeur imaginée par l’Homme. On peut également réduire la valeur art à son essence, c’est-à-dire à une déclaration lapidaire en référence à n’importe quel objet, concept ou action : « ceci est de l’art, un point c’est tout ». Certes, cette déclaration ne nous avance pas beaucoup, elle incarne néanmoins la façon la plus arbitraire de désigner du doigt une valeur. L’acte de désignation renvoie d’ailleurs à « l’acte de création de la valeur art » par Marcel Duchamp. Moralité, la valeur art se crée de toute pièce — comme d’ailleurs toutes les valeurs. Par conséquent, la valeur art appartient à un régime de croyance spécifique, à des phénomènes d’engouements, ou à des créations d’événements, ceux-ci étant la plupart du temps encadrés et garantis.

Il existe cependant des valeurs auxquelles nous sommes contraints de croire. Si nous prenons le cas de l’argent, nous pouvons considérer que sa valeur est basée sur un régime de croyance identique à celle de la valeur art. Il reste que l’art ne contraint personne à courir après — nous ne sommes pas forcés de travailler pour posséder de l’art, ou de téléphoner à son banquier parce qu’il nous manque de l’art — pourtant la nature de la valeur argent est similaire à celle de la valeur art ; puisque la valeur art comme la valeur argent contiennent potentiellement autant d’actes de création, d’illusions et de fictions, de réflexions philosophiques ou scientifiques, de durées et de mesures, de matières et d’outils, de graines de tournesol et de poissons amphibies — ainsi que tout ce qui passe par la tête des gens. Cette équivalence est très intéressante, et nous allons voir pourquoi, mais il faut d’abord « déconstruire » la valeur argent.

Il serait tout à fait possible de revenir à une société sans argent. Les conséquences concrètes se divisent en quelques tâches ; il faut reprendre une activité de chasseur, cueilleur ou pêcheur, puis élever veaux, vaches, cochon, poule, lapin, tout en cultivant un jardin, en plantant des arbres fruitiers, et en consultant régulièrement la météo. En tant que telle, cette option de vie nous renvoie à des principes élémentaires de survie ; entre parenthèses, ces pratiques font encore offices de complément de salaire dans nos campagnes françaises. D’un autre coté, ceux qui n’ont jamais travaillé la terre ne savent pas à quel point la terre est dure. En conséquence et depuis la nuit des temps, toutes les formes d’esclavage sont des façons d’échapper aux travaux et pénibles contorsions se rapportant à la survie élémentaire de l’espèce humaine. Ainsi, l’Homme aurait inventé l’argent pour au moins deux fins ; d’une part se consacrer à la mono-culture ; et d’autres part, finir par abolir l’esclavage (lire Dette et lien social esquisses d’une recherche de Louis Basle pour plus de précisions).

Si la première option fut élevée jusqu’aux cimes de la technique dont les meilleurs représentants seraient les satellites, la seconde éventualité reste une illusion puisque 99,51 % de la population active et mondiale reste esclave des rapports de force qu’engendre l’argent. Ces rapports sont maintenus en place par le droit et les lois offrant des droits à certains d’entre nous, et dictant des devoirs à d’autres. En définitive, les rapports qu’engendre l’argent s’étend à deux principes : « le devoir de payer » et « le droit de dépenser ». L’un et l’autre sont tout aussi contraignants, bien qu’il soit plus confortable de gérer l’opulence. Il reste que ce phénomène nous impose une relation spécifique et totalement subjective. On aura beau dire « l’argent est bon serviteur mais mauvais maître », ça ne change rien au fait qu’il nous domine et nous conditionne de notre naissance à notre mort — et aujourd’hui plus que jamais sous forme de dette (lire La fabrique de l’homme endetté de Maurizio Lazzarato pour plus de précisions).

Pourquoi l’argent a-t-il autant d’influence sur notre piètre condition ? La réponse est fort simple : l’argent n’a aucune valeur pré-déterminée puisque ce sont des Hommes qui désigne la valeur contenue dans une pièce de monnaie par rapport à une autre pièce de monnaie. Toutefois, cette valeur s’articule à des besoins et à des désirs, donc à des « qualités d’échanges » comme à des « transferts affectifs ».

