He whose face gives no light shall never become a star *
Jérôme Poret – Bruit blanc et œuvre au noir
La proposition He whose face gives no light shall never become a star de Jérôme Poret joue à la fois sur le registre du patrimoine architectural et sur celui de la musique rock la plus contemporaine.
À partir de la figure du « pleurant » présente à la fois dans le Musée mais aussi à Bourges et Dijon notamment, Jérôme Poret relève un cas spécifique de ce type de sculptures destinées à orner les gisants : l’un d’entre eux n’a pas de visage, il masque sa face par le drapé de sa robe. Réduction minimale du personnage sculptural, on retrouve ce cas singulier dans d’autres réalisations comme une étude en plâtre de Rodin pour la robe de son Balzac.
Une histoire de la sculpture minimaliste américaine permet de montrer le lien de celle-ci avec des propositions atypiques de l’art sacré comme ce pleurant.
L’œuvre de Richard Serra au Monastère royal de Brou à Bourg-en-Bresse, par exemple, évoque explicitement le pli et le tombeau dans un geste minimal.
Par ailleurs, si l’on s’intéresse de près depuis plusieurs années à la culture rock, notamment à travers la programmation d’une friche culturelle Emmetrop – Transpalette et le développement d’un label expérimental Labelle 69, il est vraisemblable que cette figure de l’homme drapé dans une longue robe surmontée d’un chaperon induit tout un imaginaire nourri par les expérimentations de Stephan O’Malhey avec son groupe Sunn O)) jusqu’au christianisme oriental…
En outre, si l’on considère avec Jérôme Poret que Rock my religion (1984) de Dan Graham est un film clef pour comprendre cette culture, les ressorts de cette proposition vont de soi.
Alors, le dispositif mis en place est celui du spectacle de la fascination et de l’adoration presque mystique mais débarrassé de la dimension théologique.
Un homme portant robe et chaperon de cuir, visage masqué, fait face à un cabinet acoustique, réplique du corps d’ampli ampeg lequel reste mythique pour les bassistes de rock lourd.
À la place des éléments inscrits habituellement dans le coffret, à savoir le tweeter, le medium et le grave, Jérôme Poret branche des lampes qui diffusent une lumière tamisée et un revêtement acoustique clouté. Le grill synthétique qui protège des haut-parleurs est pausé à côté tel un couvercle ou un chassis de peintre.
Par le jeu d’échelle, la figure est presque à la dimension des véritables pleurants des gisants, l’œuvre est bien la représentation du culte à la fois antique, classique, moderne et contemporain.
Complément de cette installation, un dessin au jet d’encre est accrochée au mur.
Il s’agit de l’impression d’une forme de « bruit blanc » caractéristique de la bande passante de la radio. Ce nom est aussi celui d’un groupe anglais qui inspira entre autre Secret Chiefs 3 dont le leader, Trey Spruance, entre sur scène vêtu d’un large chaperon produit une musique matinée d’orthodoxie Chrétienne et de Pop occultisme. Ce dessin de « bruit blanc » est la ligne graphique d’une fréquence musicale où l’on retrouve encore l’image du pli.
Le travail de Jérôme Poret s’inscrit dans une démarche commune à un certain nombre d’artistes de sa génération qui cherchent à intégrer l’univers de la musique rock et du son aux pratiques des arts visuels.
Tous directement ou indirectement, sur le mode de l’échantillonnage ou du détournement participent à la représentation de la fascination, du culte et à l’identification de cette autre réalité construite par la musique et le son. Ici, l’artiste expérimente le silence d’un bruit blanc sous la lumière noire d’un imaginaire issue du Metal.
Jérôme Diacre pour l’exposition au Musée de l’Hospice Saint-Roch, Issoudun, 2011
* « Celui dont le visage est éteint ne sera jamais une étoile », W. Blake, Le Mariage du Ciel et de l’Enfer, 1793