Nous vous avions annoncé dans nos actualités professionnelles l’événement organisé par l’Andéa au Palais de Tokyo : Vision, Recherche en art et en design. Nous avons assisté à ces rencontres et croisements d’étudiant-e-s, enseignant-e-s, bibliothécaires, artistes, jeunes artistes et publics. Claire Moulène et Ingrid Luquet-Gad, pour les Inrockuptibles, rendent hommage à l’aspect b(r)ouillonnant de cet « état des lieux vivant et organique de la recherche dans les écoles d’art, dont il fallait préserver l’étonnante plasticité. »
Pour ma part, en parcourant les allées où les différentes écoles présentaient leurs unités de recherche, sous forme d’espaces ou de stands, je me demandais à qui s’adresse potentiellement la recherche en art.
Peut-être faudrait-il commencer par poser une définition a minima de la recherche, et de la recherche en art ? Pour que telle ou telle recherche dépasse la contingence des activités des chercheu(se/r)s l’initiant, elle doit acquérir une certaine autonomie. Toute recherche pourrait être poursuivie par autrui, dans un autre temps ou un autre espace. La communication aussi précise que possible de la problématique, et des méthodes employées, exposées en détail, sont donc primordiales. Concernant la recherche en art, la forme même de cette communication apparait comme un enjeu essentiel. Si les formats usuels de la transmission scientifique reposent sur la langage, à travers des publications et des colloques plus ou moins prestigieux, la recherche en art explore nécessairement de nouvelles formes de partage des idées et des réalisations. Est-ce que le potentiel « Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la recherche Artistiques et Culturels » (CNESERAC) s’attachera à la diffusion de ces formes – idées inédites, ou se concentrera plutôt sur l’organisation « administrative » des équipes impliquées ?
Dans l’article cité plus haut, les auteures mentionnent que « Derrière cette présentation joyeuse, volontiers foutraque et généreuse, se cachent néanmoins des objectifs politiques que défendent les membres de l’ANdEA, l’Association Nationale des Ecoles d’Art. À savoir notamment la création d’une instance spécifique pour l’enseignement artistique (actuellement en débat au Sénat et à l’Assemblée dans le cadre de la loi création), et la revendication d’un statut pour les professeurs engagés dans la recherche et leurs étudiants chercheurs. » Nous pouvons légitimement nous poser la question de ce qui est mis en place, avant même de légitimer le statut de la recherche en art, pour faciliter la recherche, en premier lieu pour les étudiant-e-s.
Actuellement, le recensement effectué par l’Andea* porte à une trentaine les unités de recherche en école d’art. L’éclatement de ces unités fait écho à l’éclatement des écoles d’art qui sont de facto placées en concurrence, même si certaines sont groupées en EPCC et si elles adhèrent à une association commune. Le parcours des étudiant-e-s lui, semble s’affranchir de toute frontière administrative et répondre à une singulière unité. Le fait de faire partie de telle ou telle école apparait comme mineur par rapport à l’objet de la recherche menée. Par exemple, de manière très concrète, l’équipe formée par des étudiant-e-s / ancien-ne-s étudiant-e-s / post-diplômant-e-s de l’ensa Bourges faisait entendre ses expériences radiophoniques au sein de la radio éphémère installée dans l’espace de Vision**.
Lors d’un colloque organisé aux beaux-arts de Paris, au même mois d’avril : L’irRESPONSABILITÉ de l’Artiste, colloque international, 27-28 avril 2016, Alberto Sorbelli préconisait, lors de sa performance-conférence, avant que le concert simultané de Spicy Cheese ne rende inaudibles ses paroles de « remettre l’éclairage sur la valeur d’usage de l’art, et non sur sa valeur d’échange ». Selon lui, « c’est à l’étudiant de déformer l’école ».
Pour le coup, je me demandais si la recherche en art, qui s’organise de façons très différentes au niveau international ou même européen, encourageait plutôt un affranchissement ou un asservissement des étudiant-e-s vis à vis de l’institution accueillant provisoirement leurs recherches. Pour le moment, il semble que les recherches soient plutôt initiées par les écoles, et alimentées de façon collective par les étudiant-e-s de passage. Lors de cette semaine au Palais de Tokyo, je n’ai pas eu connaissance de recherches individuelles.
La recherche en art semble donc s’adresser en tout premier lieu aux membres des écoles d’art. Mais peut-être n’est-ce qu’une transition avant que de jeunes artistes ne s’organisent et déforment les lieux de transmission (écoles, galeries, lieux d’exposition…) pour seconder le déploiement de leurs recherches, ainsi affranchies des contraintes matérielles de l’espace-temps de leur génèse.
