IL ÉTAIT UNE FOIS LA VIE DE CHÂTEAU
Exposition Du 1er Avril Au 5 Novembre
Monument privé, ouvert au public depuis 16 ans par la famille Laigneau, le Château du Rivau a la particularité de présenter chaque année une exposition d’art contemporain conçue par Patricia Laigneau, collectionneur d’art contemporain depuis 40 ans où des artistes renommés réinterprètent l’imaginaire de la vie de château. Patricia Laigneau privilégie les démarches qui explorent l’Histoire et ses représentations par différents médiums. Elle s’attache à partager avec les visiteurs du Rivau des oeuvres à plusieurs niveaux de lecture même si accessibles au premier regard. Elle a aussi à coeur de mettre à l’honneur les artistes femmes.
Cette année 2017, les oeuvres choisies re-interprètent avec poésie, mais non sans humour le thème que l’on a coutume d’appeler la vie de Château. Dans les salles du château médiéval, l’art d’aujourd’hui réactive le monde du merveilleux. Dans les 8 grandes salles du château médiéval dédiées à l’histoire et à la vie de château au XVe siècle, 32 peintures, dessins, sculptures, collages, céramiques, art verrier, photographies, vidéos, taxidermies et installations signées d’artistes contemporains dialoguent avec les œuvres d’art de la collection permanente. Les oeuvres présentées re-visitent chevaliers, princesses aux amours contrariées, animaux mirobolants et paysages de cocagne, issus du miroir que renvoie l’imaginaire du château. Toutes proposent aux visiteurs un univers porteur d’émotions témoignant de la survivance du merveilleux à l’heure des nouvelles technologies.
Karine Marenne au Château du Rivau – Coutesy Duboisfriedland
De salle en salle, les visiteuses et visiteurs sont immergé.e.s dans différents univers :
Ainsi, dans la salle consacrée aux grands seigneurs qui ont érigé le château, sur le manteau de la cheminée médiévale, Daniel Schlier, en brouilleur de codes transpose le héros médiéval en une icône actuelle d’un nouveau genre, placée sous le signe d’une rencontre fortuite mallarméenne avec cette image de chevalier toujours puissante et actuelle armée d’un moteur.
Pour illustrer une jacquerie contre les châtelains, l’artiste italien Tonino Cragnolini utilise les procédés des maîtres anciens Bosch, Patinir où le cheval ailé prend part à la révolte paysanne. L’artiste américain David Scher croque avec ironie dans des situations cocasses voir absurdes l’image idéale du chevalier avec ses dessins humoristiques à mi-chemin entre la BD et le croquis. La statue en armure peinte par Mathieu Cherkitt rompt aussi avec la tradition de la représentation, tout en cherchant une voie différente puisque l’artiste reprend les codes matissiens de la couleur tout en malmenant les lois de la perspective pour mieux perturber notre regard.
Sabine Pigalle revisite le mythique portrait des époux Arnolfini peint par Jan Van Eyck en 1434. L’époux ne tient plus la main de son épouse qui a été escamotée au profit d’une perruche. En écho à la pratique des portraits de famille dans les châteaux. Valérie Belin a délibérément rompu le rituel attaché à ce genre. Ainsi point de glamour ni de chaleur humaine ne s’exhalent du portrait en diptyque de la famille actuelle propriétaire du château.
Sur le fauteuil, sorti des poches d’un tablier, un crapaud de céramique interpelle : l’artiste Marie Hendriks imagine que dans le monde merveilleux tel celui du Rivau, derrière certains crapauds peuvent se cacher des princes frappés par un mauvais sort. Il leur suffirait d’un baiser véritable pour retrouver leur forme initiale de prince charmant…
L’expression Châteaux en Espagne fait perdurer le rêve que représentait le château à l’époque médiévale. Thibault de Gialluly évoque avec humour le fantasme d’un Château en Espagne au sein duquel les ministères se succèdent dans des missions aux allures parfois médiévales. Autre idéal chevaleresque : la figure de « Frère Jean des entommeures », héros burlesque à qui l’artiste Hervé Le Nost donne vie à l’aide du verre. Ce personnage humaniste, mais drolatique avait été inventé par Rabelais au XVIe siècle. L’écrivain imagina aussi d’offrir Le Rivau au vainqueur. des guerres pichrocolines ( Gargantua,I, V)
Elodie Antoine au château du Rivau – Courtesy of Aéroplastics
Au-dessus du cabinet de bois doré datant du XVIe siècle, le dessin animé Jardin des Ombres de l’artiste hongroise Eva Magyarosi entremêle les héros merveilleux aux arbres et fleurs des jardins du Rivau en une sorte de rêve éveillé. Lui faisant face, la pièce Salvatore Mundi de Jan Fabre fait revivre le mythe du chevalier errant. Dans chacune des croisées des fenêtres à meneaux, Hervé Le Nost a placé un signe héraldique parasité et décalé par des personnages très graphiques, réminiscence, à l’ère du tout numérique, des codes d’identification des lignées des seigneurs à une époque où l’imprimerie n’avait pas encore été inventée.
