L’exposition « Paysages emblématiques » présente un large ensemble de dessins d’Olivier Nottellet et de gravures de Jacques Callot (1592-1635) issues de deux recueils emblématiques : Lux Claustri (1629) et Vita beatae Mariae Virginis (1628). Les gravures du dix-septième siècle confinées à l’abri de la lumière dans les cabinets d’estampes en sortent généralement pour des expositions de type monographique ou historique qui classent les oeuvres en termes d’appartenance à un mouvement artistique, d’influence stylistique, de généalogie chronologique.
À rebours de ce modèle chronologique traditionnel, l’exposition présentée à La Box adopte un principe d’analogie formelle. Elle juxtapose dessins et gravures sous la forme d’une ligne d’horizon continue faisant apparaître des ressemblances entre les œuvres que quatre siècles séparent.
La rencontre anachronique et analogique des œuvres anciennes avec les dessins contemporains anime la force poétique et évocatrice que possèdent les gravures laconiques et énigmatiques de Callot et qui excède le sens codifié des gloses explicatives et moralisantes accompagnant les images dans les recueils d’emblèmes.
Inversement, les gravures de Callot exaltent par contiguïté la dimension emblématique des dessins d’Olivier Nottellet : mobilier administratif, réseaux géométriques, flux liquides, échafaudages et corps morcelés orchestrant un monde tendu entre ténèbre et lumière, équilibre et désordre.
Olivier Nottellet
Diplômé de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Metz, sa pratique d’un dessin, qui passe du carnet au format monumental, interroge l’espace et le moment particulier où les choses hésitent entre visibilité et compréhension. Objets et vidéos viennent parfois alimenter ses installations pour interroger le rapport entre réel et possible.
Il expose régulièrement ; on notera une double exposition monographique au centre d’art Le BBB de Toulouse et à la Chapelle Saint Jacques de St Gaudens (2015), une commande spécifique pour la cité de la tapisserie d’Aubusson (2015), sa participation à la 30e Biennale d’art contemporain de São Paulo (2012). Il a également bénéficié d’une bourse de recherche du Fiacre à New York en 2007.
Après avoir été directeur des études aux Beaux-arts de Toulouse de 2001 à 2008, il rejoint l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon en tant que professeur de dessin.
Michel Weemans est historien de l’art et commissaire d’exposition. Il enseigne à l’ENSA de Bourges. Ses travaux portent sur l’art néerlandais et sur l’herméneutique de l’image à la Renaissance. Il a été co-commissaire de l’exposition Une image peut en cacher une autre (Paris, Grand Palais, 2009) et Fables du paysage flamand. Bosch, Bles, Brueghel, Bril (Lille, Palais des Beaux-Arts, 2012–2013). Il a publié notamment : Herri met de Bles. Les ruses du paysage au temps de Bruegel et d’Érasme, Hazan, 2013. Prix 2014 du Cercle Montherlant-Académie des Beaux-Arts ; Imago Exegetica. Visual Images as Exegetical Instruments (sous la dir. de W. Melion, J. Clifton, M. Weemans), Brill, 2014, The Anthropomorphic Lens. Anthropomorphism, Analogy and Microcosmism in Early Modern Art and Literature (sous la dir. de M. Weemans, W. Melion, B. Rothstein), Brill, 2014 ; Images doubles. Pièges et révélations du visible (sous la dir. de M. Weemans, J.-H. Martin et D. Gamboni, à paraître, Hazan, automne 2015). Il prépare actuellement un livre sur Pieter Bruegel.
Jacques Callot
Jacques Callot (1592-1635), dessinateur et graveur lorrain, est l’un des plus grands artistes de son temps aux côtés de Claude Gellée et Georges de La Tour. Parmi ses œuvres les plus célèbres figurent sa série d’eaux-fortes Les grandes misères de la guerre évoquant les ravages et les violences de la Guerre de Trente ans, la série des Gueux, celle des Gobbi, ou encore sa Tentation de Saint Antoine. Ses gravures influencèrent de nombreux artistes de Rembrandt à Goya et des écrivains comme Flaubert, Baudelaire et E.T.A. Hoffmann qui publia des Fantaisies à la manière de Callot. Ses recueils Lux Claustri et Vita Beatae Mariae sont considérés comme deux chefs-d’œuvre des emblèmes destinés à « nourrir le cœur, l’intellect et l’imagination » (Mario Praz).
« Il y a des qualités dans l’art de Callot qui font que l’on revient sans cesse à ses gravures, qu’on les contemple avec une admiration fascinée et stupéfaite, mi-amusée, mi-horrifiée (…) Il n’y a rien qui leur ressemble tout à fait. » (Aldous Huxley).
Agnès Guiderdoni
Agnès Guiderdoni est chercheur qualifié du Fonds National de la Recherche Scientifique (Belgique) et professeur à l’Université catholique de Louvain, où elle co-dirige le Centre d’analyse culturelle de la première modernité (GEMCA). Elle est spécialiste de littérature française du XVIIe siècle et travaille plus particulièrement sur la littérature emblématique et la pensée figurées au début de la période moderne. Une monographie est à paraître chez Garnier fin 2015, La figure emblématique. 1540-1740.