Souvent composées d’éléments encastrables, empilables qui peuvent se prêter à plusieurs combinaisons, dans un répertoire de formes plutôt organiques mes sculptures sont réalisées en terre modelée, matériau qui me permet de travailler simultanément, volumes, matières, graphismes. Je travaille par séries qui se succèdent chronologiquement ou parfois évoluent de façon concomitante. Elles portent un titre générique : cavités, dormantes, parois, arbres timides, plantes dada, ex-voto.
En botanique les « arbres timides » sont des arbres dont les frondaisons ne s’interpénètrent pas. Ils maintiennent entre eux une certaine distance appelée « fente de timidité ». Associés en duo et comme séparés par une distance infranchissable ces premiers « arbres timides » réalisés en 2012 préfigurent peut-être des silhouettes qui apparaîtront dans une série suivante de sculptures.
Les » parois ″ blocs fermés à la géométrie adoucie par la construction manuelle, peuvent être abordées selon divers angles de vue et associées les unes aux autres en créant des passages entre elles. On a toujours dans son champ de vision une paroi, naturelle ou construite par l’homme. C’est un refuge autant qu’un obstacle, On passe son temps à circuler entre des parois, à les contourner, à les esquiver, à les frôler voire à les heurter. Les parois séparent, fragmentent, accueillent, définissent l’espace entre elles, le passage, la marge, la frontière, l’interstice.
Au cours de l’été 2014, sur les parois sont venues s’appuyer des silhouettes de bustes-objets présentant une coupe à la surface plane, début d’une nouvelle série qui a pris le titre « d’ex-voto ». Objet d’usage à la forme figurative, ou textuelle l’ex-voto symbolise d’une part une demande faite à une divinité dans l’espoir de sa réalisation et d’autre part l’offrande faite à la divinité suite à la réalisation du vœu. Il est déposé dans des lieux consacrés. Cette pratique millénaire et universelle est commune à plusieurs religions, parfois aussi considérée comme une habitude païenne ; elle témoigne de la piété populaire et de la nécessité de faire appel à une intervention divine particulièrement en période de crise. Les bustes-objets et les parois installés dans un espace ou alternent ainsi formes pleines et passages pourraient représenter une incarnation formelle des peurs qui nous assaillent et des espoirs qui nous animent tous, interpellés par l’actualité partagée entre avancées technologiques majeures et explosions de violence.
En même temps que ce travail de sculpture en terre, en mêlant châssis et supports de récupération tels que toiles de draps en lin, pages de livres, lettres, registres, j’ explore aussi les mêmes thématiques en mettant en place un registre de formes assez proches, particulièrement dans le dernier travail pictural sur les patrons de couture dont la composition présentent des lignes de construction. Le patron est un plan, un ensemble de formes géométriques inscrit dans un espace donné qui est destiné à être reporté sur un autre support qui sera découpé puis assemblé pour créer un volume. Ce passage de deux à trois dimensions caractérise mon va et vient entre peinture et sculpture.
» Il faut d’abord laisser pousser les formes, les couleurs, les mots, les sons et ensuite les expliquer » écrit Jean Arp en 1938. Le choix de matériaux dotés de leur propre sensibilité combiné à l’ordonnance de leur assemblage selon un plan mixte entre hasard et volonté participe à mon envie de faire appel autant à la raison qu’à l’émotion.
Martine Hardy 2014
Exposition du 5 septembre au 13 octobre 2015
Vernissage le samedi 5 septembre de 18h30 à 21h.
Ouverture tous les jours de 11h à 19h jusqu’au 27 septembre et de 11h à 18h à partir du 28 septembre.