Au-dessus du cabinet de bois doré datant du XVIe siècle, le dessin animé Jardin des Ombres de l’artiste hongroise Eva Magyarosi entremêle les héros merveilleux aux arbres et fleurs des jardins du Rivau en une sorte de rêve éveillé. Lui faisant face, la pièce Salvatore Mundi de Jan Fabre fait revivre le mythe du chevalier errant. Dans chacune des croisées des fenêtres à meneaux, Hervé Le Nost a placé un signe héraldique parasité et décalé par des personnages très graphiques, réminiscence, à l’ère du tout numérique, des codes d’identification des lignées des seigneurs à une époque où l’imprimerie n’avait pas encore été inventée.
Au mur, les deux silhouettes mi-humaines mi-animales du grand papier découpé Deux cerfs d’Ulla von Brandenburg semblent s’être échappé du théâtre d’ombres chinois. Proche aussi des légendes germaniques romantiques où le cerf, roi de la forêt incarne la nature. En contrepoint, devant les fenêtres, la panthère et l’impala apparaissent à la fois théâtrales et touchantes. L’artiste Magali Vaillant a emprunté au registre du décor de château, le cuir doré façon cuir de Cordoue dont elle a gainé sa Ménagerie de salon leur conférant ainsi une préciosité proche des objets sacrés. En résonnance, Deer hanging, des deux frères suisses Alexandre et John Gailla, ceux-ci collaborent pour créer des sculptures animalières à partir de fils de fers soudés et de fils nylon collés. Inspirés par l’oppression et la mort que l’homme fait subir au règne animal , les artistes génèrent une pièce à la forte puissance évocatrice sans tomber dans le mortifère.
L’univers de Nadia Sabourin est un monde onirique. Son Snow red dévoile une perte de l’innocence et un monde merveilleux noir attaché à la vision du château de conte de fées enchâssée dans la forêt. Ces oeuvres conversent avec celles de la collection permanente du Château qui ont l’apparence de trophées, même si créées par des artistes contemporains. Ainsi la pièce de Jeff Koons, Rudolf the Red-Nosed Reindeer, Paddle Ball Game montre l’obsession de l’artiste pour les animaux fétiches de l’enfance, ou celle du duo Art Orienté objet, avec la pièce Sanglier, trophée non pas taxidermie, mais tricoté qui affirme l’ hostilité des artistes pour le trophée anmal ! Les constructeurs de châteaux et les lignées aristocratiques semblent tourner en dérision par Wim Delvoye. La série des Pelles peintes de motifs héraldiques désacralise les Dynasties en osant associer la forme des armoiries à la forme utilitaire des pelles.
Ici, Sabine Pigalle amalgame photographies et peintures au moyen de collages multiples, tant visuels que temporels. Ainsi le travail de mémoire opère : l’oeuvre renvoie certes par sa construction à une représentation conventionnelle de la Cène peinte maintes fois au cours des siècles, mais fait aussi référence aux grands tableaux des confréries autrefois peints par Rembrandt. Très en vogue au XVIe siècle aussi, les décors a grottesco formés de personnages réels ou chimériques ont inspirés les faïences du Val de Loire que l’ on voit sur la table. Violaine Laveaux a revisité les codes des services de table d’esprit Renaissance, aux armes des grandes familles. L’artiste mêle son imaginaire aux décors historiés des vaisselles seigneuriales. L’artiste abolit ainsi les frontières entre l’objet de rêve des poètes et la fonction d’apparat des services de châteaux.Revisitant une scène de la vie de château récente, l’artiste Pierre Joseph a conté la venue de La belle au bois dormant lors de l’exposition Little democracy qui a eu lieu en 2002 au château du Rivau en en gardant la mémoire par la trace photographique.