Prenons quelques exemples simples et éclairants. Nous désirons acheter un cadeau pour l’anniversaire d’un ami. L’objet en question est un livre d’une valeur de 50 euros. Nous échangeons donc 50 euros contre une marchandise. D’un autre coté, il est clair que nous n’aurions pas eu l’idée d’acheter un cadeau pour quelqu’un que nous ne connaissons pas, ça n’a effectivement aucun sens, ce n’est pas logique, ce n’est pas « normal ». Si nous désirons donner du sens à notre achat, il faut préalablement projeter notre affection pour la personne en question à hauteur de 50 euros, afin que « l’affection que nous avons pour notre ami » s’incarne à hauteur de 50 euros dans un livre (emballé). En conséquence, l’argent est un moyen de donner de la valeur à nos affects — l’argent est un moyen de transport de nos affects — tout comme le livre d’ailleurs.

Prenons un contre exemple. Nous nous sentons obligés d’acheter un cadeau, par convention familiale ou par obligation professionnelle, rien ne change véritablement concernant le rapport affect/argent, puisqu’il s’agira du « transport  d’un affect contrarié ». Evidemment, le cas est différent lorsqu’il s’agit d’un besoin. Nous avons faim, et l’argent sert directement à combler un manque, une attente animale. L’argent n’est pas ni ne représente « la faim », la faim est un besoin vital. L’équivalence entre l’argent et la faim est néanmoins médiatisée par la denrée alimentaire qui a un prix, ou un coût. Mais comment se fait-il que le marché crée de la valeur (médiatisée) concernant la vie et la survie alors que c’est un besoin vital ? Ou plutôt, comment se fait-il que le marché entretient la confusion, et ne cesse de jouer avec le désir (circulation des affects) en mêlant ce même désir à la nécessité (préservation de la vie) ? C’est à ce titre que nos existences tragi-comiques surgissent au fond du congélateur, que la farce ou la grimace de l’hypermarché nous ravit — et ceci au même titre qu’un yaourt aux fraises ayant l’étrange capacité de combler « un manque d’affection » par le biais de publicités qui nous vendra du rêve, de la santé, des parfums d’orient et des perles d’amour comme de pallier à un manque de calcium afin de répondre aux besoins des équilibres alimentaires. Ici, « le besoin physique et objectal » se noue « au désir, représentation sociale et symbolique ».

Prenons un autre exemple, on pourrait croire que dans un certain domaine l’argent ne réussit pas à s’imposer, comme lorsque nous cherchons à donner des preuves d’amour à une personne qui ne nous aime pas ; il reste que l’argent pourra toujours incarner le moyen manifeste de désigner « le besoin vital » de notre amour. Si je prends pour exemple cet ultime sentiment, c’est pour signaler que « le besoin vital » ne se réfère pas uniquement à la faim, il se réfère et se mêle également aux affects et aux humeurs, d’où l’esprit confus de la populace confrontée aux instruments sophistiqués d’un directeur commercial.

En soi, l’amour (circulation des affects) n’est pas nécessaire à la survie d’un individu (préservation de la vie), il n’entre pas dans la catégorie « besoin vital pour la survie de l’espèce » ; cependant, nous constatons quotidiennement qu’il y contribue d’une façon ou d’une autre. L’amour n’est pas nécessaire à la survie de l’espèce, seule la reproduction est nécessaire. Pourtant, l’amour est une sublimation de la survie de l’espèce dont la basse économie repose sur le patriarcat, une économie d’ailleurs enseignée dès le plus jeune âge dans les contes pour enfants : « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… », bien que dans la réalité la moitié des princes et des princesses finissent par divorcer, et l’autre par se supporter. Il y aurait donc une équivalence entre la circulation des affects et la préservation de la vie, du moins une nécessaire confusion entre les besoins vitaux et le désir d’être aimé et reconnu. Les besoins comme le désir d’être reconnu n’ont certes pas la même origine (biologique pour l’un, psychologique pour l’autre), bien qu’ils soient assiégés par le même élan vital : le manque.

L’argent ne vaut rien s’il n’instruit pas des valeurs qui oscillent entre les nécessités les plus vitales et les désirs les plus frivoles, et c’est étrangement la même chose pour l’art, bien que les critères soient différents, puisque la nécessité (vitale) serait la recherche d’actes de création, ou l’impossibilité pour l’artiste de mettre un terme à sa production (obsessionnelle) ; et du coté du spectateur / collectionneur, le désir (accessoire mais nécessaire) serait l’accès à un acte de création, renforcé par l’effet que produit « la signature de l’artiste » incluant des formes de notoriété se rapportant autant à la compréhension d’un « point de vue sur le monde » qu’à la distinction sociale qu’on en retire, ceci mêlé à l’investissement (inconscient ou conscient / financier ou culturel) sur lequel on spécule.

