COMMUNIQUÉ
Statuts des enseignants en école d’art : la coupe est pleine
Le 19 décembre 2016
La Direction générale de la création artistique (DGCA) du ministère de la Culture et de la Communication a réuni, le mercredi 14 décembre 2016, l’ensemble des directeurs des écoles supérieures d’art, en invitant chacun à venir accompagné d’un enseignant et d’un étudiant. À cette occasion, un projet de transformation statutaire dédié à une catégorie exclusive de professeurs nous a été présenté, qui met gravement en danger nos écoles.
Le réseau national des écoles supérieures d’art est constitué de deux types d’établissements : 35 écoles territoriales, pour la plupart des Établissements publics de coopération culturelle (EPCC) créés avec l’État, et 10 écoles nationales, qui sont des Établissements publics administratifs (EPA). Les premières relèvent de la fonction publique territoriale et sont essentiellement financées par les villes et métropoles, les secondes sont directement régies par l’État.
Bien que conduisant aux mêmes diplômes nationaux, l’enseignement proposé par ces deux types d’établissements y est dispensé par des enseignants ayant deux statuts distincts, avec des écarts de temps de travail, de salaire et d’évolution de carrière importants et largement défavorables aux professeurs des écoles territoriales. Le statut de ces derniers est en outre incompatible avec le fait que le diplôme délivré confère le grade de Master – ce qui a été identifié à plusieurs reprises comme une anomalie par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) et le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES).
Depuis qu’un premier écart statutaire a été introduit en 2002 par l’évolution du seul statut des enseignants des écoles nationales, les organisations professionnelles et syndicales, en particulier l’ANdEA et la CNEEA, demandent que le statut des enseignants des écoles territoriales soit revalorisé et que soit comblé un écart injustifiable. L’obtention du grade de Master puis le rapport exigé sur cette question précise du statut des enseignants en 2013 par la loi Fioraso sur l’enseignement supérieur, qui a été remis au Parlement par le Gouvernement, ont ensuite rendu inévitable la réforme du statut des enseignants des écoles territoriales pour qu’il soit en accord avec la législation. En 2015, lors des Assises nationales des écoles supérieures d’art, la ministre Fleur Pellerin promit publiquement que ce serait une priorité, et cette année, dans le cadre du projet de loi de finances, Audrey Azoulay s’est elle aussi engagée à mener cette réforme en 2017. Tout est prêt pour cela et l’on peut désormais s’appuyer sur des travaux qui envisagent plusieurs scénarios et en évaluent les impacts et les conditions de faisabilité, notamment financières.
C’est dans ce contexte historique qu’il faut resituer la réunion du mercredi 14 décembre, pour en mesurer la violence et la portée des annonces. M. Philippe Belin, sous-directeur de l’emploi et de la formation, y a présenté des propositions très avancées, visant à faire encore évoluer le statut des enseignants des écoles nationales, avec une actualisation des grilles indiciaires s’inspirant de celle du corps de l’Inspection de la création et un temps de service annualisé qui pourrait être de 384 heures. Il a par ailleurs indiqué que cette revalorisation pourrait être ensuite complétée par un alignement sur le statut des professeurs des écoles nationales d’architecture, comme le demandent certains enseignants des écoles nationales d’art.
Mais aucune proposition n’a été faite pour les enseignants de la fonction publique territoriale. Si une telle évolution statutaire était entérinée, ce serait ainsi la deuxième puis la troisième fois que le statut des professeurs nationaux serait réévalué sans que celui des territoriaux ne soit pris en considération. Ce dernier resterait encore une fois inchangé, calibré sur la grille de professeur certifié du secondaire, avec un temps de service non annualisable de 16 heures hebdomadaires (soit 512 heures annuelles).
C’est toute la communauté des écoles d’art qui est aujourd’hui secouée par des choix politiques qui laissent sur le bord du chemin 80% des enseignants des écoles d’art – puisque telle est la part des professeurs territoriaux. Comment imaginer qu’une réforme, qui n’a pu aboutir avec un écart de traitement des enseignants de l’ordre de 5% à 10% pour un coût annuel de l’alignement estimé à 10 millions d’euros, puisse aujourd’hui trouver une issue, si la marche à franchir devient incomparablement plus grande et alors que tous les acteurs publics sont contraints dans leurs ressources ?
Au-delà de l’indignation soulevée par la démarche, de la stratégie de division et de la création d’un enseignement à deux vitesses, c’est avec beaucoup d’ignorance ou de mépris pour le droit et ses propres obligations que l’État pose aujourd’hui les conditions d’extinction d’une offre publique d’enseignement supérieur en art et design sur le territoire national. Comment ne pas voir en effet qu’en agissant ainsi le ministère met en péril les 35 écoles territoriales, dont le statut des enseignants n’est ni conforme au diplôme délivré ni adapté à l’activité de recherche ? Pourtant, l’État est tout autant que les collectivités territoriales membre fondateur des EPCC et donc solidairement engagé et responsable de leurs personnels comme il l’est de ses propres agents.
Nous ne pouvons tolérer que la communauté des écoles territoriales soit à nouveau laissée pour compte et bercée de l’illusion que le statut de ses enseignants suivra celui des écoles nationales.
Nous demandons donc qu’immédiatement des propositions soient faites aux collectivités territoriales, aux associations de professionnels et aux syndicats pour la revalorisation du statut des enseignants des écoles territoriales, qui doit être la priorité absolue du ministère de la Culture dans les mois à venir.
Alors que l’État est attendu dans sa mission régalienne de préservation de l’équité et de l’accès de tous au service public et à l’enseignement supérieur, d’attention aux équilibres territoriaux et de péréquation, il devra assumer, s’il poursuit dans la voie annoncée, la lourde charge d’une liquidation programmée de nombreux établissements et d’une paupérisation des territoires.
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L’ANdEA – Association nationale des écoles supérieures d’art
Créée en 1995, l’ANdÉA fédère les écoles supérieures d’art sous tutelle du ministère de la Culture et de Communication. Ces établissements d’enseignement supérieur et de recherche délivrant des diplômes nationaux sont représentés au sein de l’ANdÉA par plus de 250 membres issus de toutes les catégories d’acteurs : directeurs, professeurs, étudiants, administrateurs, chefs de services. Mettant en réseau des écoles territoriales et nationales de toutes envergures et de tous les territoires, l’ANdÉA est une plateforme de réflexion, une instance de proposition et une force d’affirmation de la spécificité de l’enseignement supérieur artistique par la création. Elle défend un modèle de formation et de recherche singulier qui se caractérise par le primat de la référence au champ artistique contemporain, aux figures de l’artiste et de l’auteur et par une pédagogie fondée sur l’expérimentation, le jugement critique et le projet personnel de l’étudiant. L’ANdÉA entend plus largement contribuer au débat d’idées contemporain, en faisant valoir, à une époque où l’éducation et la créativité sont des enjeux politiques, sociaux et économiques de première importance, le modèle émancipateur des écoles supérieures d’art.
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