La recherche que j’ai engagée depuis plusieurs années, s’articule autour d’une forme ; celle de la représentation cartographique du Japon.

Outre son apparence, pour certains biomorphiques, pour d’autres signes de ponctuation, ce dessin possède une qualité héraldique qui n’est pas sans rappeler le lion rampant. Il s’étale et ses membres se répandent, organisant frontalement la surface simultanément dans tous les sens, jouant un rôle à la fois emblématique et signalétique. Cette forme se transforme au gré des mouvements de la mer et les pressions exercées par les deux plaques tectoniques qui se rencontrent et se heurtent au fond de l’océan Paci que : la résultante d’une activité géologique souterraine est alors une protubérance qui émerge au-dessus du niveau de la mer. Cet arc d’îles, qui est localisé sur les planisphères européennes aux confins du monde, marque la frontière maritime dessinée par le contact de deux états – liquide et solide – une ligne de partage ou de rupture entre la terre émergée et l’eau.

Cette forme emblématique qui existe sous des formes les plus diverses dans mon travail, n’est cependant qu’un point de départ : elle est prétexte. Il s’agit d’une exploration d’une poétique plastique. Elle évacue la question du sujet.

Cette ligne mouvante et fragile devient dans mon travail une matrice : une sorte d’outil de fabrique de formes, une machine qui fonctionne diversement selon différents matériaux et processus pour produire des objets.

Matrice donc, car chaque pièce donne naissance à d’autres. Ces œuvres portent les traces du temps de leur fabrication, elles sont mises en abîme dans un mouvement spiralé. Métaphoriquement, chaque réplique s’écarte de l’événement majeur. Chacune d’entre elles, selon les procédés utilisés, peut être le négatif et le positif, le moule et l’objet, le pochoir et la figure. Plasticité, souplesse, détérioration, résistance sont alors expérimentées. Les pièces manufacturées ainsi conservent les traces des contraintes imposées, les traces du processus utilisés.

Les codes de la tradition de la sculpture et de la peinture sont transformés à travers les moyens mis en œuvre, jouant sur les différentes dimensions de la représentation classique.