Mais l’important ne se trouve pas dans les causes anthropologiques, l’équivalence entre la valeur art et la valeur argent pose un problème dans la mesure où la valeur art peut potentiellement contenir n’importe quel contenu, ceci au même titre que la valeur argent ; et inversement, il apparait que l’art peut potentiellement contenir tout l’argent qu’on désire y déposer. La valeur art est un énoncé vide et sans limite, une valeur totalement arbitraire et ouverte : la valeur art peut contenir mille, cent mille ou un million d’euros. La valeur est un concept difficile à définir puisqu’elle instruit la plupart du temps des régimes de croyance.

L’art et l’argent sont des énoncés vides que l’on va remplir d’un discours logique ou esthétique informant des comparaisons : lorsque l’on cherche des équivalences entre une monnaie et 1 kilo de pomme de terre, on trouve l’ensemble de la production mondiale de pomme de terre qui nous renseigne sur la valeur d’1 kilo ; de même, lorsque l’on compare une œuvre à l’histoire des actes de création, donc à l’histoire de l’art, il est possible de déceler des actes de création effectifs, donc d’apprécier des degrés, des niveaux de création en relation à ce qui a été produit antérieurement. Mais dans le cas de la valeur art (contemporain) et de la valeur argent (dollar) il n’y a pas de maître étalon, donc de référents objectifs.

Depuis le milieu des années 60, ce phénomène de surenchère pour les œuvres d’art contemporains génère également les hausses extraordinaires des œuvres modernes et anciennes sur le second marché… Je reformule : la valeur art et la valeur argent sont, en tant que valeurs, des qualités soumises à l’évaluation ; si l’une et l’autre ont chacune leurs propre régime d’évaluation et de comparaison (les rapports de force entre monnaies pour l’une, et l’histoire de l’art pour l’autre), il se trouve que les systèmes d’évaluation pour l’une et pour l’autre s’annulent pour la simple et bonne raison qu’il est impossible d’évaluer objectivement la valeur marchande d’un acte de création.

On peut effectivement évaluer l’importance symbolique, sociale, artistique, plastique d’une œuvre, on peut même évaluer l’impact d’un ensemble d’œuvres sur une société, et la façon dont elles ont fait progresser les modalités de perceptions de nos concitoyen(ne)s, mais donner une valeur marchande précise concernant cet impact, ceci en relation à une œuvre, n’a aucun sens et aucune valeur scientifique. Dans ce cadre, seule la création de patrimoine et la conservation ont du sens ; seule la croyance naïve, l’excitation comme l’exacerbation d’une vente aux enchères pourrait expliquer la rencontre libidineuse et joviale entre la valeur art et la valeur argent. Donc, le doute s’installe lorsque qu’il ne s’agit plus seulement de révéler et de préserver des œuvres d’art, mais de créer des réserves financières sous la forme d’œuvres d’art.

L’économie négative

Reprenons. En premier lieu, il y a une équivalence art/argent qui permet un transfert potentiellement illimité d’argent. En second lieu, l’œuvre d’art/ready made (généralisé) circule de façon identique à la marchandise. En troisième lieu, et grâce à la valeur surajoutée, la destination n’est pas la même pour l’objet marchandise de base et pour l’œuvre d’art ou la marchandise de luxe. L’œuvre d’art/ready made (généralisé) a un statut spécial, comme quelques objets de luxe, ils appartiennent à une économie renversée qu’on appellera pour la circonstance une économie négative.

Là encore, c’est très simple à comprendre: au sein d’un circuit de distribution « classique », à l’instant même où la marchandise est échangée, c’est-à-dire vendue, sa valeur chute de 10 à 50 %, et plus la marchandise se dégrade plus le prix baisse jusqu’à la disparition de l’objet comme de la valeur d’échange en question. Alors qu’au sein d’une économie négative, c’est la promesse d’une augmentation, ou « la garantie » d’une non-dévaluation de la valeur surajoutée qui conditionne l’échange des marchandises. En d’autres termes, les marchandises circulent toutes de la même façon, mais elles n’ont pas toutes la même destination. Comme l’or et les diamants, ce mécanisme se base en règle générale sur deux critères : l’originalité et la rareté. Il reste que pour l’or et les diamants, il s’agit d’une comparaison / évaluation logique (ou presque) en relation à une production mondiale, voire à des crises économiques. D’un autre coté, les critères de rareté et d’originalité concernant les œuvres d’art ne semblent plus à l’ordre du jour. Il s’agirait plutôt de rapport de force entre des signatures, donc des cotes.

