Réunissant des dessins à l’encre de Chine et à l’aquarelle, l’exposition présente une galerie de portraits et de paysages urbains ou natures mortes en noir et blanc et en couleur.
Jeune diplômée de l’École des Beaux-Arts de Paris en 2015, Christelle Téa a déjà exposé son travail mais l’ensemble réuni pour l’occasion sera l’opportunité de découvrir un univers à travers un trait déjà bien affirmé, et par le regard aiguisé de l’artiste sur l’humain et son environnement.
La question du titre de l’exposition est venue naturellement en voyant les compositions de chaque portrait : centré sur une large feuille blanche format raisin, un visage apparaît, puis un corps, en pose de manière très classique, retrouvant ici les portraits de commande, avec, – cernant l’homme ou la femme observé – ce qui les caractérise ou ce qu’il/elle a envie de montrer dans un foisonnement vertigineux.
Le portrait devient source de recherches sémiotiques, sociologiques, mettant en avant une profession, une passion, l’humain devenant l’objet parmi l’objet, comme s’il se fondait dans cette masse inanimée (livres, meubles, tapis, Cd, etc.) qui le définit par défaut.
Le trait est uniforme entre le modèle et ce qui l’entoure, pas de limite, pas de différenciation entre l’animé et l’inanimé, tout vient sur un même plan, une équivalence, une valeur similaire. Une symbiose semble opérer.
Le traitement du dessin directement à l’encre de Chine sans croquis préparatoire, sans filet, obligeant l’artiste à recommencer sur une nouvelle page blanche si elle n’est pas satisfaite est de l’ordre de la performance.
Les traits sont minutieux, infinis, petits, serrés, comme sortis du laboratoire d’un scientifique qui vous scruterait au microscope. L’œil de Christelle Téa est agile, se fait inquisiteur mais avec bienveillance, parfois une question fuse pendant la séance, parfois un mot réveille le modèle qui découvre l’art de la pose.
Quoi donner à l’artiste qui nous regarde ? La perfection, le doute, la rêverie, le meilleur de soi, jusqu’à baisser les armes, pour qu’elle arrive à capter ce qui fait l’âme d’un portrait. Reviennent alors en mémoire des questions à propos des portraits anciens, du rapport de l’artiste au modèle, de l’art du dessin, de la fugacité du moment de la pose qui va donner malgré tout au portrait son intemporalité.
Le dessin, le portrait sont des arts millénaires, alors comment un artiste d’aujourd’hui – à l’époque des selfies ! – peut en faire son propre moyen d’expression moderne, renouvelant cet art ?
C’est aussi l’accumulation des portraits qui donne au travail de Christelle Téa sa singularité.
Densité, toujours.
Que l’on retrouve dans des dessins réalisés en Chine (pays d’origine de sa famille) lors d’un voyage en 2014 où elle a immortalisé entre autre ce qu’elle découvrait, en particulier les marchés et les hutongs (ensemble constitué de passages étroits et de ruelles de l’époque des Yuan, à Beijng principalement), aujourd’hui détruits ou en voie de disparition.
On y retrouve le même art de l’observation, du trait jusqu’à l’épuisement, sans ombre marquée, où tout semble en flottement. Une autre manière de portraiturer.
L’art de cette jeune artiste nous amène à flotter au-delà de notre réalité, comme si nous émergions d’un univers blanc et pur, où chaque moment se réinvente.
Le portrait est peut-être une façon de faire le point, notre introspection, guidé par l’artiste.
Nathalie Béreau, mars 2016