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10 janvier 2022

Flonivan Graveuse

Flonivan Graveuse depuis plus de 40 ans, se voit décerner depuis cette fin d’année 2021 quelques prix pour son travail -(Prix des ateliers Moret à l’exposition des artistes Orléanais — 2021 et prix du public à Meung sur Loire à l’occasion de la biennale d’art contemporain, Traces et Formes — 2021).

Florence Nivan – Gravure Eau Forte – CAPHARNAUM – IMBROGLIO – 2020 – 30x50cm

 

Ce n’est pas un manque de travail ni la qualité de ses œuvres qui font qu’elle se voit enfin reconnaître ses qualités « d’artiste ».
Mais c’est parce qu’elle se dévoile enfin aux yeux du public et des galeries sans en attendre de reconnaissance.
Et c’est parce qu’il n’y a plus rien à attendre, que c’est avec détente qu’elle nous fait découvrir la gravure.

Elle en a mis de l’énergie et des combats dans ce drôle de monde, qu’est l’art contemporain.
Pas de place pour cette grande dame au travail acharné.
Trop peu sûr d’elle, trop introvertie, jamais comme il faut, jamais à la bonne place.
Parce qu’il est difficile dans un monde capitaliste de se frayer un chemin, quand on est une femme, à fortiori, issue de la classe laborieuse.

Et même si la grande famille de l’art contemporain ne la connaît pas, Flonivan n’aura jamais attendu sa reconnaissance. Ainsi elle traduira son émotion, sa vie de femme, sa vie de mère dans ses œuvres tout au long de sa carrière.

Elle questionne par ses propres symboles, la société. Elle nous emmène dans ses endroits à elle, dans son imaginaire tantôt mélancolique, tantôt coloré par des bourrasques d’acryliques qui viennent recouvrir quelques pans de ses tableaux. Elle met en scène son imaginaire pour nous délivrer quelques messages délicats.
Dans chacune de ses gravures, elle raconte une histoire.

Florence Nivan – Gravure Eau Forte – Amour – 2018 – 25x30cm

 

Aujourd’hui, c’est l’histoire de Flonivan, qui raconte naïvement, comme une élève sortie des beaux arts, son aventure parisienne aux ateliers Moret.

 

Julia Nivan

Escapade, vers un atelier renommé

Le 30 septembre 2021 à 14h aux Ateliers Moret, 8 rue St Victor 75005 à Paris.

Au bout d’un escalier aux marches inégales, j’ai cogné à une porte sans réponse. Je me suis demandé si j’y étais. Assise sur un bord de marche, j’ai attendu bien sagement comme une petite élève. Je me suis dis qu’ils devaient être en retard, dans le milieu artistique c’est souvent le cas, on prend le temps de vivre. J’étais là, bien humble, avec la plus grande gravure que j’ai pu faire de ma vie, enfermée dans une belle sacoche à dessin toute neuve. Complexée, comme d’habitude, pas sûre de moi du tout. Et puis, ils sont arrivés à 2, une jeune femme stagiaire Mila Gomez et Didier Manonviller, responsable de l’atelier, un bonhomme imposant et réservé.

 

 

Tout s’est fait simplement. Une belle lumière d’automne filtrée par de grandes et vieilles fenêtres. Un atelier dense, riche d’œuvres d’artistes accrochées en tout sens, en tous styles, en haut, en bas…
Deux presses imposantes, des grandes tables chargées d’épreuves.
Lui, s’est mis dans son rôle. Il a commencé par nettoyer ma plaque en zinc gravée dans un bain d’eau, la rincer puis la sécher avec un chiffon doux.

 

 

Il a mis à tremper le papier destiné à être le futur Bon à Tirer (autorisation de l’artiste pour faire faire les tirages).

L’impression de ma plaque :
L’encrage de la plaque a été fait au rouleau, puis il a enlevé le trop d’encre à l’aide d’une petite raclette très souple.
L’essuyage a été fait avec de la tarlatane, en plusieurs fois, avec des gestes précis, faciles. Ensuite, avec un papier fin et pour finir à la paume de la main avec du blanc de Meudon. Il a essuyé le papier mouillé pour stabiliser l’humidité.
Il a placé ma plaque sur la presse, posé le papier dessus et rabattu les langes (couvertures spéciales pour adoucir la pression des rouleaux et faire pénétrer le papier humide dans les creux de la plaque).
Un dernier tour de clé, pour régler la pression des rouleaux de la presse. Et le premier tirage se faisait.

 

 

II a soulevé la feuille de papier pour apercevoir le premier tirage.
Je suis surprise par la netteté des noirs. Je lui demande timidement s’il pouvait obtenir des blancs plus forts et il s’est attelé à un deuxième tirage en baissant la pression de sa presse.
Il était d’une grande gentillesse, d’un calme rassurant. Moi qui étais tellement mal à l’aise au début, plus le temps passait dans cet atelier, plus je me sentais à ma place. Je serais bien restée plus longtemps.
Et ce jour-là que J’ai signé pour la première fois de ma vie un BAT (Bon à tiré). Je suis habituée à faire mes tirages moi-même, alors faire faire un tirage par un professionnel…
Après être sortie de l’atelier, je me suis retrouvée dans la rue, toute étourdie de ce foisonnement de détails, de rapidité, de précisions dans les gestes…
J’étais Fière, tout simplement.

Flonivan