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30 mars 2017

Territoire en résidence d’éducation artistique et culturelle

Affirmée de longue date comme une priorité, voire serpent de mer des politiques culturelles, l’éducation artistique à l’école fait l’objet d’un dispositif original pour le département du Cher : Léz’arts ô collège qui a concerné en tout 12000 élèves du département et 122 projets. Expérience initiée au cours de l’année scolaire 2014-15, sous l’égide
de la DRAC Centre-Val de Loire, de l’Inspection académique et du Conseil départemental du Cher, le TRÉAC innove en proposant trois expériences de résidences d’artistes au long cours, dans des établissements éloignés de l’offre culturelle. Le mot dit bien ce qu’il veut dire : il s’agit de tentatives, de processus, alliant le désir de transmission d’un artiste et une approche pédagogique différenciée des pratiques artistiques contemporaines. Avec l’enthousiasme et le risque que comporte toute démarche artistique et pédagogique partagée.

Que se passe-t-il quand on met en marche une résidence mission? Quand un artiste investit le temps et l’espace d’un établissement scolaire? En sachant que ladite résidence est à différencier des résidences de production, de recherche et de création. À travers les textes qui vont suivre vous découvrirez ce qui s’est produit et quels ont été les enjeux de projets portés à travers le dispositif du TREAC mis en place par la DRAC Centre – Val de Loire et le Conseil départemental du Cher. Cette édition relate les différentes expériences des acteurs de ces résidences missions au sein de la première année d’expérimentation du dispositif. Vous lirez ici la parole de plusieurs acteurs et ce qui peut s’avérer passionnant, c’est l’émergence de plusieurs langages, de plusieurs visions, de positionnements, d’envies, de capacités à vouloir faire émerger des objets communs. C’est y déceler aussi les contradictions et les difficultés tout autant que les forces communes.


Entretien avec Alain Aufrère, Responsable de la direction de l’éducation, de la culture, du sport et de la solidarité internationale, chargé du développement territorial, coordinateur du Pôle culture du département du Cher, réalisé par Philippe Zunino

Pourquoi avoir instauré ce type de résidence mission et j’insiste sur le mot mission ?

Ce type de résidence a été imaginé par la DRAC Centre – val de loire et le Conseil départemental du Cher dans la lignée du dispositif Lez’arts ô collège, qui réunissait des groupes d’élèves dans un acte de création, le plus souvent à l’initiative de professeurs, CPE, infirmières… La spécificité des résidences missions, elle, repose sur le temps d’installation, le nombre beaucoup plus important d’élèves concernés et la diversité des types d’actions rendus possibles. En effet, elles permettent de considérer un collège comme un territoire de base sur lequel vont circuler différents axes artistiques, notamment à travers la sensibilisation aux artistes et œuvres, les rencontres et la création. Le but est aussi d’ouvrir la démarche au territoire en général, à savoir : les écoles primaires, les associations locales, les collectivités… mais également à travers l’implication des parents d’élèves.

Les enjeux de ce type de résidence reposent donc sur l’appropriation d’un territoire à travers l’éducation artistique et culturelle de manière à créer du lien entre les élèves et leurs disciplines scolaires, leur quotidien au sein de l’établissement et au cœur de leur environnement. Les partenariats avec les acteurs de terrain qui développent une politique d’ouverture sont importants, notamment en milieu rural plus souvent éloigné des lieux de culture.

Le bilan de cette première expérience au sein du département du Cher permet de mesurer le bienfait pour les élèves par rapport au bouleversement de leur quotidien en sachant que des projets ont été initiés par des professeurs et par des artistes mais également par des élèves. À travers la résidence mission, la palette de possibilités artistiques au sein de l’établissement est rendue plus simple par la présence, sur des temps en continu, de l’artiste.

Il faut souligner que la différence première entre les résidences de création et les résidences missions repose sur les finalités : création de l’artiste pour les premières, association de l’univers de l’artiste et de la vie de l’établissement scolaire dans un processus de création collégiale pour les secondes.

Pourquoi le Conseil départemental s’est-il engagé dans ce dispositif ?

Ces actions s’inscrivent dans une démarche de politique culturelle qui développe le maillage territorial de la culture basé sur les établissements et les dispositifs de soutien. Elles répondent au besoin d’installer des expériences rarement possibles et d’offrir par ce biais un autre rapport au territoire. En outre, ces actions répondent à l’axe IV de la convention pour la réussite des collégiens conclue entre le Conseil départemental du Cher et la Direction des Services Départementaux de l’Éducation Nationale (DSDEN) et s’inscrivent pleinement dans le parcours d’éducation artistique et culturel des élèves.

Quels sont les choix opérants pour les artistes dans ce type de résidence ?

Nous avons souhaité une très large diversité pour les artistes : en effet, tous les domaines artistiques sont concernés. La sélection des artistes est faite par une structure culturelle, habilitée à faire de la programmation. Cette dernière travaille en lien étroit avec l’équipe du collège.

Qui est le porteur de projet ?