Pour aider ces étudiant-e-s et artistes, peu d’outils apparaissent en libre accès. Nous pouvons citer le projet de l’association BEAR (Bibliothèques d’écoles d’art en réseau). Association née en 2011 et membre du CIPAC, BEAR regroupe l’ensemble des bibliothèques et centres de documentation des écoles d’art et de design françaises et de Monaco : La Base Spécialisée en Art et Design (BSAD). Cette base est une initiative des bibliothèques d’écoles supérieures d’art françaises pour faciliter la recherche dans les revues en art contemporain et design dont elles disposent. Elle offre aujourd’hui plus de 42 000 notices d’articles de revues couvrant la période de 1985 à nos jours. Un des projets de l’Association Bear est de permettre le récolement des mémoires produits par les étudiant-e-s en art. Si l’association développe un espace de réflexion aux problématiques de la documentation dans le champ de l’art contemporain, elle n’a pas encore réussi à lever les obstacles relatifs à la gestion des droits d’auteur, ou au partage des ressources produites au sein des écoles.
Alors même que la recherche en art interroge les codes formels de la transmission de la recherche, elle n’a à ce jour aucun espace en ligne permettant de suivre « l’état de l’art » de cette recherche. Nous pouvons nous demander avec enthousiasme quelles formes pourraient prendre un tel espace de partage ?
À suivre….
* Les unités de recherche recensées par l’Andea (au 10/05/2016)
ACTH Art contemporain et temps de l’histoire
➔ École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon
Bureau de la Recherche de l’EBABX
➔ École d’enseignement supérieur d’art de Bordeaux
Communication visuelle
➔ Haute école des arts du Rhin | site Strasbourg
de-Sign-e
➔ École supérieure d’art et de design d’Amiens
E-Topie
➔ École supérieure d’art d’Aix-en-Provence
ÉCOLAB Unité de recherche de l’ESAD Orléans
➔ École supérieure d’art et de design d’Orléans
Écritures Musicales de l’Image
➔ École média art | Fructidor – e|m|a|fructidor
ELanS
➔ École Supérieure des Beaux-Arts de Montpellier Méditerranée Métropole
EnsadLab, le laboratoire de recherche en art & en design des Arts Déco
➔ École nationale supérieure des Arts Décoratifs
Fieldwork: Marfa
➔ École supérieure des beaux-arts de Nantes Métropole
Formes de l’innovation sociale – unité de recherche en design
➔ École supérieure d’art et de design de Reims
Il n’y a pas de savoirs sans transmission : contributions du design graphique
➔ École Supérieure d’Art et Design •Grenoble •Valence | site ÉSAD •Valence
Institut de la Création
➔ École nationale supérieure d’arts Paris-Cergy
IRD Le laboratoire Images – Récits – Documents
➔ École supérieure d’art et design de Saint-Étienne
La plateforme de recherche
➔ École supérieure des beaux-arts Tours Angers Le Mans | site Tours
La plateforme de recherche de l’Esba TALM – site d’Angers
➔ École supérieure des beaux-arts Tours Angers Le Mans | site Angers
LABEX CAP Création, arts, patrimoine
➔ ENSCI- Les Ateliers
Laboratoire API ( Arts – Paysages – Insularités )
➔ École supérieure d’art de La Réunion
Laboratoire ESADHaR Recherche
➔ École supérieure d’art et design Le Havre Rouen | site Le Havre
➔ École supérieure d’art et design Le Havre Rouen | site Rouen
Le Laboratoire de l’art & de l’eau
➔ École supérieure d’arts & médias de Caen-Cherbourg | Site Caen
➔ École supérieure d’arts & médias de Caen-Cherbourg | Site Cherbourg
Le laboratoire RANDOM (lab)
➔ École supérieure d’art et design de Saint-Étienne
LEM Le laboratoire d’expérimentations des modernités
➔ École supérieure d’art et design de Saint-Étienne
Locus Sonus – audio in art
➔ École nationale supérieure d’art de Bourges
➔ École supérieure d’art d’Aix-en-Provence
L’Observatoire
➔ École supérieure d’art des Pyrénées — Pau Tarbes | site Pau
➔ École supérieure d’art des Pyrénées — Pau Tarbes | site Tarbes
L’Unité de recherche de l’ESAAA
➔ École supérieure d’art de l’agglomération d’Annecy
Paris Design Lab
➔ ENSCI- Les Ateliers
Plateforme Recherche – Passages
➔ École supérieure d’art et de design Toulon Provence Méditerranée
Territoires extrêmes
➔ École européenne supérieure d’art de Bretagne | site Quimper
➔ École européenne supérieure d’art de Bretagne | site Rennes
➔ École européenne supérieure d’art de Bretagne | site Brest
➔ École européenne supérieure d’art de Bretagne | site Lorient
UR Numérique – Unité de recherche sur les pratiques et théories numériques
➔ École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon
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