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Gaëtan de Clérambault
Par Daniel Bermond
Longtemps demeurée secrète, et révélée au public pour la première fois lors de l’exposition intitulée « Clérambault, psychiatre et photographe » qu’abrita le Centre Pompidou en 1990. Curieuse destinée aussi que celle de cet homme trop mal connu, en qui Jacques Lacan avait pourtant trouvé son seul maître en psychiatrie.
Né à Bourges en 1872, Clérambault est issu d’une famille de petite noblesse tourangelle riche en magistrats. Après son droit, le jeune homme entreprend, contre l’avis de son père, des études de médecine. En 1899, il obtient son doctorat et se spécialise rapidement en psychiatrie tout en continuant à s’intéresser vivement à la littérature et à la peinture – il suit d’ailleurs les cours de l’École des arts décoratifs de Paris pendant deux ans, et s’exercera aux croquis sa vie durant.
En 1905, il est nomme psychiatre a l’Infirmerie spéciale du dépôt de Paris, où il demeurera en poste sans interruption – sauf entre 1914 et 1920 – jusqu’à sa mort, en 1934. Par cette infirmerie transitaient toutes sortes de personnages, vagabonds, voleurs ou marginaux, interpellés par la police et qui présentaient les symptômes d’un comportement pathologique. Les lieux étaient sales et les cellules avaient tout du monde carcéral. Et c’est le médecin certificateur, Clérambault en l’occurrence, qui, après un long entretien avec ces individus, devait discerner les simulateurs des vrais malades, et désigner ceux qui seraient remis entre les mains des forces de l’ordre et ceux qui seraient transférés dans un établissement spécialisé.
La Première Guerre mondiale marque une rupture dans la vie de Clérambault. Dans les tranchées du front de l’Est, il se fait remarquer par sa bravoure. Blessé une première fois, en 1915, il est envoyé au Maroc puis sur le front d’Orient où il est de nouveau touché. Convalescent, il retourne dans la région de Fez, où il demeurera jusqu’en 1920 et où il apprendra l’arabe. C’est alors qu’il réalise sa monumentale entreprise photographique : plusieurs centaines de clichés consacrés à l’art du drapé marocain – mais il s’intéresse aussi à ceux des autres peuples du pourtour méditerranéen. Il établit, à partir de ses observations, une véritable codification, suivant le mouvement de l’étoffe et selon que celle-ci s’attache à l’épaule, au cou, au thorax ou à la ceinture. Le psychiatre se fait ethnographe.
Rentré en France, il reprend ses activités à l’Infirmerie spéciale du dépôt et entame une carrière parallèle à l’Ecole des beaux-arts où, de 1923 à 1926, il donne des cours sur les drapés en s’appuyant sur la masse de documents qu’il a rapportés d’Afrique du Nord. La Société ethnographique de Paris l’accueille également à deux reprises comme conférencier.
A partir de 1927, Clérambault commence à souffrir de troubles de la vision dus à une cataracte. L’échec de l’intervention chirurgicale qu’il subit alors, et la menace de la cécité le mettent au désespoir. Il rédige un texte superbe sur cette douloureuse expérience : certains ont même vu dans ces Souvenirs d’un médecin opéré de la cataracte l’annonce du « nouveau roman ». Mais c’est plus que ne peut en supporter Clérambault. Le 17 novembre 1934, assis devant la glace, dans son bureau, chez lui, à Montrouge (sa maison est aujourd’hui située sur la commune de Malakoff), il met fin à ses jours avec son revolver de guerre.
A sa mort, ses documents, ses cours et ses photographies sont confiés à l’Assistance publique qui en fait don au musée de l’Homme. En 1981, un groupe de chercheurs, guidé par la thèse de doctorat en médecine d’Elisabeth Renard soutenue en 1942 et consacrée à l’œuvre de Clérambault, prend enfin connaissance de ces clichés. Le musée de l’Homme possède aussi plusieurs cartons dans lesquels sont consignés ses cours aux Beaux-Arts, cours qui n’ont pas encore été inventoriés.
http://www.sergetisseron.com/photographie/ecrits/g-gatian-de-clerambaultpsychiatre » Serge Tisseron, conseiller scientifique de l’exposition « Clérambault, psychiatre et photographe » et directeur du colloque de Cerisy consacré, en août 1993, au maître de Lacan, considère aujourd’hui dans leur ensemble tous les aspects de l’œuvre de Clérambault : ses travaux sur Pérotomanie et les phénomènes d’automatisme mental, ses étonnantes descriptions de la passion érotique des étoffes chez certaines femmes prises en flagrant délit de vol à l’étalage… Mais aussi la précision avec laquelle Clérambault notait dans ses comptes rendus cliniques tantôt une mimique, tantôt une posture, le détail d’une coiffure ou l’apparence d’un vêtement relevés sur ses patients.
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Commissariat : Antonio Guzmán
Scénographie : Nicolas Hérubel
Cet événement est une des très rares expositions monographiques jamais organisées et consacrées exclusivement au travail photographique de Gaëtan Gatian de Clérambault. Il est réalisé avec la collaboration exceptionnelle du musée du quai Branly à Paris. L’ambition de ce projet est de donner à réétudier une sélection des clichés originaux de Clérambault, « ses extraordinaires photos de femmes voilées » selon Gilles Deleuze, et de faire la part des choses entre la réputation posthume tantôt sulfureuse, tantôt hagiographique de Clérambault, réputation interlope à laquelle ces mêmes clichés auraient tant contribué. L’exposition est issue des recherches et des travaux du séminaire En suivant les fils instauré à l’ENSA de Bourges en 2013. (…)
http://www.ensa-bourges.fr/index.php/en/galerie-la-box/archives-la-box/programmation-2013-2014/box-horsprojet-curatorial-2013-2014/2444-demultiplier-les-seances-de-prise-de-vues-de-gaetan-gatien-de-clerambault-maroc-1918-1919