L’origine des demandes émane d’une volonté réelle de monter un projet partagé. L’initiative peut provenir des collèges, des structures culturelles ou d’un territoire ayant l’opportunité d’avoir une résidence artistique de diffusion et souhaitant combiner les deux. Par contre, contrairement au dispositif Léz’arts ô collège, le porteur est nécessairement la structure culturelle.

Quelle est la durée idéale pour une résidence d’artiste de manière à pallier un épuisement éventuel pour les artistes et les élèves ?

Les enseignants tout comme les artistes, ont souligné l’effet positif qu’apporte une résidence répartie sur l’ensemble de l’année scolaire composée de périodes longues et de respirations. En effet, il faut prendre en compte le rythme des élèves, avec leurs emplois du temps, les vacances scolaires et les autres activités au sein de l’établissement. Il faut composer entre la présence de l’artiste et son univers et le quotidien de l’établissement. Cela permet aux artistes de continuer leur travail en dehors de la résidence et aux élèves de ne pas décrocher.

En ce qui concerne cette première année d’expérimentation, est-ce-qu’un bilan a été dressé ?

Un bilan entre les différents acteurs des trois résidences a été effectué au cours d’une réunion où chacun a évoqué son expérience. Le bilan pédagogique est très compliqué à réaliser puisqu’en majorité, les actions ont touché l’ensemble des élèves de l’établissement. Ce que l’on peut affirmer c’est que les élèves ont tous approché des propositions impossibles sans la résidence, ce qui leur a permis d’aborder la création, d’y inclure leurs parents et, de ce fait, de dynamiser le quotidien du collège. D’un point de vue artistique, certains artistes ont affirmé que ce type de résidence avait influé leur démarche de création.

Quelles ont été les difficultés par rapport à cette expérience réalisée ?

Les difficultés rencontrées lors de cette année d’expérimentation tiennent à la nouveauté du dispositif dans le Cher et de ce que recouvre une résidence mission. En effet, les artistes peuvent être déstabilisés par rapport à cette démarche qui ne repose par sur une démarche unique de création. Ensuite, il y a la difficulté de gestion de calendrier, très contraint pour cette année, et qui n’a pas permis aux établissements de réfléchir en amont à un projet. Enfin, la difficulté majeure réside dans la nécessité d’un dialogue permanent entre la structure, les artistes et le collège.

Comment pallier ces problèmes de coordination pour répondre aux désirs des différents acteurs ?

Il faut laisser beaucoup de temps entre la première idée et la réalisation, pour que les acteurs peaufinent le projet. Les résidences sont attribuées avec des pré-projets suivant un choix collégial.

Lors de cette réunion vous avez soulevé des problématiques telles que la gestion du budget, la réticence des collègues enseignants… Comment peut-on les traiter ?

Le traitement de ces questions relève complètement de la co-conception du projet par les trois entités. Tout doit être décidé de manière collégiale, puis réparti selon les compétences de chacun. Il faut que chaque rôle soit défini. Dans ce type de résidence il y a évidement des tensions inhérentes, relatives notamment aux chamboulements de la vie du collège. La diversité des actions permises par une résidence mission ne doit pas conduire à l’éparpillement mais plutôt à chercher l’intérêt propre à chacun en gardant une idée d’ensemble du projet…

En effet, la palette artistique est très large : de la sensibilisation à l’expérience de création. Les professeurs peuvent trouver matière à discuter avec l’artiste de manière à faire se rencontrer deux univers.

Y-a-t-il des permanences de contact et de suivi entre différents protagonistes ?

En bilan, les protagonistes des différents projets ont émis la demande de se rencontrer une ou deux fois dans l’année pour échanger sur leurs expériences et pratiques en cours.

En conclusion on peut dire que c’est une dynamique entre les partenaires qui fait fonctionner le dispositif

Absolument. C’est la bonne communication entre tous qui permet à ces résidences missions de bien se dérouler. Il faut souligner que le dispositif n’est pas neuf, il existe sous d’autres formes en France, mais c’est le seul au niveau du département du Cher et au sein de la région Centre-Val de Loire. C’est l’aboutissement d’un engagement de longue date pour le développement culturel du territoire, au service des habitants, qui sont dans le partage de la culture, bien différent de la simple consommation.


Entretien avec Frédéric Lombard, Conseiller pour les musiques actuelles et l’Éducation artistique et culturelle (MACTI) à la DRAC Centre-Val de Loire Réalisé par Sandra Émonet.

Pourquoi avoir mis en place des TRÉAC ?

L’Éducation artistique et culturelle (ÉAC) est une priorité du Ministère de la culture et de la communication, réaffirmée récemment avec force, elle constitue un axe transversal aux différents secteurs d’activités de la DRAC Centre – Val de Loire et au soutien que nous apportons aux acteurs culturels du territoire et aux collectivités. Si notre rôle est de les soutenir, nous agissons plutôt «en amont», sans être directement dans l’opérationnel. Nous faisons partie des partenaires impliqués dans la maîtrise d’ouvrage plus que dans la maîtrise d’œuvre.

