Yona Friedman à La Box et au Transpalette.
Deux volets, deux expositions qui se répondent, se complètent et dialoguent l’une avec l’autre, ouvrent chacune à leur manière des possibilités d’analyses et de compréhensions autour du foisonnement joyeux de l’œuvre de Yona Friedman.
Yona Friedman, architecte né en 1923, développe depuis le milieu du XXe siècle le concept d’«architecture mobile», fondement d’une théorie universelle selon laquelle habitat et urbanisme doivent être pensés d’une part directement par leurs utilisateurs et, d’autre part, en intégrant l’imprévisibilité du comportement futur de l’usager. Considéré comme l’un des plus grands penseurs de l’architecture aujourd’hui, Yona Friedman ne conçoit l’utopie que comme réalisable.
Le Transpalette est l’occasion de mettre en pratique les exigences théoriques de Yona Friedman à travers de nouvelles productions réalisées par les étudiants de l’École nationale supérieure d’art de Bourges et de l’École supérieure d’art et de design de Valence.
Ce workshop s’inscrit dans l’idéal «écologiste» prôné par Yona Friedman ; idéal voulant que l’architecte ne soit plus un concepteur autoritaire habilité à résoudre des problèmes mais bien un simple consultant qui propose des concepts et des possibilités de solutions.
De ce fait, son œuvre architecturale ou graphique est toujours sujette à l’appropriation, au détournement et à l’interprétation.
Sous l’impulsion de Damien Sausset & Hervé Trioreau – coordinateurs de l’exposition et du workshop -, les étudiants ont donc utilisé certains des éléments iconographiques de l’appartement par la suite déclinés sur divers supports. Grâce à de multiples échanges avec Yona Friedman, ils ont réagi à cette œuvre protéiforme.
Au cœur de la pensée de cet artiste se trouve également l’idée de dissémination. Une affiche, un livre, un leporelo ou une simple sérigraphie doivent irriguer le monde. Cette utopie merveilleuse fut au cœur des multiples productions et éditions réalisées ces dernières années pour le Cneai de Chatou. Une partie de ces livres, films d’animations et affiches seront également montrés au Transpalette.
Cette présentation, véritable contrepoint aux productions des étudiants, se trouve complétée de plusieurs œuvres originales démontrant combien il est possible de créer à partir de n’importe quel matériau, y compris les plus pauvres, les plus communs.
Au côté de maquettes réalisées à partir de rouleaux de papier toilette, de morceaux de plastiques récoltés dans la rue, le Transpalette met en scène, dans une version épurée et remaniée, Iconostase, œuvre de 2011 provenant des collections du Musée d’art contemporain de Lyon. Constituée de 350 cerceaux de 130 cm de diamètre, l’œuvre anime le puits central du Transpalette en reconstituant sous une forme ludique certaines des Villes Spatiales de l’artiste.
De l’autre côté, La Box a pris le parti de reconstituer l’appartement-atelier de cet architecte-artiste, le deuxième appartement qu’il investi et transforme depuis son installation à Paris en 1958. Reconstituer est pourtant un leurre, presque une impossibilité. Des murs au plafond, des strates, véritables couches géologiques, se superposent, toutes attestant de l’évolution de sa pensée. Ici, des dizaines de maquettes bricolées avec des objets usuels, des morceaux de cartons, de bouts de grillage, des films plastiques, des modèles de Villes Spatiales (1) se superposent, là des piles d’ouvrages anciens, traités d’architecture, livres d’histoire de l’art, recueils de photographies s’entassent, … Aux murs des dizaines de dessins et de peintures déclinent un bestiaire joyeux et solaire. Monstres, architectures et humains semblent former une constellation de figures contaminant les moindres recoins de l’espace. Quant aux meubles qui émergent ici et là, ils sont également métamorphosés, rehaussés de pictogrammes ou d’alphabets abstraits.
Les expositions à La Box et au Transpalette offrent un panorama exceptionnel de la pensée expérimentale de Yona Friedman et démontrent combien toute utopie ne vaut que si elle est dans le mouvement et la mise en abîme faces aux fluctuations du réel.
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Yona Friedman
Né en 1923 à Budapest, Yona Friedman suit des études à l’Institut de Technologie de Budapest de 1943 à 1945, date à laquelle il décide de migrer à Haïfa pour finir son cursus. Fort de son diplôme obtenu en 1948, il imagine des habitats collectifs pour le jeune état d’Israël jusqu’en 1957, date ou il s’installe à Paris. En 1958, il fonde le Groupe d’étude d’architecture mobile. Préoccupé par le devenir de l’idéal démocratique, il oriente ses recherches en urbanisme vers l’utopie d’une mégalopole du futur. C’est ainsi qu’il imagine ses premières Villes Spatiales en 1959. Ces cités dynamiques, «mobiles», reposent sur l’idée de structures porteuses dégageant des cages vides destinées à accueillir des éléments adaptés à l’habitation des familles. À partir des années 1970, il radicalise ses travaux théoriques et commence à s’intéresser aux principes de l’autoconstruction et de l’autoplanification. Il donne alors une réponse concrète et pragmatique aux utopies véhiculées par le milieu architectural dans les années soixante qui marque et influence considérablement bon nombre de projets contemporains.