En d’autres termes, les œuvres d’art doivent être en mouvement et créer des rapports de force entre les différentes signatures (TurnerTraquandiTartempion, etc.) — c’est en quelque sorte le même problème qui existe entre les différentes monnaies, bien qu’il faille « une signature de référence », celle-ci étant la plus haute cote, tel que Monet, Warhol, Johns, etc. Ces marchandises font donc parties d’un marché dans lequel les valeurs art fluctuent. Dans ce cadre, on compare les prix et non les œuvres. Suite à une vente, une œuvre pourra passer de cent mille à cent vingt mille euros, elle n’aura rien gagné en qualité esthétique par rapport à une autre, elle aura simplement augmentée « le poids » de sa réserve financière, et potentiellement celui des œuvres qui détiennent la même signature — d’où l’exercice consistant à produire un nombre d’œuvres suffisant afin de créer spontanément toujours plus de valeur (de Picasso à Hirst en passant par Warhol et Koons…).

Le jeu consiste à faire en sorte que les bénéfices soient toujours supérieurs ou égaux aux prix d’acquisition. Et il semble que ce soit le cas aujourd’hui si l’œuvre atteint « un seuil compétitif » ou un « niveau attractif d’acquisition ». Évidemment ces sommes investies nécessitent un « système de garanties », et ce système est proportionnel aux niveaux d’investissements. La prise de risque est bien entendu proportionnelle à la cote des artistes (ancien, moderne ou contemporain). Ici, rien de nouveau, l’instinct grégaire suit les tendances, les montages financiers et les créations d’événement du temps présent. Comme le dit Nietzsche dans La Généalogie de la Morale, l’action de vendre et d’acheter fut pour l’Homme le moyen de se distinguer du monde animal…

Retenons cependant l’idée de renversement entre une « économie réelle » et une « économie négative ». Se référer à la circulation des objets-marchandises « classiques », c’est viser leur production-achat-usure-dévaluation ; au contraire, pour les œuvres d’art ou produit de luxe, il s’agit de leur production-achat-conservation-surévaluation. La valeur d’un objet de consommation baisse dès qu’il est vendu, alors que la valeur surajoutée de l’art « se doit d’augmenter ». Cet impératif ne révèle-t-il pas une étrange correspondance avec le marché de la finance?

Dans l’économie réelle l’objet-marchandise perd de sa valeur marchande dès qu’il circule, dans le monde de la finance, l’argent se reproduit dès qu’il circule. Si l’on accorde un peu de crédit à ce point de vue, le principe tient en des œuvres qui circulent et s’échangent afin d’investir dans les valeurs art / argent et d’augmenter perpétuellement la valeur surajoutée de l’art. En conséquence et depuis 40 ans, il est fort probable que les artistes servent de prête-noms seulement et seulement si leurs œuvres sont susceptibles de garantir et de préserver des investissements. Il est donc inutile de chercher  quelles sont les conditions d’apparition d’une œuvre d’art ?  Une question d’esthète qui n’a plus aucun sens aujourd’hui, puisque « l’œuvre d’art apparaît » en regard de sa mise à prix confrontée aux plafonds des plus hautes enchères ainsi qu’à la visibilité des autres œuvres d’art.

La valeur art en tant qu’acte de création « inutile » peut contenir tout et n’importe quoi : de l’argent comme une esthétique révolutionnaire ; un yakitori électrique comme un dindon magnétique. S’il est possible d’évaluer le prix d’un kilo de pomme de terre en rapport à la production mondiale de pommes de terre, il est impossible de le faire pour une œuvre d’art contemporain dont l’évaluation se base sur des jugements subjectifs qui consolident ou créent de « l’expertise » de toutes pièces (tous les goût sont dans la nature), d’un autre coté, le niveau de production (spontanée) et de vente incorporant la valeur art motive la circulation des marchandises et valorise l’image de marque (signature de l’artiste).

