« En l’état » trois mots qui mettent en suspens un objet, un lieu, une situation : céder dans l’état, l’état des lieux, dans l’état actuel.
Ces expressions induisent la perte d’une condition originelle d’un sujet ; celui-ci se fige et nous laisse entrevoir ce qu’il a été, cristallisation momentanée de ce qui se disloque inexorablement sous l’effet du temps.
Depuis quelques années je crée des dessins que je nomme dessins volumes et dessins précaires, ils ont pris naissance par accident dans des travaux qui entremêlent graphismes cartographique et coulures d’encre sur les surfaces employées.
Outre le fait d’extraire le dessin de son espace en deux dimensions vers un espace en trois dimensions, le papier se révèle dans ses différents états : déchiré, chiffonné, plié… et se mêle aux espaces suggérés pour atteindre quelque chose de plus dense dans ce qu’il y a à voir et à penser, sorte de métaphore abstraite d’un monde de plus en plus complexe dans ces définitions et représentations.
Le spectateur cherche sa place face à ces objets et se trouve dans des contradictions entre ce qui est fait et défait.
Trois dessins occupent l’espace de La borne, comme un tout. Adossé au mur, surélevé sur des tréteaux, soutenu par un étai, c’est un montage où se côtoient formes, plis, creux, écoulements d’encre, motifs, lignes, traces, entrelacs, déchirures. L’ensemble tient dans un semblant d’équilibre, bancal, de biais, pas tout à fait aligné.
Fragile quand je le façonne, le papier est une « mémoire » des gestes, il résiste et ploie sous les actes. Je cherche à lâcher « prise » et accepte ce qu’il advient, les vicissitudes de production deviennent alors d’autres possibilités de formes, d’autres états de ce qui est initialement prévu.
Aujourd’hui c’est ainsi qu’ils existent.