À l’occasion du festival Désir… Désirs, Eternal Gallery accueille une exposition inédite de Soufiane Ababri.
Désir… Désirs* donne une visibilité aux questions relatives à la sexualité, au corps et au genre au travers des arts. Dans le cadre de cette édition 2017, le festival a pour thème « Haram », l’interdit en arabe.
Soufiane Ababri
est né en 1985 à Tanger. Diplômé de l’École nationale des arts décoratifs de Paris, il a déjà participé à de multiples expositions, par exemple au MAC/VAL à Vitry-sur-Seine, à l’Institut Français d’Amsterdam, ou encore à Bétonsalon à Paris…
Le travail de Soufiane Ababri découle d’une « autobiographie de groupe », au sens où l’artiste pratique une décontraction identitaire au profit de l’écriture d’une histoire commune, s’appuyant sur le Maghreb, l’Afrique, l’homosexualité, le post-colonialisme, et qui met en lumière l’influence de la violence sur les formes de l’Histoire de l’art, sur les identités culturelles, sur les comportements touristiques…
Il met régulièrement en relation culture visuelle et revendications identitaires, notamment par l’utilisation d’images volées.
On peut en effet parler d’un art « appropriationniste ». Quand il exploite des archives, des enregistrements de sa famille, des clichés cinématographiques, des peintures, des coupures de presse, ou même quand il photographie des passants sans leur consentement, son intention est de les réinscrire dans une histoire qui, souvent, s’est construite sans eux. Son geste est en marge, non autoritaire, avec la volonté de ne maîtriser aucun médium.
Bed Works
Pour Eternal Gallery, Soufiane Ababri présente un corpus de dessins, initié en 2015, les Bed Works, où il s’approprie des images d’œuvres, des scènes de rue, des photographies de presse, des scènes intimes, suivant un protocole : dessiner aux crayons de couleur allongé sur son lit.
La position inconfortable donne alors des dessins apparemment exécutés avec maladresse. Leur facture faussement naïve lui permet d’aborder des sujets – le sexe anonyme, les icônes gayes, les rapports de domination, l’exotisme post-colonial – avec tantôt la légèreté tantôt la cruauté d’un enfant.
Rosir les joues et allonger les cils d’un garçon baraqué, croqué dans une chambre d’hôtel, dévitalise sa virilité, le rend plus humain ou le ridiculise, mais surtout pulvérise son désir de domination.
Par le moyen de l’érotisation et de la sexualisation généralisée du corps, c’est le plaisir qui annihile l’oppression, c’est le corps revendiqué qui annule le corps soumis à l’ordre social, et permet à une nouvelle subjectivité d’émerger
Didier Eribon, Une Morale du minoritaire, Variations sur un thème de Jean Genet, Fayard, Paris, 2001)
Une autre œuvre appropriationniste est produite pour l’exposition.
À l’étage d’Eternal Gallery, l’artiste pose un geste simple : doter les fenêtres de rideaux. À première vue, il s’agit de tissus à motifs psychédéliques. Quand on y regarde de plus près, on voit des images qui ont été démultipliées.
L’une est une miniature persane du XIIIème siècle présentant deux hommes chacun sur un chameau et s’embrassant.
La deuxième reprend une photographie de Warhol qui a servi pour l’affiche du film Querelle de Fassbinder, deux garçons s’enlacent et font le même geste de la langue qui se dresse.
Si ces images ont été réalisées sur deux continents distincts et avec plusieurs siècles d’écart, elles participent tout de même à l’écriture d’une histoire queer. Mais, Appropriées, décontextualisées et dédoublées, conservent-elles leur puissance d’évocation ou sombrent-elles dans le décoratif ? Là encore, un médium modeste, domestique et donc anti-viril, affirme une posture de l’artiste docile, sinon même passif.
Éric Foucault, commissaire de l’exposition.
*Le festival Désir… Désirs est organisé par les cinémas Studio et se tiendra du 1er au 7 février 2017
Informations pratiques
Entrée libre.