Lauréat de la bourse Révélations EMERIGE en 2016 et toute nouvelle recrue de la galerie Michel Rein (Paris/Bruxelles), Edgar Sarin investit aujourd’hui les petites galeries du centre d’art.
« Ici : symphonie désolée d’un consortium antique » est composée comme une œuvre unique qui s’amplifiera par mouvements successifs au cours de l’exposition. Cette grande pièce évolutive est révélatrice de la manière dont l’artiste s’approprie un espace pour peu à peu l’habiter, jusqu’à le repeupler complètement d’une faune caractéristique extraite de son univers plastique et poétique.
Edgar Sarin crée des installations associant le langage et la musique aux objets trouvés les plus simples comme aux métaux les plus précieux. Il taille la pierre, sculpte le bois, compose des partitions, met en scène des gestes et des situations, évoquant ainsi parfois – bien que de manière anachronique – le concept d’œuvre d’art totale.
Chaque exposition est pour lui une nouvelle occasion de remettre en question son travail et la notion même d’exposition, qui n’est pour lui qu’un point de départ, un médium. S’appuyant sur des intuitions, des accidents et des rencontres avec des objets et des matériaux, l’artiste reconstruit un écosystème minutieusement pensé, ayant sa propre mécanique interne au sein de laquelle tous les éléments entrent progressivement en intime harmonie pour faire œuvre.
La méthode de recherche et de création d’Edgar Sarin, aussi approfondie que raisonnée, tend également à la simplicité grâce à une extrême économie de moyens. Cette procédure repose par ailleurs considérablement sur le lieu à habiter. L’espace d’exposition est davantage conçu comme un lieu de travail, un espace permanent de création et de production qui est livré au regard, au corps et à l’expérience du visiteur.
Les composantes de l’œuvre, rejoignant peu à peu la place que l’espace leur réserve, s’imposent par leur nature proprement physique, entraînant une reconfiguration du lieu ainsi mis en usage. Le visiteur ou la visiteuse est la part humaine de cette écologie créatrice à laquelle elle ou il est indispensable : sa présence et son action consacrent l’œuvre en tant qu’espace fonctionnel.
Ici, le geste d’Edgar Sarin orchestre la respiration d’un univers foisonnant, en évolution vers son équilibre.
Éléments biographiques
Edgar Sarin est né en 1989 à Marseille. Après une formation d’ingénieur, il commence à s’assumer en tant qu’artiste et organise ses premières expositions dans des cages d’escaliers.
Son œuvre ne peut être envisagée sans la notion de destinataire ; chacune de ses œuvres, chacune de ses expositions est dirigée vers un individu, un groupe d’individus ou une situation.
Le geste transcende ici la technique, au sens qu’Edgar Sarin a une production plastique (disciplines diverses), mais construit cette œuvre en cohérence avec une production littéraire et musicale ; il considère ce tout comme un geste exhaustif suffisant et nécessaire. Celui-ci est fondé sur une dialectique confrontant un système de création évolutif et additionnel mis à la portée du spectateur alors même que lui sont souvent soustraites les œuvres dans leur apparence physique. Cette poétique du secret, reposant en partie sur l’inaccessibilité de l’œuvre, implique également la construction d’une histoire par anticipation de l’œuvre d’art, dont la vie future fait l’objet d’une planification à plus ou moins longue échéance.
Il lance en 2014 la revue « l’Antichambre de la substance rayonnante » qui devient « Le Geste nécessaire » en 2017. Il dirige par ailleurs le Cercle de la Horla, société de réflexion par l’exposition qu’il crée en 2015, avec laquelle il organise des expositions collectives à Paris et à New York.
En 2016, Edgar Sarin est lauréat de la bourse Révélations EMERIGE. En 2017, il présente deux expositions personnelles à la galerie Konrad Fischer (Düsseldorf / Berlin) et à la galerie Michel Rein (Paris / Bruxelles).
L’année 2017 d’edgar sarin
Depuis qu’il a remporté le prix Révélations EMERIGE en 2016, Edgar Sarin a déjà présenté en 2017 deux expositions personnelles à la galerie Konrad Fischer de Berlin et au Collège des Bernardins à Paris. Pour la même année, il prépare deux nouvelles expositions : un projet pour le de Tours, ainsi qu’une présentation de ses travaux à la galerie Michel Rein à Paris.
Ces projets d’expositions, tous différents, permettent néanmoins de cerner le personnage, de comprendre ce dont il se nourrit, et d’entrevoir la conception esthétique vers laquelle il tend avec cohérence. Chaque projet d’exposition est à imaginer comme un concept duquel découlent de multiples ramifications qui toutes convergent vers la compréhension d’une œuvre centrale.
Lors de son exposition à Berlin, « Hierarchisch angeordnete Edelgesteine, dreizehn » (Konrad Fischer Galerie, 3 mars – 13 avril 2017) – ou « Les Treize joyaux hiérarchiquement ordonnés » – Edgar Sarin remodèle un concept qu’il a développé plus tôt, celui des Concessions à perpétuité, œuvres que le collectionneur n’est autorisé à ouvrir qu’à la mort de l’artiste.
À Berlin, l’exposition est organisée en cohérence autour d’un objet central composé de treize coffres de bois. Préalablement enterrés en forêt dans un endroit tenu secret, ils sont déterrés et acheminés à la galerie par l’artiste le jour du vernissage. À l’issue de l’exposition, les coffres sont de nouveau dissimulés. L’acquéreur de la pièce ne conserve qu’un substitut symbolique prenant la forme d’une sculpture en bois qu’il échangera au terme de cent années contre la restitution de l’œuvre véritable.
Au sein de l’exposition de la Konrad Fischer Galerie, cette œuvre composée des treize coffres a pris place dans un environnement constitué de divers objets et sculptures.
Pour son projet développé à Paris au Collège des Bernardins et placé sous le commissariat de Gaël Charbau (« Un minuit que jamais le regard, là, ne trouble. », 31 mars – 20 juillet 2017), Edgar Sarin organise une expérimentation collective qui s’apparente d’une certaine manière à une réflexion par l’exposition, développée par ailleurs avec le Cercle de la Horla.
L’exposition fonctionne selon un protocole mis en place par l’artiste et visant à s’enfermer avec « un échantillon de population » pendant quarante-cinq minutes chaque semaine. Ces « minuits », moments qui restent invisibles pour le spectateur, permettent de recon gurer accidentellement l’espace à partir des objets qui s’y trouvent et qui constituent « une panoplie élémen- taire de matériaux et d’idées ».
Le lieu, atelier de production et espace de réflexion, est un incubateur où l’exposition est renouvelée seize fois, sous l’e et d’une recherche d’harmonie politique au sein d’un groupe humain enfermé dans un espace artificiel. Les archives et documents relatifs à ces « minuits » sont à présent secrètement préservés et seront restitués dans un siècle au Collège des Bernardins.
S’inscrivant très souvent sur un temps long, le travail d’Edgar Sarin s’écarte de l’immédiateté de l’ère du temps pour s’incarner dans un cycle vivant lui permettant de se renouveler et de se réinventer. Le mélange d’installation, de poésie, de dessin, de sculpture, de musique et de gestes est toujours organisé par le langage qui tient un rôle central dans cette esthétique. À l’avance, l’artiste écrit les règles du jeu propres à chaque projet ou à chaque exposition. Ces protocoles visent toujours à structurer la matière première des accidents et des réflexes vers une forme d’harmonie.