Cette priorité pour l’ÉAC est dorénavant inscrite dans la loi, et traduite par les récents textes interministériels sur le parcours d’éducation artistique et culturelle. Il s’agit d’une action pour les publics de demain, certes, mais aussi et avant tout une action pour permettre des éclairages, des expériences, qui permettent au sein, et en dehors des parcours scolaires, aux jeunes de se forger leur propre regard critique, par des mises en perspectives esthétiques, historiques, et d’être en présence, d’avoir accès à des formes, des répertoires ou des courants esthétiques auxquels ils ne sont pas habitués. En somme, un rempart au phénomène de concentration de l’offre et des pratiques dans le domaine culturel, c’est ce qui légitime l’action publique. Cela contribue à donner des clés pour évoluer et continuer à évoluer comme des citoyens éclairés.

La DRAC fixe des priorités pour son intervention concernant l’ÉAC, notamment par le soutien apporté aux services des publics des institutions labellisées par l’État (qui sont bien souvent des ressources utiles et nécessaires pour monter des projets d’ÉAC en lien avec la «matière artistique» contenue dans ces maisons, qu’elles soient consacrées au spectacle vivant, au patrimoine, à l’art contemporain, etc.) et la consolidation des dispositifs partagés avec le Rectorat : ateliers de pratiques, classes à options dans les lycées etc., ou avec la DRAAF. Nous engageons, par ailleurs, depuis peu, des chantiers d’expérimentation avec certaines collectivités, par exemple avec le département du Cher et des structures culturelles associées pour des résidences d’artistes «au long cours» dans des collèges, en lien avec le territoire : écoles primaires de secteur, établissements spécialisés, associations locales…, sur des territoires repérés comme prioritaires, éloignés de l’o re culturelle.

Il convient par ailleurs de conserver de la souplesse pour ne pas ossifier la structure de nos interventions. L’un des enjeux principaux réside dans le repérage, notamment mais pas exclusivement, par les établissements scolaires, de la ressource culturelle qui peut être mobilisée en partenariat pour monter des projets, de rendre également palpable et cohérent ce parcours pour le jeune entre le temps scolaire, périscolaire et hors école. Il s’agit en fait de définir, dans un objectif de généralisation qui est encore loin d’être atteint, les moyens d’une ÉAC pour tous qui conjugue les apports théoriques, le rapport aux œuvres et aux artistes et la pratique. En ce sens, le lien avec tous les niveaux de collectivités est essentiel, c’est également le travail le moins évident pour permettre à tous d’aller dans le même sens ! Autour d’objectifs communs ou partagés ; notamment, au vu des compétences propres à chaque niveau de collectivité, compétences heureusement encore partagées sur le champ culturel.

Pourquoi avoir expérimenté les résidences missions dans le département du Cher ?

Le département du Cher était déjà porteur de nombreux dispositifs d’éducation artistique et culturelle tels que Lez’arts ô collège. Il nous est apparu important de pouvoir proposer un soutien à des projets qui viennent utilement compléter ce qui est conduit par ailleurs dans le cadre de nos dispositifs, parfois très «normés». Par ailleurs, le conseil départemental mène une politique volontariste de soutien à la structuration des politiques culturelles à travers des contractualisations de développement territorial. L’émergence ou le développement des services culturels sont encouragés, tout comme le recrutement de chargés de développement au sein des communes ou ÉPCI. Cela constituait une base intéressante pour travailler ces TRÉAC.

Serait-il possible d’identifier de bonnes pratiques pour la réussite des résidences missions ?

Identifier des «bonnes pratiques» risquerait de modéliser un type de projet ou de relation avec les artistes. De plus, n’étant pas dans la maîtrise d’œuvre mais d’ouvrage, en relation avec le conseil départemental, il nous importe de ne pas trop figer les choses, et c’est toujours délicat de communiquer des «recettes opérationnelles».

Il semble, néanmoins, qu’un élément important de la réussite de tels projets réside dans l’identification claire et précise des rôles de chaque partenaire, chacun concourant de façon particulière à une aventure commune. Le principe de la co-construction des projets semble également essentiel, dans le respect et l’écoute de chacun. Il ne s’agit pas d’instrumentaliser un propos artistique, ou d’inscrire une action définie de manière unilatérale au service d’un seul objectif pédagogique par exemple.

Une des étapes essentielles est d’informer, voire de former les membres ou représentants des communautés de communes. Par ailleurs, des structures culturelles référentes sont obligatoirement associées, notamment pour leurs expertises. L’association des intercommunalités aux TRÉAC restera un point à travailler et à développer suite à ces deux années d’expérimentation.

Quelle est selon-vous la spécificité d’une résidence mission ?

