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Du 16 Mai au 16 Juin 2019

Vernissage : 16 Mai @ 18h30

Tous les chemins mènent à la peinture, Stéphane Lecomte

Catégorie :

45 Loiret

Adresse :

5 rue des grands champs 45000 - Orléans

Plus d'infos

« Le Peintre et ses modèles – tableau réalisé lors de sa résidence à la Villa Belleville en 2018, peut être considéré comme un événement dans le travail de Stéphane Lecomte, artiste qui n’a cessé de rompre avec les propositions offertes par ses expérimentations. Pour cette grande huile sur toile, qui accompagne une série, il a posé son regard sur des photos de famille. Mais de ces documents, il a rejeté ses souvenirs personnels. À côté de la peinture, il a fait naître le motif, le masquage, le collage ou la coulure. La peinture de Stéphane Lecomte, comme ses dessins, se densifie et tire sur les fils de ce que l’on avait oublié. »

Alexandre Curnier, 2018

Ne quittons pas les sentiers battus, ils feront office de viatiques.
On ne naît pas peintre, on le devient.
Je parle non de l’utilisation d’une technique mais de « l’art de peindre », de sa pratique et de son histoire. Un désir, une disposition, une vocation même, cela se travaille, s’élabore, se construit.

Ainsi Stéphane Lecomte…
A l’origine, il pratique volontiers l’installation via des collages sur papier ou en volume.
Des mises en espace, des mises en scène, avec une propension pour l’abyme.
On y découvre des lieux singuliers, des cabanes, son atelier…
Les prémices d’une œuvre d’art totale, la recherche de son « terrain idéal ».
Une démarche conceptuelle et narrative, presque paradoxale. Hybride quoiqu’il en soit. Avec Kurt Schwitters et Robert Fillion comme anges tutélaires, on peut mettre en œuvre le principe d’équivalence, bricoler, s’inscrire dans le « bien fait », le « mal fait », le « pas fait ». Dada et Fluxus concurremment.

On n’est pas sérieux quand on a…. !
L’exposition Au Tour de Robert dont il est le commissaire avec Antoine Lefebvre pour Immanence en 2007, constitue à cet égard un point d’orgue ouvrant le champ des possibles.
Il côtoie, entre autres, Pierre Tilman (cela va de soi) et rencontre Jean Le Gac.
Le peintre du Peintre, aux multiples incarnations, qui convoque dans son travail, le texte, le film, la photographie, le dessin, les objets pour et par la peinture.
Affinités électives obligent, Jean Le Gac attirera très vite mon attention sur le travail de Stéphane Lecomte.

Collages numériques 2011
Tablette graphique

Devenir peindre donc…
S’assumer comme tel, prendre en compte le médium et son histoire, ses exigences, ses contraintes sans pour autant se renier.
En 2011, toujours à Immanence, il expose Monument et mental , personnages au 1/87e et acrylique sur polystyrène. Il s’amuse, ironise, décale, encore et toujours son propos.
Les clins d’oeil existent (Allan Kaprow, Arnaud Labelle-Rojoux, Pierre Tilman…), mais le dessein s’affirme.

S’adapter ?
Plutôt s’inscrire dans un renouvellement de la figuration, dans le sillage d’Immendorff et de Gasiorowski « le pire des meilleurs peintres » sans oublier Kippenberger, Neo Rausch et l’école de Leipzig…

Que peindre ?
A partir de 2012, il réalise des séries d’acrylique sur papier représentant des objets du quotidien (du pain, des paquets de biscuits, des bouteilles de bière…) devenus autant de témoignages, de signes consuméristes. Paris, puis Toulon oblige, des mouettes, le ciel… « Je voulais peindre des nuages ».

Les mouettes 2012
Dimensions variables, acrylique sur papier déchiré
Vues de l’exposition Disgrâce, les ateliers vortex, Dijon, 2013

