Vivantes est une exposition sur la peinture, dans sa très grande vitalité, ses diverses conceptions, ses représentations, ses sujets et ses médiums étendus. Elle présente les œuvres de deux jeunes artistes, Kim Ouddane et Clara Lou Villechaise, diplômées des Écoles nationales supérieures d’art de Bourges et de Limoges.

Leur pratique ne relève pas d’un female gaze pictural — au sens où certains voudraient attendre, reconnaître et contenir le féminin en ce médium. Kim Ouddane et Clara Lou Villechaise ont au contraire en commun le souci d’arracher la peinture à la fable plaisante des espaces finis du portrait, où la tradition historique et contemporaine de la figure voudrait souvent la cantonner, pour la tirer dans les espaces infinis et décloisonnés des images mentales.

La peinture n’est pas, dans leur démarche, une question de définition, de chose fermée, genrée, mais au contraire ce avec lequel ces artistes entretiennent un rapport d’émancipation et d’expérimentation permanentes. Il s’agit pour elles d’affronter le danger de la peinture, d’en arpenter le temps horizontal qui en confirme la parcourabilité. Elles considèrent la peinture comme une géographie vivante à traverser, à parcourir comme un paysage interstitiel, comme un dialogue à investir.

Portées aussi bien par le dessin que par l’animation 3D, à travers des scènes aux perspectives infinies, criblées de lumières et de reflets parasites liés à d’étranges objets picturaux, Clara Lou Villechaise construit d’éclatantes chimères scénographiques qui offrent un pont fascinant aux moyens traditionnels de la peinture, ressourcés et transfigurés dans cette déconstruction d’une peinture devenue cyborg.

Ainsi, elle développe une multitude d’images de nature spectrale, fluide, de formes a priori aléatoires, modulaires, indécidables, en nuées, mutantes surtout. Polydirectionnelles et informes, ses peintures mutantes deviennent sculpturales, sonores, mouvantes, et prennent corps, comme un alien qui aurait tranquillement trouvé une place satisfaisante dans notre univers ambiant chaotique.

Pour Kim Ouddane, il s’agit de se libérer de la narration consciente pour laisser advenir, apparaître, la révélation d’un rapport à la peinture comme labeur, comme travail de fond par la surface, « chair à triturer », enquête minutieuse et obsédante menée sur la capacité qu’aurait la peinture à incarner des émotions. À travers sa pratique de la performance, de la photographie et, plus spécifiquement, de la surface dessinée et peinte, il s’agit d’une prise en considération empathique d’un « vivant pictural » entremêlant histoire personnelle, histoire de l’art et histoire naturelle. La frontière entre la mort et la vie, entre les humains et les animaux, s’estompe, où le médium crée son propre univers.

Les chimères représentent d’ailleurs l’autre point commun de ces deux artistes : chimères vivantes et animales pour Kim Ouddane, chimères picturales pour Clara Lou Villechaise, toutes deux dans des créations à l’apparence hybride et au caractère organique.