Les résidences missions se concentrent plus particulièrement sur la diffusion, le rapport aux publics et la médiation du travail artistique. Il est vrai que ce genre de projet «en immersion» nécessite des compétences, des aptitudes, et un désir certain. Cependant, l’artiste ne doit pas être sollicité pour remplir une fonction utilitaire, il est incité à puiser, dans certaines dimensions de son travail, une réflexion sur la transmission et le partage de ses préoccupations artistiques. Tout geste, toute action, doit être intégré à ses propres pratiques et réflexions artistiques, entrer en écho avec elles.

Idéalement, il faut qu’il y ait conjonction entre une proposition artistique, claire et identifiée, et une appétence personnelle au dialogue et à la rencontre. D’ailleurs nombre d’artistes décrivent cette démarche comme constitutive de leur propre création.

Les établissements scolaires sont des collectifs. Pour équilibrer les échanges, ne serait-il pas plus approprié de solliciter des collectifs d’artistes ?

Faire émerger un collectif est, en effet, une piste de travail.

Ce collectif pourrait être pensé dans le décloisonnement et l’ouverture, peut-être en association avec d’autres professionnels ou domaines artistiques. Des temps de réflexion et de formation communs, des espaces de sensibilisations conjointes pour l’ensemble des acteurs et partenaires associés, pourraient être envisagés. Ces formations, très concrètes et très modestes, s’adresseraient à la fois aux artistes, aux structures culturelles, aux communautés éducatives et aux collectivités territoriales. Elles concerneraient la méthodologie à déployer pour le montage des projets ou leurs médiations. Au vu des entretiens précédents, il semble d’ailleurs que des mots-clefs essentiels, plus que des recettes miracles, émergent, tels que la co-construction des projets avec une réelle diversité de regards et de suggestions d’approches, la motivation de tous les acteurs et partenaires, le respect de l’intégrité de chacun(e).


Réflexion et partage d’expérience artistique en milieu scolaire, Julien Pauthier, artiste sonore

Puisque l’on parle ici du rapport pédagogie/ artiste, je me place bien sûr du côté de l’artiste en livrant une histoire somme toute personnelle et subjective. Je souhaite vous faire part de ce qui m’a animé au cours de cette résidence, de ma vision du partage, de la transmission, et de la place de l’artiste au sein d’un établissement scolaire. Je ne peux en aucun cas généraliser, et je ne souhaite en aucun cas parler pour tout le monde.

La situation

Le collège Roger Martin du Gard est situé en zone rurale à Sancergues, à 40 km de Bourges. La ville la plus proche est Nevers, située à 30 km. Il n’existe autour de ce lieu que des villages, des vignobles, des forêts et des champs. Il n’existe pas de lieux culturels à moins de 30 minutes de voyage en voiture. C’est la raison principale qui a conduit le Conseil départemental à sélectionner ce collège dans le cadre du projet TRÉAC.

Mon projet de départ s’appuyait sur le rapport que l’être humain entretient avec son environnement par son écoute via une station météo sonore. Pour ainsi dire, toutes les conditions étaient réunies pour qu’un tel projet existe dans ce contexte.

En début de résidence le projet a muté, la station météo a disparu pour laisser place à l’essence de ce projet, le rapport que l’être humain entretient avec son environnement.

La base

La résidence mission à laquelle j’ai participé réunissait le Conseil départemental du Cher, la Direction régionale des a aires culturelles Centre-Val de Loire, un établissement scolaire, le collège Roger Martin du Gard de Sancergues et une association culturelle, Bandits-Mages. Avec autant d’acteurs, chacun a le devoir de garder son rôle. Et c’est bien de cela qu’il est question.

Quel est le rôle de l’artiste invité en résidence artistique en milieu scolaire, quelle est sa place ?

La réponse n’est pas si évidente et engendre des prises de positions de toutes sortes: politiques, sociales, philosophiques, éthiques. Mais revenons au sujet de départ : la pédagogie. Dès le début de cette résidence j’ai pris position en faveur d’une séparation des savoirs. Je ne m’occupe pas de la pédagogie, ce n’est pas mon rôle, les enseignants participant au projet sont là pour s’occuper de cette partie.

Mais alors me direz-vous, comment transmettre une idée ou un savoir à un adolescent sans s’occuper, en tant qu’artiste, de pédagogie? Nous formons entre les enseignants, la direction de l’établissement et l’artiste, une équipe où le jeu consiste à permettre à des adolescents de découvrir des choses qu’ils n’auraient jamais pu imaginer possibles. Ainsi nous leur permettons de se questionner, de se remettre en cause et de se positionner.

J’ai donc abordé la question de la transmission par l’expérimentation. Cette position ne va pas de soi, et je l’ai appris à mes dépens lors de cette résidence qui, je le rappelle, intervient sous une forme nouvelle, le dispositif naissant. Je vais tenter de formuler une définition personnelle de l’expérimentation dans la création : «L’expérimentation est le fait de pratiquer un médium, avec les outils de son choix, dans le but de découvrir par soi-même des actions à réaliser dans un contexte circonscrit par soi ou par quelqu’un d’autre.» C’est-à-dire que nous ne cherchons pas à reproduire, mais à produire. Cela semble une évidence connue depuis longtemps, mais j’ai le sentiment qu’il faut sans cesse la répéter. L’expérimentation est une exploration des possibles au sein d’une pratique. Dans le cas de cette résidence, la pratique sonore. Apprendre, en se confrontant directement aux moyens utilisés, est une manière de se questionner, se remettre en cause et se positionner.

