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Du 05 Oct au 24 Nov 2017

Vernissage : 05 Oct @ 18h00

SHUT THE FUCK UP

Catégorie :

18 Cher

Hippolyte Hentgen / General Idea Commissariat : Ingrid Luche

Organisé par :

La Box

Adresse :

rue Édouard-Branly 18006 - Bourges

Plus d'infos

Cet Évènement fait partie de :

Du 05 Oct au 19 Nov

TRAVERSÉES REN@RDE

 

Shut the Fuck Up

Shut the Fuck Up est une œuvre de General Idea réalisée en 1985 sur commande de la télévision néerlandaise et destinée au festival Talking Back to the Media. Objet critique, quasi manifeste, cette vidéo qui s’appuie sur des extraits de films de fictions, documentaires ou performatifs alternés avec des interventions frontales des artistes, exprime avec ironie une certaine exaspération à l’égard des médias télévisuels, manipulant à outrance œuvres et artistes dans une logique spectaculaire.

Hippolyte Hentgen est invité à une mise en regard avec cette œuvre empruntée au Centre Pompidou. L’artiste envisage cette association en présentant une variété de gestes prélevés dans son réservoir plastique. Plusieurs œuvres composent déjà des séries à l’instar des affiches de cinéma détournées ou telles les Poodles une série réinventée pour cette rencontre.

General Idea est un collectif d’artistes actif de 1967 à 1994 composé des trois canadiens Felix Partz, Jorge Zontal et AA Bronson. Leur œuvre transgressive, avant-gardiste et glamour se manifeste au travers d’un usage sans limite de références, de supports et de médias, à commencer par l’édition*. Les membres du trio portent chacun un pseudonyme hérité d’une expérience de mail art. L’anonymat se décline en une unité artistique en marge des binarités sexuelles domestiquement prédominantes : « trois têtes valent mieux ». Ils forment un quatrième élément.

Hippolyte Hentgen naît de l’association de Gaëlle Hippolyte et de Lina Hentgen. Depuis leur rencontre en 2007, les deux artistes choisissent de faire disparaître l’unité de l’auteur sous un regard à quatre mains, et de « faire (ré)apparaître le fantôme de figures absentes ». Si Hippolyte Hentgen se réfère ouvertement à La mort de l’auteur de Roland Barthes, il semble que cette réincarnation s’opère, principalement au travers du dessin, non dans le refroidissement des formes conceptuelles, mais bien dans la réactivation joyeuse et burlesque de sujets parfois désaffectés par l’industrie des images animées ou de la communication. En 1984, au Centre d’art contemporain de Genève, General Idea se livre à une performance en s’emparant de trois immenses toiles sans châssis, fixées haut sur un mur puis déroulées au sol : les trois artistes plongent trois caniches blancs (réalisés par un taxidermiste) dans des cuves de peinture bleue — International Klein Blue (IKB) — pour tracer avec ces corps de gigantesques X.
XXX (bleu) est inspiré par le film Mondo Cane (1962) de Paolo Cavara, Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi, qui, sur le mode d’un documentaire anthropologique, donne à voir un « musée des horreurs » des pratiques culturelles mondiales, choquantes aux yeux de l’opinion occidentale. Yves Klein y conçoit à la demande des réalisateurs une performance où des modèles se livrent à la réalisation d’anthropométries sur un suaire. L’usage qui est fait de sa performance dans le montage final du film tourne en dérision le geste de l’artiste qui ressort troublé, voire humilié, de sa projection au Festival de Cannes. Pour Hippolyte Hentgen, documents relevant de la culture populaire, affiches de cinéma, gravures, dessins animés servent de base à la pérégrination d’un dessin empruntant autant au code du dessin de presse qu’à celui de la bande dessinée ou du dessin naturaliste. Ces sources se situeraient également au même niveau sémantique que les figures emblématiques qu’il ré-emploie. Ici, notamment, celle du caniche, en faisant preuve d’expérimentations plastiques à la fois ludiques et citationnelles : sa série de Résistantes, forme-hommage aux photographies de résistantes de Gerda Taro durant la guerre d’Espagne (1936), se voit prolongée dans un jeu de silhouettes canines, à l’instar de bunny girls imprégnées dans la page. Si le trio caniche forme l’icône de l’identité sexuelle plurielle de General Idea à l’égal de son emblème artistique, la caniche ombre maintenant chez Hippolyte Hentgen celle d’une résistante féministe canine (série Poodles).Actuellement les questions soulevées par les études sur le genre recoupent la diagonale animale, alors que l’imagerie publicitaire, dans un effet de mémoire, renvoie encore largement l’image d’une femme domptée par le consumérisme.

