Une documentation sur les actions de ArtLeaks ; Art Workers’ Coalition ; Économie solidaire de l’art ; Front des artistes plasticiens ; Global Ultra Luxury Faction ; Guerrilla Girls ; Haben und Brauchen ; KURS ; Temporary Services ; Working Artists and a Greater Economy
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En 1969, la création de l’Art Workers’ Coalition reposait sur la critique du fonctionnement d’un monde de l’art qui concentrait les pouvoirs dans les mains de quelques-uns au détriment des travailleur·euse·s qui en étaient à la base.
Cinquante ans plus tard, cette critique reste plus que jamais d‘actualité alors que la liste des collectifs qui l’ont portée ne cesse de s’allonger.
Au fil de cette histoire se dessinent des images plurielles de l’activisme à rebours des figures éculées du créateur individuel, détaché des conditions matérielles ou héros engagé.
C’est aux contenus et aux formes de ces mobilisations que cette exposition s’intéresse.
La question économique y est évidemment centrale et celle de la rémunération régulièrement posée.
Pendant les deux dernières décennies, plusieurs analyses des évolutions du capitalisme ont pourtant fait le « portrait de l’artiste » en champion de la flexibilité et du travail intermittent (1).
Tandis que les ouvrier·ère·s luttent pour l’amélioration des conditions matérielles qui leurs sont imposées, la « critique artiste » réclamerait une autonomie et une liberté créatrices appelées à être généralisées dans tous les secteurs de la société (2).
Ce partage strict des revendications politiques entre, d’une part, les demandes d’émancipation, d’extension des libertés individuelles et, d’autre part, celles qui touchent à l’amélioration des conditions matérielles collectives de vie et de travail, a contribué à maintenir dans l’ombre les luttes que nous avons choisi d’exposer.
La question du travail dans le domaine artistique y apparaît davantage comme une plateforme où les différentes revendications se rejoignent. Outre les conditions matérielles directement ciblées, cette question ouvre largement sur les problématiques autant féministes que postcoloniales, en soulevant, depuis le début les problèmes des discriminations d’accès et de salaires ou, plus récemment, celui de la division internationale du travail. En mettant ainsi en cause l’ensemble des maillons de la chaîne de l’art, le militantisme de nombreux collectifs participe pleinement d’une histoire de la critique institutionnelle qui continue de s’écrire.
Entre la fin des années 1960 et aujourd’hui, les modes d’action documentés permettent de souligner des constantes, telles que le recours à la manifestation, la production d’images à portée immédiate ou l’édition de divers supports textuels pour interpeller et informer.
Ils montrent également le renouvellement des moyens à l’heure des projections vidéo et des « e-blasts » diffusés sur la toile. Ce corpus de formes visuelles, dont le statut est parfois difficile à déterminer, interroge l’articulation entre art et militantisme.
Le choix de l’action directe correspond mal à une conception et une histoire autorisées de l’activité artistique comme production de formes esthétiques légitimées par les acteurs du monde l’art.
Ce choix implique souvent l’utilisation de matériaux peu coûteux, facilement transportables et rapidement diffusables. On observe dès lors comment les répertoires d’actions collectives se partagent aisément d’un champ de la contestation à un autre, bousculant l’idée que le domaine artistique pourrait être séparé.
Nous remercions l’ensemble des collectifs pour les documents qu’ils nous ont transmis ainsi que Setare Arashloo et The Illuminator.
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(1) Pierre-Michel Menger, Portrait de l’artiste en travailleur. Métamorphoses du capitalisme, Paris, Editions du Seuil, La
République des Idées, 2002.
(2) Luc Boltanski, Eve Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Editions Gallimard, 1999.
Infos pratiques
Horaires d'ouverture
Du mardi au samedi de 14h à 18h. Fermé dimanches et jours fériés.