La position de l’artiste

Une telle position n’est pas facile à faire admettre au sein d’un établissement scolaire. Non pas que l’établissement refuse l’expérimentation, mais d’un point de vue pédagogique, les questions se posent : « Que va-t-il rester aux élèves? Que vont- ils retenir? Que va-t-on, au fond, leur enseigner? ». Ces questions sont fondamentales et relèvent de la responsabilité de chaque acteur de la résidence. Pour que cette résidence puisse aboutir, il faut faire en sorte d’unir l’équipe.

Lors de ma résidence, l’équipe s’est désunie. Deux mondes se rencontrent, celui de l’artiste, et celui de l’Éducation nationale. Chaque personne a sa vision de l’artiste, tout le monde a un avis sur la question, et il existe autant de manières différentes de procéder qu’il existe d’artistes, c’est un fait. Alors comment dans ce contexte réussir à créer une équipe de travail stable où s’accordent application pédagogique et création artistique, puisque chacun d’entre nous projette sur les artistes une intention différente ?

Dans le cas de cette résidence, j’ai eu le sentiment de devoir endosser beaucoup de responsabilités. J’ai eu le sentiment d’être le pilier central  de la résidence. J’ai eu le sentiment que la bonne avancée du projet reposait sur moi, d’être le meneur, de donner les tâches à accomplir et de devoir faire le lien entre toutes les structures.

Il n’est pas rare de trouver cette structure pyramidale au sein des institutions. Mais il semble fondamental de garder à l’esprit que les artistes ne prédominent en rien sur les autres statuts. L’artiste ne peut à la fois endosser le rôle de chef de projet, coordinateur, professeur et créateur. D’avantage encore dans ce genre de contexte. L’artiste fait certes force de proposition en engageant sa responsabilité et celle des autres, et il doit mettre en œuvre tous les moyens mis à sa disposition pour que le projet vive.

Le son au sein de la résidence

Le rapport au son est d’abord un rapport à l’écoute. C’était ma première tâche à transmettre. Ma deuxième tâche était la fabrication des sons, et ma troisième tâche était la création de sons en groupe. Je suis intervenu au sein du collège de Sancergues ainsi qu’au sein de l’école primaire du village voisin, Charentonnay. J’ai mis en place des ateliers de découverte du son.

Ces ateliers consistaient à permettre aux élèves, d’une part, de se familiariser avec les sons, d’autre part, de se rendre compte de ce que pouvait provoquer un son chez celui qui le produit et chez celui qui l’écoute. Le travail en groupe est, dans ce genre de moment, primordial. Cela permet à chacun des élèves de prendre sa propre position au sein du groupe.

La tâche est compliquée et demande d’écouter ce que font les autres participants. Ainsi, lorsque trois ou quatre élèves commencent à jouer ensemble, ils se rendent compte qu’ils peuvent agir et modifier la création en train de se produire. Les élèves utilisaient de simples objets trouvés chez eux, dans la forêt etc. La manière de frotter tel ou tel objet sur telle ou telle surface, la vitesse à laquelle un objet est secoué, ou encore la manière d’en frotter un autre, leur a permis de s’aventurer dans le nuancier sonore d’un quotidien souvent ignoré. Ces bruits de tous les jours peuvent être musicaux, tout dépend comment ils sont fabriqués et comment ils sont écoutés. Cette approche de la production sonore permet à de jeunes adolescents de se débarrasser des codes sociaux et musicaux induits par tout un tas de facteurs. À partir de là, une fois les codes cassés, le jeu et la création commencent.

Quoiqu’il arrive, dans une résidence mission, les premiers bénéficiaires sont les élèves, nous sommes, nous, artistes, les premiers à voir les résultats du travail mené. Et la plus belle chose qui soit est de voir ces adolescents se remettre en question, se libérer et créer.

Prospectives

La position d’un artiste dans une telle organisation ne peut, comme je l’ai dit plus haut, être centrale, malgré une attente dans ce sens de la part de toutes les parties. Comme ce projet n’est ni une résidence de production ni une résidence de création pour l’artiste, sa seule responsabilité est de rendre compréhensible et lisible ce qu’il apporte. C’est un partage de sa part qui ne doit souffrir aucun doute. Pour que l’artiste puisse partager ses connaissances, ses envies, son savoir, il doit juger de la situation dans laquelle il se trouve en amont. Il doit s’assurer de pouvoir travailler dans les meilleures conditions et de trouver les bons interlocuteurs à chaque niveau de l’organigramme. L’avancée du projet fonctionnera grâce à une bonne coordination de la part des structures qui composent le projet, c’est-à-dire l’association qui fait intervenir l’artiste, l’établissement scolaire qui accueille l’artiste et l’administration qui est au cœur du dispositif.

