En quelques années, Gilles Caron a marqué de son empreinte le monde de la photographie. Jeune journaliste passionné et audacieux, il a renouvelé un genre, celui du photoreportage. En 1968, il fonde avec Raymond Depardon l’agence Gamma, et se distingue très rapidement en couvrant tous les grands conflits de l’époque : Proche-Orient, Viêtnam, Tchad, Irlande, Biafra, il est sur tous les fronts, jusqu’au 5 avril 1970, date à laquelle il disparaît au Cambodge dans une zone tenue par les Khmers rouges.
S’il s’est fait connaître comme reporter de guerre, Caron a aussi su remarquablement capter l’esprit des années soixante. Le cinéma (la Nouvelle Vague), la mode, la chanson, la jeunesse révoltée, la politique… figurent parmi ses grands sujets, ceux qui lui ont inspiré des images particulièrement marquantes. Son compte-rendu extrêmement vivant des événements de Mai 1968, et notamment la fameuse photographie de Daniel Cohn-Bendit défiant un CRS, restent inscrits dans les mémoires. En quelques années seulement, Caron a réussi à s’imposer comme l’une des grandes figures du photojournalisme. L’exposition « Gilles Caron. Le conflit intérieur » présente en cent cinquante images l’œuvre d’un homme qui n’a cessé de questionner la finalité de son engagement.
Mobilisé comme parachutiste lors de la guerre d’Algérie, témoin des brutalités infligées aux civils, Gilles Caron a cherché, en se lançant dans le photojournalisme, à passer de l’autre côté de la barrière pour faire comprendre la situation de populations prises dans l’engrenage de la guerre. Une expérience dont il ne ressortira pas apaisé moralement. Parti avec une vision héroïque de la photographie de guerre, Gilles Caron finira par s’interroger sur la finalité de son métier : peut-on se contenter d’un rôle de témoin, de spectateur ? Il est l’un des premiers dans la profession à présenter les symptômes d’un conflit intérieur, d’une crise morale. L’un des premiers à pratiquer une forme d’introspection désillusionnée qui mène le reporter à retourner progressivement la caméra vers lui-même, devenir l’objet du récit photographique.
Pendant la guerre des Six Jours et au Viêtnam, au début de sa carrière, son intérêt se porte sur des figures inactives – militaires ou prisonniers – absorbées dans leurs pensées, en train de lire, d’écrire ou de méditer. Pendant la guerre du Biafra, Caron se révèle très sensible à la condition des enfants et autres victimes. En mai 68 et en Irlande du Nord, il accorde beaucoup d’attention à ces acteurs emblématiques que sont les lanceurs de pavés ou de cocktails Molotov, incarnations de la guérilla urbaine. Son inventivité n’apparaît jamais mieux qu’à l’occasion des reportages réalisés dans les combats de rue, où son objectif transforme les manifestations en véritables chorégraphies.
Reporter de guerre, régulièrement confronté à des situations extrêmes, Caron n’est pas pour autant indifférent au spectacle des sixties, à la Nouvelle Vague et à la jeune scène musicale. Il lui arrive de travailler comme photographe sur les plateaux de Godard ou de Truffaut et même comme photographe de mode. Ce détour par le cinéma et la mode peut sembler très différent du reste de son travail. Il n’est cependant pas sans laisser de traces dans son langage formel, comme en témoignent ses reportages des manifestations au Quartier latin ou en Ulster.
L’exposition s’achève sur un portrait antihéroïque du photoreporter. Cette conclusion, capitale pour l’histoire du photojournalisme, démontre que la conscience de Caron et d’autres photoreporters devient, à la fin des années 1960, une conscience malheureuse. Culpabilité, narcissisme, parodie ou ironie… on ne sait plus vraiment quelle image ils se font finalement d’eux-mêmes.
L’exposition « Gilles Caron, Le conflit intérieur » présente en cent cinquante images et documents (planches-contacts, de tirages d’époque et modernes), provenant de la Fondation Gilles Caron, du musée de l’Élysée et de collections privées, l’œuvre d’un photoreporter qui n’a cessé de questionner la finalité de son engagement. À partir des archives – tirages d’époque, négatifs, planches contact, documents anciens –, l’exposition permet de redécouvrir l’une des plus importantes figures du photojournalisme de la seconde moitié du XXe siècle.
Informations pratiques :
Horaires :
du mardi au vendredi de 14h à 18h,
samedi et dimanche 14h15 à 18h.
Entrée gratuite
Visites commentées destinées aux visiteurs individuels le samedi à 15 heures. Visites couplées avec l’exposition du CCC – Centre de création contemporaine de Tours, le premier samedi du mois à 16h30.
Visites commentées pour les groupes adultes, associations, scolaires et publics jeunes. Accueil gratuit des groupes, du lundi au samedi, sur rendez-vous : information et réservation au 02.47.70.88.46 / de@ville-tours.fr