Ce travail d’atelier a été motivé par la difficulté récente pour moi de revenir au Maroc, j’ai du construire mon travail ailleurs, en forme d’exil, ou de fuite. Il était également essentiel pour moi de ne plus travailler dans l’axe France/Maghreb, mais d’imaginer une autre trajectoire, de vivre une expérience du sud qui me permettrait de renouer avec mes racines méditerranéennes tout en envisagent autrement la question du retour au pays. J’ai tenté finalement de mettre en oeuvre une stratégie de survie où il était question de réévaluer les distances avec le pays de mon père, de reconsidérer mon travail par la construction d’un nouveau récit qui devait transfigurer la puissance de notre exil familial. L’atelier est devenu cet espace semi permanent qui aide à se défaire de tout ce qui s’est passé jusqu’alors pour bousculer les certitudes, revendiquer « la chute », la perte de repères et évoquer le lieu de la photographie (le studio ou l’atelier) comme un nouvel espace de récit.
La fragilité de ces instantanés avec mes enfants ne ressemble à aucun autre moment de la vie. A chacun de lire dans ces postures, là, du statuaire antique, ici, des citations au Caravage ou à La sainte famille, ou encore une relecture des nus orientalistes, mais surtout de voir dans la transmission et le rituel ce que nous sommes allés chercher : les rapports du corps au langage, du langage à la frontière… L’intimité migratoire qui s’est construite dans ce travail est autant ce lieu d’apaisement recherché par « le père » que l’espace politique recherché par « l’artiste » : c’est un espace de transition, de négociation, de trans-narration… et certainement une réponse poétique à a fin d’une époque marquée par le multiculturalisme et l’altérité.