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15 mars 2016

Le projet de loi LCAP (relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine)

Le projet de loi Création, voté mardi 1er mars 2016 en première lecture au Sénat, précise les contours de la co-tutelle des écoles nationales d’art entre les ministères de la Culture et de l’Enseignement supérieur. Si les établissements sont satisfaits que la rue de Valois garde la main, l’Unef aurait préféré l’inverse.

Le projet de loi LCAP (relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine) intègre les novations de la loi Fioraso tout en permettant au ministre chargé de la Culture de conserver ses prérogatives », résume Maud Le Garzic Vieira Contim, coordinatrice de l’Andéa (Association nationale des écoles supérieures d’art).
Sur les 46 écoles supérieures d’art publiques, 35 sont territoriales et 11 nationales, qui attirent plus de 3.000 étudiants, contre 8.000 pour les territoriales. Ces dernières années, nombreux ont été ceux qui ont soulevé les nécessaires améliorations à apporter, notamment pour la lisibilité de ces cursus ou l’insertion professionnelle des étudiants.

Depuis la loi Fioraso, adoptée en 2013, les écoles d’art nationales sont sous co-tutelle des ministères de l’Enseignement supérieur et de la Culture, tandis que les autres écoles d’art restent sous l’égide de la seule rue de Valois.

« Dans les faits, cette co-tutelle sur les écoles nationales n’est pas encore mise en place ; le projet de loi LCAP va préciser les rôles respectifs des ministères de l’Enseignement supérieur et de la Culture, tout en listant les missions des établissements« , explique Maud Le Garzic Vieira Contim.

LA RUE DE VALOIS ACCRÉDITE TOUJOURS LES ÉCOLES
Dans la version actuelle de la loi LCAP, qui sera adoptée en première lecture au Sénat le 1er mars 2016, le ministère de la Culture continue d’accréditer seul toutes les écoles déjà sous sa tutelle, sauf en ce qui concerne les écoles nationales, où cela se fait conjointement avec le ministère de l’Enseignement supérieur.

« Nous craignons qu’une mainmise forte du ministère de l’Enseignement supérieur sur les écoles d’art ait pour conséquence une homogénéisation des formations avec celles des universités, avec, par exemple, des exigences inadéquates sur le profil des enseignants, lesquels sont essentiellement des artistes reconnus par le monde de l’art, des créateurs, des auteurs, qu’ils soient docteurs ou non, qu’ils aient même le bac ou non« , souligne la coordinatrice de l’Andéa.

Cet avis n’est pas partagé par l’Unef, qui regrette « la dichotomie entre les formations ne dépendant pas du même ministère, ce qui crée des inégalités entre les étudiants et rend les passerelles plus difficiles. » Cassandre Bliot, responsable des questions universitaires au bureau du syndicat étudiant, ajoute que, pour elle, « cette loi va à l’encontre de l’esprit de la loi Fioraso, qui allait vers plus de cotutelle. »

CRÉATION D’UN CNESER SPÉCIFIQUE AUX ÉCOLES D’ART
Un amendement gouvernemental prévoit de créer un Cneserac (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels). « Cette nouvelle instance est nécessaire. Si le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche exige une gouvernance par les pairs, nos pairs, ce sont les professionnels du monde de l’art« , argumente Maud Le Garzic Vieira Contim.

« Les écoles de la culture ont besoin, pour préserver leurs formations très particulières et pour structurer l’enseignement supérieur du ministère de la Culture, de posséder un lieu de discussion qui saura parler d’une seule voix au ministère de l’Enseignement supérieur et à son Cneser. Ce Cneserac n’enlèvera rien aux prérogatives du Cneser« , ajoute-t-elle.

Pour l’Unef, cette décision va vers « plus d’isolement des écoles d’art, qui sont dans une optique corporative, au détriment des étudiants« .

DES MISSIONS QUI RESTENT À PRÉCISER
Si l’Andéa est satisfaite des « principaux objectifs de la loi et du texte tel qu’il ressort de la première lecture« , un point de désaccord important subsiste : l’obligation de former à la médiation. « Le Sénat l’a sortie des missions optionnelles pour l’insérer dans la mission centrale, nous le réprouvons« , critique la coordinatrice de l’association.

Maud Le Garzic Viera Contim concède que « transmettre, apprendre à parler de son travail, est un élément important du cursus« , mais elle précise que la médiation culturelle « reste un métier à part entière, l’imposer aux étudiants relève d’une vision dévoyée de l’artiste à qui l’on donne les moyens de créer et que l’on forme, mais en lui demandant quelque chose d' »utile » en retour, en somme de jouer à l’animateur. »

La mission centrale des écoles d’art sera sûrement re-modifiée après le second passage, la recherche étant, elle, reléguée pour l’instant aux missions optionnelles.

Le projet de loi repassera devant le Parlement au printemps 2016.

 

« Par le présent projet de loi, le Gouvernement entend conforter le service public de la culture, tout en refondant l’intervention publique.

Le projet de loi est concentré autour de quatre priorités fortes :

La libre création des œuvres et la libre programmation des spectacles : le texte du gouvernement rappelle qu’elles sont des biens communs qui doivent être, à ce titre, mis à l’écart de choix de pure opportunité politique et garantis par la loi, et prévoit le cadre précis de la politique publique qui lui donne corps, en particulier au travers de la politique de labelisation.

Les nouveaux usages numériques : le texte modernise les relations entre acteurs des filières musicales et cinématographiques pour assurer leur meilleur équilibre et vise à favoriser l’accessibilité aux livres.

