Notre démarche s’inscrit dans un paysage entre l’artiste égocentré, l’autoportrait collectif et le corpus oral.
Elle se développe actuellement autour de la linguistique par un dialogue avec des chercheurs du Laboratoire Ligérien de Linguistique et la collaboration avec un réseau de structures et d’artistes à l’échelle nationale dans le « Cabinet de curiosités des Langues de France » avec Labomedia, association culturelle orléanaise.
Présentation d’autoportraits collectifs
Guykayser et Gérard Parésys
Ils présenteront tout d’abord trois autoportraits collectifs : Trous de mémoire, Les paysages du Larynx, Le bac à sable des Langues de France.
Interventions
Suivront différentes interventions sur :
- le langage,
- la voix,
- le son,
- le tableau,
- le cadre,
- la mobylette,
- le monde,
- la disparition de l’artiste,
- le temps qui passe
- …
Avec
Olivier Baude, Jean Bojko, Benjamin Cadon, Véronique Dassié, Jacques Leenhardt et Christian Bonnefoi
Olivier Baude
Le silence n’existe pas. Le quotidien est rempli de voix entendues, traces et empreintes sonores qui forment une langue qui ne nous quitte plus. Au plus profond du silence, quand le son n’est plus que formes, 500 000 phonèmes par jour habitent nos ateliers personnels. Finalement, la langue est le premier des autoportraits collectifs. Composé de règles, principes et paramètres, d’invariants et de variations, cet autoportrait est le bruit du monde devenu génératrice.
Jean Bojko
Dans la tradition ukrainienne « IVAN » c’est un « Jacques » c’est à dire un imbécile, un pèquenaud, un serf, un bouseux, un plouc, un individu de basse caste. Un de ceux qui ne font pas l’histoire.
Charabara est de ceux-là, il ne sait ni lire, ni écrire, ce qui ne l’empêche pas de parler, de boire le canon et de sillonner la Cité sur sa mobylette en cultivant, sous son casque, des espaces qui sont de véritables potagers de l’imaginaire.
Christian Bonnefoi
Le lieu clos du tableau n’est donc pas un détail ou une partie d’un ensemble dans lequel il serait temporairement découpé, mais un monde en soi, ayant ses règles propres, une structure autonome et, ce qui est le plus important, la capacité de s’adresser, d’une certaine façon, à celui qui le regarde : ce que nous appelons « l’expérience esthétique », à savoir ce moment très particulier que Kant nomme, à propos du sublime, « l’interruption de la pensée », nous permettant d’être, à ces occasions seulement, les réceptacles puis les animateurs de l’imprévu, de l’inconnu et du nouveau, qui sont les raisons d’être de l’œuvre d’art.
Benjamin Cadon
La disparition de l’auteur.e, puis celle de l’artiste, est une autre antienne. Que des créations collectives aient lieu — et qu’elles bousculent la sacro-sainte image de l’artiste comme génie isolé.e, véhiculée dans les arts plastiques— est une évidence. Il reste néanmoins, un ou des individu.s qui conçoi.ven.t une « règle du jeu », ou en langage artistique un « dispositif » dans lequel d’autres (d’autres artistes ou le public en général) vont s’inscrire. Ce qui change est moins la disparition de l’artiste que sa nouvelle place, sa nouvelle position dans la création. La formulation selon laquelle l’artiste devient créateur/créatrice de contextes plutôt que de contenus nous semble beaucoup plus juste.
Véronique Dassié
À la décomposition-recomposition de la matière se superpose celle des mémoires à partir desquelles l’artiste dresse ses portraits. Comme le souligne Michel Beaujour, l’autoportrait est en effet dans sa rhétorique une formation « polymorphe beaucoup plus hétérogène et complexe que la narration autobiographique ». Autrement dit, il n’est pas un récit linéaire, ni même une quête des origines, il est au contraire la juxtaposition de fragments picturaux qui, mis les uns à côté des autres, contribuent finalement à faire sens. Dissociés les uns des autres, ces fragments ne sont que matière sans valeur. Assemblés, ils mettent en forme une cohérence.
Jacques Leenhardt
Le vocabulaire de la « création », abusivement théologique, est trompeur, faisant comme si l’artiste se retrouvait dans la position d’un dieu démiurge face à la matière à laquelle il va donner forme. L’activité artistique n’emprunte pas grand-chose au divin. Bien au contraire, et en plusieurs sens. D’abord, c’est un travail dont les règles s’apprennent, où la spontanéité même est éduquée et contrôlée. Comme on dit souvent : « le génie, c’est beaucoup de travail ». Mais plus encore, l’activité artistique appartient d’autant moins au divin qu’elle est radicalement attachée à ce qui nous tient éloigné de celui-ci : notre condition humaine. C’est en tant que tels, absolument humains, que nous avons la capacité d’être artiste. C’est même cette capacité d’art, librement développée, qui fait de nous des être humains si nous l’exerçons pleinement.