En d’autres termes, et au sein du marché de l’art contemporain, il n’existe pas d’outils de mesure ni de science qui évaluent, pèsent et distinguent une œuvre d’art d’une autre. Nous n’avons aucun recul et sommes au cœur de rapports de force. Désormais, l’option art consiste à vendre un maximum d’objet d’un même auteur (signature) à un maximum de collectionneurs dont l’objectif est de revendre ces mêmes objets sur le second marché à un prix supérieur à son coût d’acquisition, afin que l’ensemble des objets produits par un même auteur puisse bénéficier de cette augmentation, ceci jusqu’aux prochaines ventes (de cette même signature) qui valideront l’augmentation (progressive ou spectaculaire) de la valeur surajoutée. Ce jeu, dont l’unique règle est « le délit d’initié », est bien entendu réservé à des initiés sans frontière.

Depuis la crise pétrolière de 1973, les valeurs esthétiques, pédagogiques, spirituelles, extatiques, politiques, cyniques, futuristes ou que sais-je encore sont secondaires et dépendantes de valeurs art incorporant des réserves financières encore jamais vues à ce jour. Le renversement qui s’est produit sur les places du marché international en 2011 renforce ce mouvement et indique la voie à suivre. Nos amis Chinois ont compris et assimilé ce principe d’équivalence entre la valeur art et la valeur argent à une vitesse fulgurante. Les places fortes du marché de l’art ménageant d’obscures transactions sont désormais Pékin, Shanghaï ou Hong-kong. Les œuvres d’art sont ignorées tant qu’elles n’atteignent pas un prix suffisant les destinant à une hyper-visibilité, ou une totale invisibilité si l’on se réfère aux dernières constructions d’entrepôts hautement sécurisés (ports francs à Genève ou au Luxembourg), destinés à la protection de réserves financières sous la forme d’œuvres d’art, voire aux blanchiments.

Il semble que l’horizon auquel aspire l’artiste contemporain n’est autre qu’une lutte pour la visibilité de ses œuvres, cette lutte acharnée emprunte autant les atours des femmes du monde que les contours du businessman. L’artiste se doit donc d’adhérer à une classe sociale, c’est un fait. Ses goûts, ses principes, ses idées, et même la prochaine destination estivale évolueront en fonction d’une classe et d’un milieu spécifique. La question est certes sociologique, elle me paraît cependant importante, voire décisive, du moins si l’on j’envisage la figure de l’artiste comme un individu hors-classe et définitivement en marge ; en marge des désirs communs du peuple comme de la haute bourgeoisie. Le peuple et la bourgeoisie ont les mêmes rêves, les mêmes aspirations, le même destin — la seule chose qui à la fois les sépare et les emprisonne, c’est l’argent. Malheureusement, notre aristocratie est en permanence menacée par la brutalité du commun et la bêtise du nantis.

Les crises s’enchaînent depuis 40 ans (1973), la dernière crise (2008) précarise grandement les artistes, notamment les jeunes, qui subissent comme la majorité la vague néo-libérale qui s’abat sur l’Europe. Ce darwinisme économique privilégie la reproduction sociale. Outre la sélection par le genre (70% de filles contre 30% de garçon dans les écoles d’art françaises = 30% d’artistes femmes contre 70% d’artistes hommes sur le marché de l’art), les bacs + 5 de nos écoles d’art sont aujourd’hui plus fragilisés du fait de leurs origines sociales. L’argent c’est le paiement et la dette, l’art c’est le savoir et la liberté. L’argent doit être utile à l’art et non l’inverse !

L’accès à l’art et à ses pratiques, donc au savoir et à la liberté devrait être le crédo de toutes les démocraties (par exemple, le « prêt bancaire pour étudiants » n’est autre qu’un scandale permanent). Une taxe Tobin sur les transactions internationales concernant les ventes d’œuvres d’art, ayant pour fonction d’aider les écoles d’art ou autres institutions mêlées de prêts ou de loin aux Arts-Plastiques, aurait pour mérite d’utiliser à bon escient ces masses d’argent échangés, fruit d’un travail, en l’occurrence celui des artistes généralement dépossédés des œuvres en question et dont le second marché utilise la signature pour spéculer et s’enrichir. En attendant la fin du monde et dans le cadre de « la globalisation des salles des ventes« , les acteurs du marché de l’art international doivent trouver le moyen de « renvoyer la balle » aux futures générations !

(Certes, on peut toujours rêver…)

Sammy Engramer, juin 2014