L’encyclopédie est un livre d’artiste d’un genre inédit, un livre d’artiste encyclopédique. Et un livre d’artiste « cyclopédique » avec un œil central, perçant qui revisite sous l’angle du féminisme le Larousse Ménager de 1926, ouvrage de fascination qui a bercé l’enfance de Coco Téxèdre. L’artiste débute son encyclopédie, la cinquantaine passée en mesurant la prégnance de ses préceptes sur son éducation. On ne naît pas ménagère, on le devient… sous les coups de boutoir de la vie. On s’en amuse rétroactivement, on force le trait. On tricote, on brode avec les mots, on se pare, se couvre de cotonnade, de soie, de moi, de surmoi, de çà. On file, se défile au fil des pages, de fille en aiguille, on met à jour, « Le Larousse ménager devint peu à peu le matériau d’un carnet d’analyse et l’amidon en un ou deux mots de mon féminisme conscient ».
Coco Téxèdre a longtemps eu, et a encore, pour livre de compagnie, une encyclopédie très sérieuse : le Larousse ménager illustré de 1926…
On emploie aussi le mot de manuel pour qualifier un livre très utile que l’on garde avec soi pour apprendre à tout moment, pour trouver réponse à toute question. Coco a donc, dans son atelier d’artiste, une encyclopédie de compagnie qui est un manuel…
Comment Coco relève-t-elle le défi prodigieux de métamorphoser le Larousse ménager illustré de 1926 en œuvre d’art ? Métamorphose, il s’agit bien de métamorphose, c’est-à-dire d’une transformation radicale…
Y aurait-il du romanesque dans la démarche de Coco ? Possiblement, de façon dérobée et fragmentée, car son projet tient du roman d’aventure : aventure de l’art, aventure sociale, aventure personnelle aussi. Aventure(s) au féminin pluriel, tout simplement…
Son livre est aussi et surtout une Encyclopédie de l’artiste de plus de 50 ans, une artiste qui maîtrise la vie des formes et sait ce que rébellion veut dire. L’ouvrage qu’invente Coco est une sorte d’autoportrait symbolique qui se dessine à l’aide d’un ensemble de fragments…
Les recettes et les secrets de Madame X.
Gilbert Lascault, postface, extraits.
La ménagère de plus de 50 ans peut s’appeler Madame X. En algèbre, le X est l’inconnue. Madame X est l’inconnue dans sa maison ignorée. Elle travaille à l’heure H et au jour J. Souvent, Madame X trace le signe X. Parfois, le signe X est perçu comme le signe de la multiplication ; Madame X multiplie ses nombreux travaux ; elle double ; elle centuple ; elle entasse ; elle répète ; elle reproduit ; elle peuple ; elle propage. Parfois, Madame X rature, biffe, raye, barre, abolit…La lettre X se trouve dans le nom de Coco Téxèdre… Artiste allègre et vive, Coco Téxèdre et Madame X sont deux jumelles, deux doubles. Elles proposent des recettes, des démarches, des méthodes, des remèdes, des pratiques, des procédures, des règles, des manières, des observations, des conseils et des secrets. Leur journal intime contient des aveux discrets.
La ménagère doit, surtout, retenir son mari à la maison : « si bien douée qu’elle soit, il ne faut pas que son esprit, ses tendances artistiques et littéraires lui fassent négliger les détails matériels de l’existence. La propreté du ménage, l’ordre qui y règne, sa bonne tenue sont des attraits qui retiennent l’homme à la maison… » Le mari ne cherchera pas les séductions de l’extérieur, les plaisirs du monde…
La ménagère « lit de la main gauche » un ouvrage de Rabelais ou « un autre livre joyeux ». Elle lit très vite les scènes lestes qui l’excitent… Madame X n’oublie jamais le sexe et reste perplexe…
Quand la ménagère se marie, elle brode, elle tricote. Elle inscrit les adjectifs tendres ; et elle s’affirme ; « conciliante », « aimable », « douce », « généreuse », « gentille »…
Le macramé est un ouvrage obtenu au moyen de fil tressés et noués. Le goût de l’ouvrière peut à l’infini varier les dessins et coloris…
Et du 1er avril au 26 juin 2016 : Exposition des planches originales de L’encyclopédie de la ménagère de plus de 50 ans au Cabinet d’arts graphiques du musée des Beaux-Arts d’Orléans.
Analyses, commentaires sur Culture.fr et lelitteraire.com