Les questions de budget, les questions administratives et techniques liées à la mise en place de la résidence ne sont en aucun cas du ressort de l’artiste, mais il doit néanmoins en être tenu au courant. Rien n’est plus instable que de tenir pour acquis le rôle de l’artiste dans une résidence dont l’objectif xé n’est pas d’une clarté évidente. Il est intéressant de reprendre le terme résidence et de le remettre en perspective du point de vue de l’artiste.

Couramment, une résidence d’artiste est à vocation de recherche, de production ou de création. Dans le cas présent, aucune des trois options n’est applicable. J’aimerais ici reprendre une définition: «Une résidence d’artiste ou de compagnie consiste en l’accueil et en la fourniture de moyens techniques, administratifs ou encore logistiques par une structure culturelle à des artistes ou compagnies ayant besoin de tels dispositifs pour leur travail de création (dans le cadre de l’élaboration d’un spectacle par exemple)». Ainsi, il est important de fixer le rôle de la structure culturelle porteuse de projets, ainsi que celui  l’artiste.

Est-ce que l’établissement scolaire a les compétences requises à l’accueil d’un artiste ?

Cette question doit être posée pour ainsi décharger de tout problème super u l’établissement et doit être réglée avec tous les responsables de la résidence. Il est difficile de considérer que l’établissement scolaire a l’habitude de prendre en charge l’accueil d’un artiste compte tenu des règles auxquelles ce dernier est contraint d’obéir.

Une autre difficulté à surmonter est le temps de travail disponible. En règle générale, les enseignants ne souhaitent pas ou peu prendre du temps sur leurs heures de cours pour élaborer un projet artistique, sur des durées si longues, mis à part les professeurs d’arts appliqués et musique, si, comme dans mon cas, le projet proposé est à caractère sonore. Nous sommes donc confrontés à un problème difficilement soluble dû au fait que les enseignants ne travaillent pas en dehors des horaires de cours. Il faut donc faire une croix sur les mercredis après-midi, les samedis et les dimanches. Les options qui m’ont été proposées furent d’intervenir durant les pauses méridiennes et les heures d’études. Pour une résidence d’une durée de trois mois, la composition du temps de travail est une des problématiques majeures. Selon moi, l’artiste en résidence n’a pas le rôle d’un enseignant de plus au sein d’un collège. Il doit avoir la possibilité de travailler avec les élèves sur des durées et des temps qui sont en accord avec le projet mené. Il peut s’avérer long et fastidieux d’entreprendre certaines activités, comme enregistrer des sons dans la nature. Il faut acquérir un minimum de connaissances de l’appareil utilisé et se rendre sensible aux sons qui nous entourent. Ces pratiques doivent pouvoir s’inscrire dans le temps scolaire. Nous ne parlons pas ici d’initiation à une pratique, mais bel et bien d’une confrontation à une pratique.


La résidence de Julien Pauthier. Réalisé par Valérie de Saint-Do.

Qu’est ce au juste que le son ? Comment définir un «espace sonore» ? Qu’appelle-t-on «musique concrète» et «électro acoustique» ? Ces questions, bon nombre d’adultes auraient quelques difficultés à y répondre. Transmettre ces notions à de jeunes collégiens peut ressembler à un dé , a fortiori quand l’expérience est menée en milieu rural, loin des opportunités de découvertes culturelles que peuvent proposer une agglomération et ses institutions.

Ce défi, ce sont l’association Bandits-Mages et l’artiste Julien Pauthier qui l’ont relevé, dans le cadre du dispositif expérimental du TRÉAC au collège à taille humaine de Sancergues. Plasticien sonore, Julien Pauthier mène des multiples recherches autour du son et du développement informatique de logiciels spécifiques pour sa transformation.

Avec le projet Love & Noise, il est même revenu aux sources d’un mot français, noise que l’anglais a dérobé pour le réduire au sens de bruit, mais qui trouve sa source dans le bruit des noix remuées dans la main ! Ce simple exemple montre comment l’appréhension d’une démarche artistique apparemment complexe et abstraite peut s’appréhender à partir de pratiques accessibles à tous, et notamment aux jeunes. Julien Pauthier les a invités à fabriquer et collecter des sons à partir des objets du quotidien, et du premier instrument à leur portée, leur propre voix. Ces sons, ils apprennent ensuite à les travailler grâce aux opportunités offertes par différents logiciels.

En regard de l’enseignement habituel de la musique, la démarche est inédite : ici, c’est du son, brut ou travaillé, qu’il est question, hors de toutes leurs habitudes d’écoute musicale. Une démarche qui peut déconcerter parents et enseignants, mais ouvre des portes à la curiosité des enfants et adolescents vers de multiples disciplines : architecture, physique, histoire, musique, écriture…

Pour ce partage du sensible et du sens, Julien Pauthier est resté trois mois en résidence au collège de Sancergues, proposant une participation à ses différents ateliers sur la base du volontariat. Il n’en était pas à sa première expérience de transmission : cette invitation à inventer son espace sonore, il l’a déjà pratiquée maintes fois avec des enfants et adolescents.

