Toute communauté transplantée se pose un jour la question de son identité. Les
premiers étudiants laotiens arrivés en France fin des années 60 ont vu débarquer
les réfugiés en 1974. Ceux-là fuyaient le communisme et découvraient le « monde
libre ». Ces migrations asiatiques sont souvent empruntées à l’image du « boat
people », et les Laotiens ont fait partie de ces vagues migratoires organisées par
la France. On comprend mieux alors ce sentiment de se sentir redevable à cette
France de les avoir sorti des camps … il leur a fallu s’intégrer très vite au monde
moderne, tout en conservant leurs rituels bouddhistes. Ils forment aujourd’hui une
minorité visible.
Peu de documents existent des populations d’Asie du Sud-Est arrivées en France.
Les sociologues P. Billion et H. Bertheleu qui ont vécu 10 ans auprès des
communautés lao en France expliquent cette « désaffection » du fait que les
recherches étaient naturellement orientées vers les populations du Maghreb déjà
implantées dans les années 70. Ce qui contribue à penser, d’une manière
générale, que les asiatiques sont des gens discrets … la France, terre d’accueil,
est constituée de tous ces clichés sur l’immigration. L’aspect communautaire, la
vie de groupe en accentuent les contours. Il y a pourtant aujourd’hui une forme
d’acceptation évidente de ces identités qui façonnent le territoire. Elles se sont
construites également par groupe de pairs et s’influencent mutuellement dans les
quartiers, elles se lisent dans les comportements, dans l’éducation. D’où
l’inquiétude de la communauté lao de voir « ses jeunes » s’écarter de leur
laotiennité.
Le Pi Maï (fête du nouvel an lao) est alors l’occasion pour les familles de se
ressourcer et de mutualiser les émotions de la collectivité autour d’un événement
sacré. Les jeunes filles impliquées dans les danses traditionnelles jouent ce jour-là
un rôle fondamental dans le maintien de la culture parentale. Dans les loges de la
salle des fêtes, elles passent avec une aisance déconcertante d’une identité à
l’autre, déjouant ainsi les canons de « l’identité nationale ». Dans leurs regards, j’ai
retrouvé cette fierté à se sentir soi-même, et j’ai voulu saisir cette acceptation de
soi dans toute sa sincérité.