En août 1970, à Toronto a lieu The 1970 Miss general Idea Pageant (Le Concours de beauté de Miss General Idea 1970) au St Lawrence Centre for the Arts. Les prétendant-e-s vêtues de costumes d’ours, se prêtent à divers numéros pour tenter de séduire public et jury mais c’est Miss Honey qui remporte le titre pour son habileté à manier le télex. Ainsi introduite, Miss General Idea devient concept, muse, icône travestie ou hôtesse avant de voir érigé en son nom un Pavillon (1984).

Dans la lignée du trio canadien, le duo parisien traverse les genres d’images et les codes genrés pour mieux en détourner les contradictions. Au Salon de l’érotisme** d’Hippolyte Hentgen (2016), nain ou chien aux gros nez se prêtent à des séances sado-maschistes avec de blondes pin-ups dans l’appartement [ l’atelier ] de la communauté : l’excitation du dessin assigne aux différents protagonistes un genre de trait et un vocabulaire de styles dont les référents populaires entrent en scène dans un grinçant théâtre. À côté, personnages de bande-dessinée, monstres illustrés de SF, gravures à vocation éducative ou historique dialoguent entre grosses têtes ou masques d’animaux en prenant soin de construire avec leurs paysages d’accueil une interaction extraordinaire, parfois en creux.

Bien que l’œuvre Shut the Fuck Up, empruntée au Centre Pompidou nous tourne vers des technologies télévisuelles aujourd’hui transformées, la relation aux médias soulevée par General Idea demeure omniprésente. Hippolyte Hentgen porte un regard enchanté et grinçant sur un monde d’images dont il définit un autre cadre, tout aussi sensible et critique, scrutateur des excès de notre consumérisme culturel. La formule « Form Follows Fiction*** » apparaît chez General Idea dès 1973. S’il s’agit d’un sort, Hippolyte Hentgen le jette depuis sa création à toutes les sources de son œuvre.

Cette exposition ouvre le programme Traversées Ren@rde, un partenariat entre La Box, Le Centre d’art Transpalette – Emmetrop et Bandits-Mages.

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* General Idea, FILE Megazine (coffret). Reprint intégral en 6 volumes du magazine d’artistes, JRP/Ringier, 2008.
** Hippolyte Hentgen, Salon de l’érotisme et autres dessins, Éditions Marguerite Waknine, Collection, LE CABINET DE DESSINS, 2016.
*** « Form Follows Fiction » : formule détournée de la fameuse doctrine architecturale moderne « Form Follows Function » (la forme suit la fonction).

Hippolyte Hentgen est composé de Lina Hentgen (1980) et Gaëlle Hippolyte (1977). Elles travaillent à Paris. Hippolyte Hentgen est représenté par la Galerie Semiose, Paris.
General Idea est composé de AA Bronson (aka Michael Tims, 1946, Vancouver, Canada), Felix Partz (aka, Ronald Gabe, 1945, Winnipeg, Canada – 1994, Toronto, Canada) et Jorge Zontal (aka Slobodan Saia-Levy, 1944, Parme, Italie – 1994, Toronto, Canada).