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Du 17 Mai au 30 Juin 2018

Vernissage : 17 Mai @ 18h00

Les étudiants ne pouvaient plus d’attendre et ils sont passés à l’action

Catégorie :

37 Indre-et-Loire

Arts graphiques et politique dans le Mexique post 68 Commissariat : Annabela Tournon

Adresse :

7, rue édouard-branly 18006 - Bourges

Les étudiants ne pouvaient plus d’attendre et ils sont passés à l’action est une exposition qui raconte sur une histoire collective : la création d’une école d’art par de jeunes artistes qui allaient former, en 1977, le groupe Mira.

Les étudiants : il s’agit de ceux qui, peu de temps auparavant, avaient participé au mouvement de 1968, de juillet à octobre.

L’action : elle se déroule au Mexique dans les années 1972-1974, dans la ville de Puebla – une ville emblématique des échanges franco-mexicains puisque les armées françaises de Maximilien y capitulèrent, en 1862, comme le rappelle un tableau de Manet.

Le titre de l’exposition provient d’une des affiches réalisées par les artistes, exposée ici à La Box, sur laquelle on peut lire en lettres bleues sur fond rouge : « Los campesinos no pueden esperar más y han pasado a la acción. Ramón Danzós Palomino. UAP 73[1].

Étudiants, paysans, ouvriers métallurgistes, vendeurs ambulants, cheminots, travailleurs du bâtiment, etc. : la société mexicaine se soulève et ses différents secteurs se solidarisent, en générant de nombreuses expérimentations poétiques et politiques : on parle de « universidad fábrica », on repense la question d’un « gobierno colectivo » dans les écoles d’art, on monte des pièces de théâtre en soutien à des ejidatarios [2] en lutte contre un cacique de la Sierra Norte…

On est en 1973, une année clé de l’histoire contemporaine, où s’amorce un retour à l’ordre autoritaire après deux décennies de lutte pour l’émancipation : la révolution cubaine, l’unité populaire d’Allende au Chili, les révoltes des communautés Africaines-Américaines et Latinos aux États-Unis, l’insurrection estudiantine mondiale, le « mayo francés », se nourrissent et s’inspirent alors mutuellement.

Arnulfo Aquino, Eduardo Garduño, Rebeca Hidalgo, Jorge Pérez Vega, Crispín Álcazar, sont sortis de l’école des Beaux-Arts de Mexico quelques années auparavant.
En 1968 ils ont participé aux « brigades graphiques » qui produisaient les affiches, flyers, banderoles, utiles à la communication du mouvement étudiant.
Leurs premières expositions en tant que jeunes artistes, au sortir des Beaux-Arts, les situent à la suite d’une abstraction géométrique aux accents pop, et contre tout ce qui pourrait s’apparenter à la très officielle « École Mexicaine de Peinture ».

Très affectés par les suites du mouvement étudiant, qui s’est achevé par le massacre d’État du 2 octobre 1968, ils décident, comme d’autres artistes de cette génération, de « s’auto-exiler » aux Etats-Unis, interpellés par le mouvement des droits civiques et inspirés par des groupes tels que les Brown Berets.

En Californie, ils participent au célèbre La Raza Silk Screen Center à San Francisco et contribuent à l’un des périodiques les plus emblématiques du mouvement chicano, le ¡Basta Ya!, pour lequel ils réalisent une maquette et produisent textes et images.

À l’Université Autonome de Puebla (UAP), c’est un poète, Oscar Oliva, alors responsable du département de diffusion culturelle, qui les invite. La relation entre l’université où un membre du parti communiste vient d’être nommé en tant que recteur, et le gouverneur de l’État de Puebla – soutenant les secteurs les plus à droite de la population –, est extrêmement tendue.
Deux professeurs ont été assassinés, et on peut penser que seuls de jeunes artistes idéalistes étaient à même de s’y installer.

C’est à travers le corpus d’affiches aujourd’hui exposé à La Box, que j’ai pris connaissance de cet épisode historique oublié, comme bien d’autres, dont la richesse et la qualité nous interpellent aujourd’hui. Les affiches de Puebla ont été produites entre 1972 et 1974, dans l’atelier de sérigraphie du département de diffusion culturelle qui s’incorpore bientôt à l’École Populaire d’Arts (EPA), créée en septembre 1973 par les artistes. Sous la responsabilité de Arnulfo Aquino et de Jorge Pérez Vega, mais avec la participation de bien d’autres artistes et étudiants tels que Crispín Álcazar et Marco Antonio Badillo, pour ne citer qu’eux, cet atelier produit plus de deux cents affiches en moins de deux ans.