Une résidence d’artiste en collège est faite de rencontres et frottements. Le projet de l’artiste se module en fonction des désirs de l’équipe pédagogique : il y a, forcément, tâtonnements, apprivoisements, détournements. Le TRÉAC expérimente, et, à partir de l’idée d’un artiste, l’action se construit avec les enseignants et les collégiens. Dans un premier temps, Julien Pauthier avait imaginé emmener les collégiens visiter une station météo, où les variations du temps auraient aléatoirement fourni la matière sonore à travailler. Une approche poétique, mais qui semble avoir effarouché par son caractère hors les murs et inédit. L’idée a été abandonnée, mais les enfants ont trouvé à créer dans leur environnement plus immédiat. Et une autre rencontre a imprimé sa trace sur le projet : celle, marquante, avec l’église de Sancergues et son prêtre, qui ont permis aux enfants de comprendre, très concrètement, ce qu’est un espace sonore, dans une architecture à l’acoustique très étudiée.

L’église est elle-même un instrument de musique ! C’est ce qu’ont découvert les élèves de sixième de Nathalie Bidon, professeur de musique. Ils se sont littéralement immergés dans le son, en testant les rebonds de leurs propres voix dans le bâtiment. Avec Julien Pauthier et Kerwin Rolland, acousticien, ils ont fait résonner le narthex, testé les fréquences sympathiques, compris les déplacements et rebonds du son dans l’espace. Leurs tentatives pratiques ont mis en jeu toutes sortes de connaissances : une approche de l’architecture romane, de l’histoire du chant, de notions physiques sur la vibration et les harmoniques. Les enfants ont écouté des chants grégoriens, avant de s’essayer eux-mêmes au difficile exercice de tenir une note sur une voyelle. En groupe, ils sont ensuite éprouvé la manière dont la conjugaison de voix multiples et ses renvois dans le bâtiment peuvent produire une voix nouvelle. Ils ont exploré l’accord et la dissonance, le son de leurs propre voix comme matière transformable à l’infini.

Pour les élèves de quatrième d’Élodie Bernard, professeur d’arts plastiques, le terrain de jeu et d’expérience était le cadre le plus quotidien qui soit. Équipés de caméras vidéo et d’appareils photo, les collégiens se sont livrés à une exploration inédite d’un lieu familier : leur propre établissement, qu’ils étaient invités à photographier et filmer sous des angles originaux, et qui, une fois déserté révèle sa part d’étrange et d’insolite ! Surtout quand les images se combinent avec des sons issus d’objets quotidiens détournés de leur fonction : éléments naturels, cailloux ou feuilles récoltés lors de balades sonores ou ustensiles divers ramenés de leur maison. Ils ont éprouvé eux-mêmes une constante de la création contemporaine : écouter et regarder autrement. Détourné de son usage l’objet le plus banal, le plus anodin, peut devenir une source d’imaginaire et d’émotion. Cette moisson de sons et d’images, il s’agissait ensuite de lui trouver un sens et une pertinence au montage ; avec Julien Pauthier, ils ont retravaillé leur matière, pour parvenir à de courtes séquences narratives où ils livrent un aperçu de leur imaginaire.

Que reste-t-il d’un processus de création partagée, quand l’artiste est parti ? Bien évidemment, chacune des expériences a laissé des traces qu’élèves, parents et enseignants ont été invités à partager, lors d’une restitution au collège le 17 avril 2016. Ils ont pu y visionner le film réalisé par Bandits-Mages sur le travail dans l’église, voir les séquences son et image créées au collège et écouter des combinaisons de sons collectés. Encore faut-il dissiper des malentendus, face à certaines incompréhensions devant le caractère inhabituel des productions : plutôt que d’œuvres, il s’agit ici de traces d’une ouverture à la création contemporaine. Attentifs, et même happés par l’univers du son, les jeunes participants ont fait part de quelques impressions :
«Ce qui était impressionnant, c’était de respirer tous en même temps et de tenir les notes longtemps», témoignent les sixièmes. Les images insolites de leur environnement scolaire suscitent la surprise : «On ne dirait plus un collège !» L’un d’eux résume le point de vue de ceux qu’une forme différente d’apprentissage a enthousiasmés :
«Ce n’est pas quelque chose que l’on fait deux fois dans sa vie». On souhaite que l’avenir le démente : ce sont des graines semées, des voies frayées vers la capacité de chacun à exprimer son imaginaire, une interférence bienvenue dans le cadre scolaire.


