L’île de la Mémoire
regroupe les œuvres de neuf artistes issues de la collection Famille Servais (Bruxelles) abordant la mémoire à travers une réflexion sur les monuments et les nouvelles formes symboliques qu’ils peuvent recouvrir.
Les mémoriaux présentés ici rendent compte des réalités politiques et sociales de différents territoires et d’individus.
Le titre de l’œuvre de l’artiste palestinien Taysir Batniji GH0809 est l’abréviation de “Gaza House 2008-2009”. Cette série présente des maisons détruites photographiées à Gaza peu de temps après l’attaque israélienne “Plomb durci” (fin 2008, début 2009), à l’occasion de laquelle un nombre important de civils palestiniens, la plupart enfants, furent tués. Présentée à la manière des agences immobilières, l’œuvre met en tension un support identifié et assimilé évoquant une annonce commerciale face à une réalité quotidienne moins familière.
With a cleaning cloth de l’artiste turque Cengiz Çekil est une série de toiles retournées au centre desquelles est tendu en suspension un chiffon à poussière. Le motif de fond composé de peinture et de dentelle diffère selon un système d’association créé par l’artiste. L’ensemble de toiles (la série en compte cent quarante quatre), la répétition, la déclinaison des motifs et les matériaux de nature quotidienne et domestique évoquent simultanément l’artisanat et la production automatisée en série. L’artiste intériorise par ce biais l’impitoyable autonomie de la femme.
Love Story de l’artiste chinois Liu Chuang rassemble des centaines de romans populaires loués ou empruntés par des travailleurs migrants à Dongguan (Chine) et les notes anonymes accumulées sur ceux-ci. L’artiste les a rassemblées en sept catégories : brouillon de lettre, journal intime, poèmes, informations personnelles, numéro de téléphone, mémo, griffonages. Écrits par différentes mains, les inscriptions deviennent un portrait de la Chine ouvrière. Chaque texte présenté dans l’exposition est codé avec une roche peinte à la main déposée sur la page ouverte et se rapporte à la couleur du texte écrit sur les murs de la galerie.
Dans ¿Quién puede borrar las huellas? l’artiste guatémaltèque Regina Jose Galindo est vêtue de noir et marche pieds nus, laissant sur son passage des empruntes de sang humain sur les trottoirs qui vont du Corte de la Constitucionalidad (tribunal) jusqu’au Palacio Nacional (siège de la présidence) à Guatemala City. La performance de l’artiste intervient en mémoire des victimes du conflit armé au Guatemala, le jour de l’annonce de la candidature à l’élection présidentielle de Efraín Ríos Montt, un ancien militaire, génocidaire et putchiste.
L’artiste mexicaine Fritzia Irízar convoque dans son œuvre Naturaleza de imitación la communauté tarahumaras de l’état de Chihuahua affectée par une crise alimentaire atroce. Elle récupère leurs cheveux pour les transformer par un processus d’extraction des molécules de carbone en un diamant. Cette transformation met en crise le processus d’obtention du diamant, objet qui au cours de l’histoire à été la cause des expressions de déshumanisations les plus cruelles. Le diamant, idéal de pouvoir économique et d’élégance, est ici créé grâce aux personnes qui vivent dans des conditions précaires mais qui ont un rôle essentiel dans l’héritage culturel du pays.
L’artiste égyptienne, Iman Issa pense le langage symbolique des monuments et mémoriaux, en se positionnant dans les interstices entre réalité physique et mémoire personnelle. En présentant des contre-monuments, l’artiste offre une antithèse aux doctrines officielles. Les deux œuvres présentées, issues de la série Materials for a monument, se réfèrent à des monuments que l’artiste connait personnellement au Caire, et dont elle réactive la mémoire à partir d’un langage neuf. Une forme en construction ; les matériaux ont pour elle une plus grande capacité à régénérer le devoir civique et la mémoire que la structure physique des monuments officiels intemporels.
Dans sa série photographique Recados póstumos, l’artiste mexicaine Teresa Margolles place des fragments de messages laissés par des personnes qui se sont donné la mort sur les panneaux d’affichage des cinémas abandonnés de Guadalajaja. Les phrases peuvent être cyniques et banales (“je l’ai tuée parce que mes amis m’ont dit qu’elle m’avait trompé”), ou pathétiques (“adieu, te dit la moche, la fille dégoûtante que tu détestais”). Le résultat est un déchirant témoignage de la violence quotidienne et de la misogynie.
L’artiste cambodgien Sopheap Pich travaille principalement avec des fines lanières de rotin et de bambous. Il créé des formes sculpturales qui abordent les notions de temps, de mémoire et de corps, en échos à l’histoire du Cambodge en particulier durant la période des Khmers Rouges entre 1975 et 1979, sa culture, ses traditions anciennes et ses luttes contemporaines. L’œuvre Luminous Fall (Four Falls) reprenant le motif de la grille n’est pas sans évoquer les conditions de détention et d’enfermement de cette époque.
L’œuvre de l’artiste d’origine vietnamienne Danh Vo présentée est une copie écrite à la main par le père de l’artiste qui ne comprend pas le français d’une lettre du missionnaire Jean-Théophane Vénard (1829-1861) envoyée à son propre père la nuit avant son exécution au Vietnam pour prosélytisme chrétien. Le simple geste de transcription, évoque l’histoire coloniale du Vietnam et à un niveau plus personnel, témoigne de deux relations père-fils à cent cinquante ans d’écart. En s’appropriant ce courrier, l’artiste fait transparaître les allusions et les souvenirs qui forment son passé et son présent aussi bien que le nôtre.
Programme du jeudi 9 février :
16h30
Conférence de Tania Nasielski – galerie La Box
18h00
Vernissage de Marcos Avila Forero – la borne – Le pays où le ciel est toujours bleu, rue de l’abbé Berthault à Bourges
18h30
Vernissage de l’Ile de la Mémoire – galerie La Box
Informations pratiques :
Ouvert du mardi au samedi de 14 h à 18h
Fermé les jours fériés