Les patrimoines : le projet de loi vise à conforter et moderniser leur protection en simplifiant le droit des espaces protégés, tout en le rendant plus intelligible pour les citoyens en consacrant la notion de Cité historique. Il ambitionne également de renforcer l’efficacité de la politique de l’archéologie, notamment préventive, et la légitimité de la protection du patrimoine archéologique.

Le projet de loi énonce enfin une ambition nouvelle pour l’architecture, en rappelant l’enjeu de la qualité architecturale, qui constitue le cadre de vie des Français.

Le projet de loi se divise en 4 titres.

Le titre Ier comporte les dispositions relatives à la liberté de création et à la création artistique. Il se divise en 5 chapitres.

Le chapitre 1er (articles 1 à 3) contient les dispositions relatives à la liberté de création artistique. Le Gouvernement propose notamment :
– de consacrer dans la loi le principe de liberté de création artistique, « qui tire sa force du principe constitutionnel de la liberté d’expression » (art 1er) ;
– de préciser les objectifs de la politique de soutien à la création artistique et la liberté de programmation artistique (art 2).

Le chapitre 2 (articles 4 à 10) est consacré au partage et à la transparence des rémunérations dans les secteurs de la création artistique. Il a pour « objectifs d’une part, de replacer les artistes au centre de la réflexion en assurant une meilleure transparence et une plus grande protection de leurs droits et, d’autre part, de mieux réguler les relations entre les artistes-interprètes, les producteurs phonographiques et les plateformes de musique en ligne ». Parmi les mesures inscrites à ce chapitre figurent :
– l’introduction dans le code de la propriété intellectuelle (CPI) d’une section consacrée aux contrats conclus entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes, comprenant cinq nouveaux articles destinés à garantir un meilleur équilibre dans les relations contractuelles entre les artistes-interprètes et les producteurs en leur appliquant des dispositions comparables à celles qui régissent les contrats d’auteur (art 5) ;
– l’introduction dans le CPI de dispositions visant à garantir que les contrats entre les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de musique en ligne fixent les conditions d’exploitation des phonogrammes de manière objective, équitable et non discriminatoire (art 6) ;
– l’institution d’un médiateur de la musique (art 7) ;
– l’amélioration de la transparence au sein de la filière cinématographique à l’heure du numérique (art 8 et 9).

Le chapitre 3 (articles 11 à 13) vise à promouvoir la diversité culturelle et élargir l’accès à l’offre culturelle. Il prévoit ainsi notamment d’élargir le bénéfice de l’exception à l’ensemble des personnes empêchées, du fait de leur handicap, de lire ou de comprendre une œuvre compte tenu de la forme sous laquelle elle est mise à la disposition du public (art 11).

Le chapitre 4 (articles 14 à 16) a pour objet de développer et pérenniser l’emploi et l’activité professionnelle. Dans ce chapitre, le Gouvernement projette notamment :
– de compléter la liste des artistes du spectacle prévue par le code du travail pour y ajouter les artistes de cirque et les marionnettistes (art 14) ;
– de clarifier les conditions d’emploi des artistes du spectacle vivant engagés par les collectivités territoriales ou leurs groupements agissant en qualité d’entrepreneur de spectacles vivants (art 15).

Le chapitre 5 (article 17) entend structurer l’enseignement supérieur de la création artistique, du cinéma et de l’audiovisuel afin de le moderniser (art 17).

Le titre II, intitulé Dispositions relatives au patrimoine culturel et à la promotion de l’architecture comporte 3 chapitres.

Le chapitre 1er (articles 18 et 19) tend à renforcer la protection et à améliorer la diffusion du patrimoine culturel. L’une des mesures de ce chapitre consiste à consacrer dans la loi les fonds régionaux d’art contemporain (art 18).

Le chapitre 2 (article 20) réforme le régime juridique des biens archéologiques et des instruments de la politique scientifique archéologique.

Le chapitre 3 (articles 21 à 27) vise à valoriser les territoires par la modernisation du droit du patrimoine et la promotion de la qualité architecturale. Le Gouvernement propose notamment de réformer les instances consultatives nationales et locales du patrimoine (art 23). Il propose également des dispositions relatives à l’outre-mer (art 27).

Le titre III (art 28 à 31) contient les habilitations à légiférer par ordonnance. Il comporte 3 chapitres :
– le chapitre 1er sur les habilitations relatives au code du cinéma et de l’image animée (art 28 et 29) ;
– le chapitre 2 sur les habilitations relatives au code du patrimoine (art 30) ;
– le chapitre 3 sur les habilitations relatives au code de la propriété intellectuelle et au code du patrimoine s’agissant du droit des collectivités ultra-marines (art 31).

Le titre IV comporte les dispositions diverses, transitoires et finales. Il contient également 3 chapitres.

Le chapitre 1er (articles 32 à 37) sur les dispositions diverses propose, entre autres mesures :
– d’élargir l’incrimination relative à la destruction, la dégradation ou la détérioration lorsqu’elle porte sur le patrimoine archéologique ou un édifice affecté au culte (art 32)
– de déroger, après avis de la CRPA, aux règles d’urbanisme pour permettre des projets architecturaux particulièrement créatifs et innovants (art 36)

Le chapitre 2 (articles 38 à 42) contient les dispositions transitoires.

Le chapitre 3 (articles 43 à 46) précise les conditions d’application de la loi en outre-mer. »

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