Aquino, dont le travail en tant qu’artiste est indissociable de celui d’historien et d’archiviste, a pris soin de les conserver toutes ces années.
Sans lui, la récupération de cet épisode aurait sans doute attendu encore un peu plus, puisque ni l’Université de Puebla, ni les musées, n’ont gardé de trace de cette histoire jusqu’à aujourd’hui.
Et pour cause : la mémoire de ces années agitées de la vie de Puebla et du Mexique est loin d’être apaisée, et les conflits d’alors se sont logiquement reportés au niveau de la mise en histoire, quand ils ne l’empêchent pas.
Si les affiches étaient surtout destinées à la diffusion de la vie culturelle de l’Université, leur témoignage s’avère en réalité bien plus vaste, par le fait même que l’Université ait été la caisse de résonance des revendications et des luttes du moment.

Consignes politiques, extraits de textes, poèmes, commémorations, figures locales et internationales, abstraction, psychédélisme : autant d’indices d’une histoire que cette exposition aimerait contribuer à écrire.

Si les personnages politiques mondialisés tels que Mao, Engels, Marx, Lénine peuplent ces images, on y trouve aussi des figures nationales et locales, par exemple Zapata et les frères anarchistes Flores Magón, des personnalités telles que Danzós Palomino (militant paysan alors emprisonné), les visages de Joël Arriaga, Enrique Cabrera et Alfonso Calderón (professeurs de la UAP assassinés en 1972 et lors du terrible 1er mai 1973), ou encore celui d’une vendeuse ambulante, Olga Corona, qu’on retrouve dans le film qui fut réalisé dans l’atelier de cinéma de l’EPA par Arturo Garmendia et ses étudiants.

En septembre 1973, lorsque les artistes récupèrent l’ancien Institut d’Arts Plastiques pour y ouvrir une école d’art qu’ils décident d’appeler « populaire », on mesure le prolongement des critiques qui, cinq plus tôt, animaient le mouvement étudiant.
En effet, les enjeux pédagogiques ont alors été le fer de lance non seulement d’une critique de l’ancien système des beaux-arts, mais aussi d’une réflexion sociale et politique menée à partir du terrain de l’art.
Dans ce sens, proposer une exposition sur une école d’art dans une école d’art vise tout autant, à l’heure où chaque pays commémore son « mai 1968 » loin de la perspective internationale qu’on pouvait (après 50 ans) espérer, mais aussi, à l’heure où les écoles d’art se trouvent engagées dans un processus de réforme inévitable, non seulement à ajouter une étoile à la constellation « art-et-pédagogie » de l’histoire de l’art, mais à interroger les étudiants sur l’école d’art qu’ils voudraient.

[1] Les paysans ne pouvaient plus attendre et ils sont passés à l’action. Ramón Danzós Palomino. UAP (Université Autonome de Puebla) 73.

[2] Ceux qui travaillent l’ejido, système de partage communal des terres agricoles.

Annabela Tournon

Cette exposition s’inscrit dans le cadre de la programmation « UN PRINTEMPS MEXICAIN »
en partenariat avec la galerie IN EXTENSO à Clermont-Ferrand qui présente l’exposition personnelle de Noe Martínez :

Grammaire des absences
du 7 juin au 30 juillet 2018

LES PETITS DÉJEUNERS DE LA BOX

Samedi 23 juin 2018 à 10h30
en présence d’Annabela Tournon

Dans une volonté d’ouverture, nous vous invitons à venir découvrir nos expositions, à l’occasion d’un petit déjeuner, pour un moment d’échanges et de convivialité autour de l’art contemporain.

Vous pouvez vous inscrire dès maintenant par mail ou au 02 48 24 78 70 auprès de Véronique Fréjabue.

Ouvert du mardi au samedi de 14 h à 18h / fermé les jours fériés

Avec le soutien du Ministère de la Culture, de la Direction régionale des Affaires culturelles du Centre–Val de Loire, du Conseil régional du Centre–Val de Loire et de la Communauté d’agglomération Bourges Plus.

mercredi 16 mai à 11h
> conférence d’Arnulfo Aquino à l’amphithéâtre de l’Ensa

jeudi 17 mai à 18h
> vernissage à La Box