Journées d’étude doctorale en histoire de l’architecture,
organisées par Anne-Marie Châtelet (École nationale supérieure d’architecture de Strasbourg), Hélène Jannière (université Rennes-2) et Jean-Baptiste Minnaert (Université François-Rabelais, Tours).
Site des Tanneurs, 3, rue des Tanneurs, Tours (tramway Anatole-France)
Salle du 5e étage de la Bibliothèque universitaire
Contact: François Fièvre, intru@univ-tours.fr
En 2005, la conférence internationale Changing Boundaries, Architectural History in Transition1, organisée à Paris par l’Institut national d’histoire de l’art (INHA, Paris) et la Society of Architectural Historians (SAH, Chicago) explorait nombre d’axes par lesquels l’histoire de l’architecture se redéfinit, jusque en son cœur, par l’extension et la modification de ses frontières topographiques, temporelles et épistémologiques.
En 2006, la revue Histoire de l’art consacrait son numéro 59 aux «Nouvelles approches en architecture», où de jeunes chercheurs de toutes périodes exposaient des recherches novatrices pour la discipline (2).
Nombre d’ouvrages, notamment celui d’Andrew Leach (3), alimentent régulièrement la réflexion sur le statut et les objectifs de l’histoire de l’architecture.
Dans la suite du séminaire de recherche interdisciplinaire Périphéries, organisé par l’InTRu (Université François-Rabelais, Tours) en 2012-20134, la journée doctorale du 6 février 2015 explorera des pistes nouvelles par lesquelles les périphéries, en leurs multiples acceptions, peuvent à la fois décentrer et recentrer l’histoire de l’architecture.
Les grands récits élaborés dès la fin des années vingt par Sigfried Giedion ou Nikolaus Pevsner ont trouvé leurs contradicteurs, voire leurs démystificateurs, avec Reyner Banham dès le milieu des années cinquante, Manfredo Tafuri (5) ou encore Robert Venturi à partir de la décennie suivante.
Ainsi l’histoire de l’architecture a-t-elle élaboré des méthodes de révision qui l’ont fait lentement advenir à son plein statut de science de l’homme et de la société.
Avec la mondialisation de ces trente dernières années, éclatent non pas seulement les approches et les méthodes de la discipline, mais aussi ses cadres topographiques (aires coloniales, périphéries urbaines), temporels (architecture actuelle) et épistémologiques (impact accru de la géographie, de la sociologie et de l’anthropologie).
Les corpus, aussi, s’accroissent à la vitesse désormais galopante des processus d’urbanisation; leurs caractéristiques nouvelles, notamment leur banalité et leur répétitivité, ainsi que les questions liées à leur traitement quantitatif, font muter les objectifs que s’assignait l’histoire de l’architecture. Ainsi le rapport central que noue l’histoire de l’art, discipline-mère, avec la question de l’esthétique peut-il à cet égard être interrogé à nouveaux frais.
Les grands récits des historiens de l’architecture au XXe siècle sont centrés sur la figure du créateur intègre et univoque, éventuellement érigé en prophète de son époque.
En cela héritiers de Vasari (6), ces récits célèbrent le projet «héroïque et original» (7), dans une posture qu’on pourrait qualifier d’histoire de la nouveauté. Cependant, ces grands récits ont créé une sorte de structure de malentendus, une série d’angles morts dont on peut tirer aujourd’hui une historiographie en creux.
Depuis une vingtaine d’années, ces récits ont progressivement fait place à une compréhension de l’acte de bâtir plutôt comme processus premièrement collectif, mieux appréhendable, par exemple, grâce aux outils de l’histoire culturelle ou de la sociologie et de l’anthropologie.
À cet égard, les travaux de Bruno Latour et de François Jacob sont peut-être l’outil d’une approche renouvelée de l’histoire de l’architecture, comme l’avait montré la journée doctorale Les mains de l’intellect en février 2013.
Une autre forme de périphérie réside sans doute dans la figure de l’oubli. La capacité d’inventer d’un individu ou d’une société n’a d’égale que celle d’oublier les pratiques, les savoir-faire et les représentations des devanciers. Une époque se démarque des précédentes non pas seulement en ce qu’elle innove, mais aussi par ce qu’elle désapprend, ce dont les historiens ont parfois du mal à se saisir, car l’extinction d’un phénomène et le tarissement de ses sources font croire à la non pertinence d’analyser le silence qui s’ensuit. À une posture mainstream d’histoire de l’innovation, on pourrait opposer une sorte d’histoire de l’oubli.
Les périphéries de l’histoire de l’architecture, qu’elles soient topographiques, chronologiques, épistémologiques, méthodologiques, historiographiques, sont les ferments d’un renouvellement et d’un recentrement permanents de la discipline, dont les recherches doctorales en cours sont les postes avancés. Les contributions attendues se centreront sur les facteurs de renouvellement de l’histoire de l’architecture par l’apport des autres disciplines et de nouvelles méthodes, par l’étude de ses malentendus et de ses angles morts topographiques, temporels et thématiques.
(1) Repenser les limites : l’architecture à travers l’espace, le temps et les disciplines, colloque international, Paris, Institut national d’histoire de l’art, 31 août-3 septembre 2005. Actes en ligne http://inha.revues.org/30
(2) Jean-Baptiste Minnaert (dir.), «Nouvelles approches en architecture», Histoire de l’art, n° 59, octobre 2006, 172 p.
(3) Andrew Leach, What is Architectural History, Cambridge (UK), Malden (USA), Polity Press, 2010.
(4) Voir le programme du séminaire Périphéries, 2012-2013: http://intru.hypotheses.org/1181, et les résumés des interventions: http://intru.hypotheses.org/category/les-seminaires-de-lintru/seminaire-de-methode/page/2
(5) Une journée consacrée à Manfredo Tafuri est organisée le 4 novembre 2014 à l’IUAV de Venise http://www.iuav.it/Ateneo1/strutture-/architettu/attivit–c/2014/Manfredo-T/index.htm
(6) Jean-Baptiste Minnaert, «Architecture ordinaire et hommes pluriels», Ligeia, n° 93-96, «L’autre Europe», numéro thématique sous la direction de Carmen Popescu, juillet-décembre 2009, p. 38-44. Voir aussi Perspectives n°4, 2006, numéro thématique consacré à «La monographie d’artiste», et en particulier l’article de Pieter Uyttenhove, «Qu’importe qui conçoit ? Questionnement sur la monographie d’architecte», p. 585-613.
(7) Selon l’expression, restée célèbre, de Robert Venturi.
Attendues pour le 15 décembre au plus tard, les propositions d’intervention seront accompagnées d’un texte d’une trentaine de lignes et d’un curriculum vitae.
Elles devront parvenir à:
Jean-Baptiste Minnaert, Université François-Rabelais, Tours: jean-baptiste.minnaert@univ-tours.fr
avec copie à:
Anne-Marie Châtelet, École Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg:chatelet.schmid@wanadoo.fr
Hélène Jannière, Université Rennes 2: helene.janniere@univ-rennes2.fr