Un terrain de jeu, Isabelle Carlier, Directrice de Bandits-Mages

Impliquée dans la production d’œuvres vidéo et cinématographiques, dans la fabrication d’espaces de création et dans la diffusion de films et de performances, l’association Bandits-Mages a intégré très vite les enjeux de la transmission. Depuis le début ses membres cherchent, à travers la création, à transmettre à l’autre quelque chose de l’ordre du viscéral. Ils cherchent à apprendre, dans une action simultanée à celle d’enseigner un savoir, une technique, un mode de perception, un mode de représentation du monde. Ceci en explosant les conventions et tous les formatages. Les pratiques artistiques ont leur histoire, leurs outils et empruntent tous les moyens d’expression, du corps aux technologies anciennes et contemporaines.

Cela est vécu comme le terrain de jeu et d’expérimentation par excellence où l’on va tout d’abord s’autoriser à transformer et à inventer, pour proposer d’autres récits de vie que ceux qui nous sont majoritairement imposés (par une société patriarcale, par des médias diffusant des pensées dites mainstream, par des systèmes mercantiles et normatifs).

Que fabrique alors un artiste quand il est en lien avec l’autre, en interaction ? Quand il communique en utilisant une caméra ou simplement sa voix ?

Il s’agit de créer d’abord une relation. Dans une association, la relation est multiple. Elle se fait avec des élèves, des jeunes et moins jeunes, des enseignants, des laissés pour compte, des marginaux, des techniciens, des militants et des non militants, des représentants des pouvoirs publics, etc. Elle engage donc d’abord une écoute, la compréhension d’une situation. Elle demande un enthousiasme à créer là où, si nous sommes a priori les bienvenus, nous ne sommes pas forcément attendus et surtout pas connus.

De l’écoute découle le dialogue.

Chaque expérience amène de nouvelles problématiques auxquelles il faut apporter la plus grande attention. Nous travaillons pour que, acte de création et acte de transmission dialoguent comme des composantes naturelles d’une seule et même pratique. Nous l’avons dit c’est viscéral. Nous nous exposons au risque de faire, de construire et d’agir collectivement, selon une relation et une confiance qui s’installent avec le temps, avec tous les risques que cela comprend, produisant des échecs comme des réussites.

Dans un travail collectif avant même de parler d’œuvre, il s’agit de créer un rôle juste pour chacun.

Chacun peut exister pleinement dans le groupe car il est acteur, cameraman, preneur de son, producteur, coordinateur, accessoiriste, enseignant… De là l’éducation artistique peut être envisagée comme non seulement une éducation à l’art, son histoire et ses pratiques, mais aussi comme une éducation à la vie collective et à la modification de fonctionnements formatés et non désirés. Éminemment politique, l’action culturelle ne peut pas se passer de la composition, même temporaire, d’un nouveau groupe social en marche vers une réalisation commune. Ainsi, chaque atelier porte un enjeu qui lui est propre. Aucune technique n’est abordée comme une fin en soi. Il s’agit de créer quelque chose dont chacun peut être er dans un moment unique. Pour certains ce moment de vie sera fondateur lorsque quelque chose se révèle à eux. Et cela arrive.

Chaque atelier est un engagement collectif : celui de l’artiste, celui des habitants, celui des enseignants, celui des élèves, etc. Et comme chaque engagement le présuppose, la responsabilité de produire un objet commun devient une affaire de groupe. La responsabilité demande d’être partagée pour éviter une construction trop pyramidale où les derniers maillons de la chaîne, souvent les élèves deviennent les exécutants, purement et simplement, des désirs individuels de ceux qui détiennent une apparente autorité.

Nous cherchons toujours à déconstruire les systèmes de pouvoir.

C’est une vision du monde produite par un groupe qui est en jeu, qui certes est accompagnée par un guide mais qui construit en même temps des principes d’autonomie. C’est bien sûr là que réside toute la difficulté dans un dispositif comme le TRÉAC, visant à faire entrer l’art dans des espaces qui ne lui sont a priori pas dédiés. La création demande un travail de terrain producteur d’alternatives et de pratiques à la marge de tous les systèmes conventionnels. Une pensée profondément créative amène aussi à une modification de l’institution et à sa remise en question. Par essence, une pratique artistique propose de remettre en cause -sans brutalité et sans perte de respect fondamental- des habitudes, des méthodes, des façons de voir trop autoritaires. Elle permet d’établir un espace réflexif et critique qui n’est pas admis d’emblée par tous. Ce qui peut provoquer de vrais freins si aucun plaisir à transformer, même temporairement, n’est pas par ailleurs impulsé.

Nous l’avons dit dans le propos initial, le soin premier à apporter est de créer une relation. Sans cela rien n’existe. Dialogue, rencontre, évasion théorique, imagination sont autant de procédés à convier pour une adhésion générale de plusieurs personnes qui a priori n’avaient rien demandé. C’est alors que l’on peut voir surgir des idées qui émanent de lieux insolites et de personnes surprenantes. Nous le savons d’expérience, ceux que l’on qualifie d’incapables se révèlent capables. Et c’est en cela qu’un autre monde devient possible.


Dossier TRÉAC, (Territoire en résidence d’éducation artistique et culturelle) in Revue Laura 21 – Avril – Octobre 2016