19h30 : Pictée – apportez un crayon ! L’Oupeinpo est…
un OUvroir,
c’est-à-dire un lieu où l’on oeuvre. Il diffère d’un laboratoire en ce sens qu’il n’est point un lieu de labeur ; d’une société savante, car l’avancement des sciences n’est pas son propos ; d’une secte, car on n’y suit aucune doctrine ; d’une école, car il ne comporte ni maîtres ni élèves.
Il n’a rien de commun avec une académie, un musée, une loge, un commissariat, un institut ou n’importe quelle sorte d’institution. Si l’on peut lui trouver quelque parenté avec un atelier, c’est dans la mesure où l’on s’y attelle effectivement à de nombreuses tâches ;
de PEINture,
mais par synecdoque, car l’Oupeinpo ne restreint nullement la peinture à l’art d’appliquer des pigments. Au contraire, il l’étend sans scrupules à tous les arts graphiques ou plastiques et, autant que le pinceau ou la brosse du peintre, il préconise le crayon du dessinateur, la pointe du graveur, le ciseau du sculpteur, la taloche du stucateur, l’aérosol du tagger, le bric-à-brac de l’installateur, la caméra du vidéaste, voire la souris du synthétiseur d’images. L’appareil du photographe et la presse de l’imprimeur ne lui sont pas inconnus. Il s’efforce de promouvoir l’aiguille et le scalpel, la lardoire et le hachoir, le jet et le compresseur, la pelle à tarte et la pelle mécanique, le laser et le laminoir, le canon de campagne (si besoin la bombe), ou encore la main nue et l’agilité digitale…
POtentielle,
car l’Oupeinpo, en tant que tel, ne produit aucune peinture réelle. Il n’oeuvre pas aux oeuvres mais aux méthodes, dispositifs, manipulations, structures, contraintes formelles à l’aide de quoi les peintres passés, présents et futurs ont pu, peuvent et pourront créer leurs œuvres (les peintres passés dont les préoccupations oupeinpiennes paraissent évidentes sont appelés plagiaires par anticipation). Il ne dévalue certes pas l’acte de peindre ou son résultat, mais il affirme que c’est là l’affaire des artistes, des commanditaires ou du peuple regardeur. Son rôle à lui est de proposer des « formes » ou des transformations dans lesquelles les oeuvres sont « en puissance ». Empressons-nous d’ajouter que ses membres s’efforcent d’être les premiers utilisateurs des formes qu’il élabore afin que celles-ci ne restent point creuses mais soient manifestées par des exemples. Les Oupeinpiens apportent ainsi, avec les contraintes qu’ils inventent, des preuves de faisabilité. D’où une apparence de production qui a donné lieu à expositions et à publications, et permet d’illustrer cet ouvrage. Cela étant, les exemples réalisés ne représentent qu’une infime proportion des inventions oupeinpiennes.
Extrait de « Oupeinpo, du potentiel dans l’art », éd. du Seuil, 2005