Quoi peindre ?
Question lancinante du sujet où se retrouve la dialectique de la forme et du sens. Un casse-tête, un puzzle ? Que peindre, sinon sa vie, son histoire, son expérience, ses références, ses aventures, sa Belle Aventure.
Peindre donc Michel Gourdon, le concepteur (j’emploie ce moi à dessein) des couvertures du Fleuve Noir. Celui qui a donné vie et présence à OSS 117, San Antonio, Coplan et à Gérard Lecomte, alias KB-09, américain d’ascendance française, devenu agent de la CIA. Représenter une illustration. L’homonymie est première dans ce choix, mais ce faisant Stéphane Lecompte se confronte à l’anecdote, à l’illustration, à la narration. Il sait que feindre de les ignorer conduit à leur probable retour en contrebande. Devenir peintre implique un corps à corps avec l’image.
Nous sommes dans un champ clos propice au tumulte, aux équivoques, aux incertitudes. Michel Gourdon se définissait comme peintre « Je ne suis pas simplement illustrateur, mais peintre avant tout. L’illustration est ma source de revenus ».
La question : « quels sont vos rapports avec la peinture ? » le laissait perplexe. «Je ne comprends pas votre question. Mes rapports avec la peinture sont permanents puisque c’est mon métier ». Il réalisait ses couvertures à partir de scènes significatives fournies par l’auteur. Il ne pouvait, ni ne voulait lire les ouvrages dont il avait la charge (près de 1400 romans pour la série Espionnages de 1950 à 1978, année de sa dernière couverture, Lecomte mène la danse).
Michel Gourdon s’inspire de photographies, joue avec les clichés, établit des parallèles, confronte les éléments décisifs de l’intrigue en conférant à ce qui est une pure commande, une dimension onirique particulière. Cet ancien élève des Beaux-Arts de Bordeaux peint des gouaches entre l’affiche de cinéma et le placard publicitaire. Une étrangeté familièrement sérielle qui inscrit et décale l’effet de réalité. Une pratique du collage, du montage, de la composition juxtaposée qui relève d’une esthétique qui n’est pas étrangère au surréalisme et à la figuration narrative.
Stéphane Lecompte ne maltraite pas Michel Gourdon.
Il le (re) travaille à l’acrylique, lui donnant un rendu plus matiériste. Les représentations des couvertures du Fleuve Noir ne respectent pas le format du livre populaire.
Michel Gourdon réalisait ses gouaches sur des surfaces de 24.5 x 32 cm puis 39 x 45.5 cm.

Stéphane Lecomte peint à l’acrylique sur des papiers de 50 x 70 cm. Un changement de format qui n’est pas anodin, témoignant de ce combat à distance dont l’enjeu est la peinture. Toutefois le héros reste présent et devient le prétexte d’une narration dont les épisodes définissent la possible perpétuité. Le Peintre agent secret dans la lignée de Jean Le Gac. Un double de papier et de peinture. En noir et blanc, la marque, l’identité des couvertures de Gourdon à partir de 1966, après une longue période sépia. Un passage, une fois encore, une transition permettant à Stéphane Lecomte de trouver sa voie, sa manière, son identité esthétique. La culture populaire, la paralittéraire, la « contre-culture », les photos de famille, l’art contemporain… Comment appréhender ce kaléidoscope ?
En fait, tout peut être, devenir peinture. Que peindre et comment peindre. En 2015, Stéphane Lecomte fait le choix de l’huile au détriment de l’acrylique et inscrit les images familiales dans son univers pictural. Des photographies avec état civil (la figure récurrente du grand-père), mais anonymes pour le spectateur. Des autoportraits en série également (Me as a child, Me (Self portrait)…. Le portrait comme vecteur de peinture. Dépasser le cliché, mettre en oeuvre la dialectique de la mimésis, voilà l’épreuve dans ses multiples désinences. De l’expérience à l’essai Stéphane Lecomte développe désormais une « stratégie de l’atelier ». A l’exemple de Courbet, il propose dans une exubérance formelle, chromatique et sérielle, les tours et détours de son atelier de peintre, de ses allégories, de ses mythologies personnelles, de ses références, de sa vie artistique.

J’ai décidé de ne pas éclater ma cabane 2009
Bois, outils, dessins, 200 x 210 x 220 cm
Photographies Cannelle Tanc

Et morale ?
Pour cela, Stéphane Lecomte se réapproprie le cadre. Les photos extraites de l’album de famille se trouvent magnifiées, mises à distance, tout en conservant une proximité sensible. Il découpe le cadre, le pense dans la simultanéité des plans. Il conjugue les points de vue, utilise la juxtaposition et la variation des échelles, joue avec la perspective, procède à des tours de passe-passe visuels.
L’exploration continue (2016) témoigne de ce souci permanent de recomposition du réel. Inclure donc une narration induite pour mieux s’en écarter. Le regard se fige, puis s’égare à la recherche de l’Anti-accord absolu (2014). Une quête qu’Antoine Delafoy menait sur le plan musical dans Les Tontons Flingueurs (Georges Lautner, Michel Audiard, Albert Simonin, 1963).
Ici se découvre une idée de montage aléatoire, de perspectives plus ou moins fausses, de faux raccords, une pratique de la disjonction, voire de la confrontation des plans, de la suture et du hiatus. Le « terrain idéal » devient l’œuvre même, dans son déploiement, la multiplicité sérielle de ses séquences, l’interaction des thèmes.

Une oeuvre réflexive qui s’interroge, reste en suspens pour mieux se faire entendre et se révéler dans sa dimension picturale. Une oeuvre « façon puzzle », non dans la dispersion meurtrière chère à Raoul Volfoni, mais dans une cohérence restaurée par la présence de la peinture.

Mars 2017

Robert Bonaccorsi, Façon puzzle
Extrait de Documentsdartsites.org

Infos pratiques

Horaires d'ouverture

Du jeudi au dimanche de 15h à 18h30.

+ Brunch de finissage dimanche 16 juin à partir de 15h.

Tarifs

Entrée libre