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Du 01 au 07 Fév 2017

Désir… Désirs

Catégorie :

37 Indre-et-Loire

Festival de cinéma, 24ème édition.

Organisé par :

les Cinémas Studio

Adresse :

les Cinémas Studio 2 rue des Ursulines 37000 - Tours

Fichiers liés :

Édito de l’équipe

Le monde arabe n’a jamais été si fascinant, n’a jamais été autant d’actualité, tant ses paradoxes et ses évolutions récentes sont considérables. Se pencher sur sa production cinématographique et artistique grâce à un thème transversal a donc fait l’unanimité au sein de l’équipe. « Haram », l’interdit, qu’il soit issu de la morale religieuse ou politique, incite souvent à sa transgression, et quoi de plus excitant que d’en explorer ses limites ?

La mer Méditerranée sépare le monde occidental du monde arabo-musulman, si différents et pourtant si proches à l’heure de la mondialisation. Ces deux espaces tissent des liens toujours plus proches, de par leurs flux migratoires, leurs héritages ou leurs liens économiques. Nous essaierons ainsi de comprendre comment et pourquoi des tensions autour des questions de sexualité, de genre et de désirs demeurent vives, notamment après les révolutions arabes qui ont tant ébranlé la situation géopolitique du monde.

Si Much Loved et son actrice principale, Loubna Abidar, ont reçu un accueil plus que chaleureux en France, pour l’audace et la gravité de son regard quasi documentaire sur la prostitution, Out Loud – Crie-le haut et fort, premier film gay libanais, surprendra par le souffle de liberté presque onirique qu’il transmet. Preuves d’un fort engagement politique en faveur des droits humains, ces deux longs-métrages remettent en question nos conceptions du fonctionnement de nos sociétés. La romancière franco-marocaine et Prix Goncourt 2016, Leila Slimani, sera l’une des invités d’honneur du Festival qui nous permettra de dessiner les enjeux actuels des sociétés arabes.

Ouvert sur la ville, le festival Désir… Désirs ira, du mercredi 1er février au mardi 7 février 2017, investir de nombreux espaces culturels tourangeaux et désormais blésois. Nous retrouverons donc avec enthousiasme nos partenaires, fidèles et passionnés, pour partager avec vous cet événement, pour favoriser sa découverte sous des formes artistiques variées. Loin d’être interdits, nous espérons que les moments d’échanges seront vastes, provocants, attachants, lors des avant-premières, des rencontres avec les invités, ou des débats, formels et informels.

L’équipe du festival Désir… Désirs

Edito de l’invitée, Rita el Khayat

Nous pouvons considérer aujourd’hui que le problème majeur au Maghreb reste celui de l’amour et de l’affection. La pudeur apposée dans ces domaines impose un grand refoulement des pulsions instinctivo-affectives. La virginité étant sacralisée comme porteuse de l’honneur de la fille et de sa famille, toute forme de relations entre garçons et filles est interdite. Il n’y a de sexualité que dans le mariage. Tout le reste est Haram (interdit). C’est sous le pseudonyme de Tywa Lyne que j’ai rédigé La Liaison en 1994. Reçu comme une œuvre pornographique, il est aujourd’hui considéré comme l’un des premiers romans qui brisent le tabou de la sexualité féminine. Je voulais en faire un pastiche et j’ai fini par écrire franchement sur le corps de la femme :

Je me laissais transpercer par son regard et je pense qu’il m’a violée de ses yeux, là, à deux mètres de moi. Il ne m’a pas violée. J’étais consentante et je fis longuement, voluptueusement l’amour avec lui avec la certitude confondante qu’un jour il serait mon amant. Il avait la tristesse du visage d’un aristocrate anglais agonisant de la peste dans Venise offerte à la pestilence et à la mort. Et il gardera longtemps cet aspect de mendiant de l’amour, en réalité un mendiant incapable de dire merci et encore moins de recevoir un quelconque don.

Rita El Khayat : La Liaison. Casablanca : Editions Aïni Bennaï, rééd. 2006

Alors que l’hétéronormativité s’impose au Maghreb, quelle place donner à l’homosexualité ? L’hétérosexualité demeure en effet la seule forme de sexualité permise religieusement. Tout le reste est tabou et férocement combattu. Il y a encore quelques semaines, deux adolescentes marocaines ont été arrêtées pour « homosexualité », un crime passible de trois ans de prison au Maroc. C’est d’ailleurs la famille de ces jeunes filles qui s’est rendue au commissariat pour dénoncer des « soupçons » d’homosexualité. L’instauration d’un système démocratique représente donc une des clés à l’émancipation des femmes et des minorités, ce que les pays arabes et islamiques ne veulent pas ou ne peuvent pas appliquer.

Rita el Khayat

Femme de lettre marocaine et psychiatre de formation, Rita el Khayat est l’auteure d’une trentaine de romans et essais autour des questions de désir et des rapports homme/femme dans les sociétés arabes. En 2008, elle fait le portrait des femmes maghrébines émigrées à Paris avec son essai  Les « Bonnes » de Paris. Cette même année, elle est candidate pluri nominée au Prix Nobel de la Paix. Rita el Khayat est également administratrice du Festival International du film de Marrakech.