L’idéal chevaleresque en vogue à l’époque de la construction du Rivau est aussi attaché au comportement courtois des romans de l’époque. La salle des dames rend hommage aux archétypes féminins transmis par les poèmes et les romans . Le portrait de la série Acteurs de Valérie Belin atteste de la prégnance de la figure de la princesse aux amours contrariées dans l’imaginaire médiéval. Pierre Joseph met en scène la Princesse de ses rêves en l’occurrence l’artiste Dominique Gonzales-Foerster dont le travail est nourri d’apparitions en relation avec la littérature et l’ Histoire. Ainsi à la manière des tableaux dans le tableau Pierre Joseph invite à une expérience mêlant la fiction (la princesse d’antan) à la vision du regardeur qui peut décider si cette image appartient au passé ou lui ouvre les portes de l’imaginaire de la vie de château.
Dans le cabinet de mariage, la sculpture de porcelaine réalisée par l’artiste Violaine Laveaux met en lumière avec grâce le buste d’une jeune femme promise au mariage, dans la tradition des portraits matrimoniaux que l’on envoyait au futur époux pour attester la beauté de la fiancée. L’artiste joue sur la matière : la texture de la porcelaine hybridée de laine d’acier rappelle la finesse des sculptures destinées à susciter l’amour. L’artiste Karine Bonneval fascinée par l’influence de la nature sur l’imaginaire humain nous remémore avec Ondine l’ascendant des sirènes et autres personnages surnaturels venus de l’eau sur les esprits des habitants des châteaux situés à proximité des rivières au Moyen-Age.
D’autres effigies répondent à une démarche plus prosaïque : l’artiste belge Karine Marenne met en scène avec humour les rapports de forces qui régissaient les relations hommes/ femmes dans la société médiévale. L’installation The Knight’s expectation without false fold est composée de la photographie d’une princesse étreignant lascivement la cotte de mailles du chevalier qu’elle chérit et qui a besoin d’un coup de fer. Prête pour un combat qui semble toujours actuel, la belle semble penser ingénument que son héros ferait mieux de repasser lui-même sa cotte de mailles ! Parodique aussi l’installation Princessses chevelues de sa consoeur Élodie Antoine. Le merveilleux attaché à l’imaginaire du château fort se mêle au sens de la dérision des artistes belges. À la lisière du réel et du rêve halluciné, les deux silhouettes chevelues semblent magnifier non sans humour les artifices surprenants qu’affectionnaient les dames de la haute noblesse. L’artiste joue ainsi le rôle de passeur : la séduction n’est-elle pas toujours considérée comme une préoccupation typiquement féminine? La couronne surdimensionnée de Vincent Olinet montre l’attraction que ces alliances suscitaient. Antoine Roegiers est hanté par la peinture d’Histoire. Sa mise en scène personnelle pose La cape rouge comme la survivance des images émotionnelles transmises par le passé. Autre objet de luxe, les tapisseries. Cette vogue s’explique par l’impression de confort qu’apportaient les tentures de laine et de soie qui réchauffaient les murs des châteaux. Tissées à la main, ces tapisseries permettaient aussi de conter un discours historié ou de donner une tonalité symbolique évoquant la puissance du commanditaire ou encore la vie du seigneur. Le photographe Roger Wagner émerveillé par l’univers décrit sur les tapisseries a choisi d’éclairer le regardeur en portant son attention sur des détails merveilleux et quelquefois chimériques imaginés par les artistes cartonniers du 15e siècle.
Il est dit que Jeanne d’Arc est venue au Rivau après l’entrevue de Chinon pour y choisir des chevaux de guerre avant le siège d’Orléans. Pour remémorer ce haut fait, le château du Rivau a fait appel à Julien Salaud, enfant d’ Orléans. Julien Salaud a conçu une armure de plumes de faisan Colchide pour sa Jeanne de Colchide; L’artiste indique ainsi la part du symbolique que représente pour lui, Jeanne d’ Arc protégée seulement par la dérisoire protection d’une parure de de plumes et de perles . De plus, en position de prière dans l’Oratoire, sa Jeanne exprime la connexion que l’artiste établit entre le ciel, le divin et les esprits des animaux. Nadia Sabourin, hantée par la figure de Jeanne d’Arc, travaille par effacement pour évoquer son héroine comme un souvenir qui s’estompe. Pascale Barret postule un double émerveillement : celui déclenché par le procédé traditionnel de la broderie et celui emprunté à l’informatique qu’elle relie à l’ histoire de l’art. Le diptyque This is Me ! Joan juxtapose l’image classique et rebrodée à la main du cheval de Jeanne à celui du visage de Joan Seberg vu à travers le prisme des écrans digitaux.
Sur le coffre, les 3 pièces sculptées par Violaine Laveaux dans de la porcelaine mêlée de laine d’acier invitent à se remémorer les accessoires en vogue au temps de Jeanne d’Arc. On avait coutume d’utiliser des mailles d’acier pour renforcerles chausses. L’artiste explore la mémoire de ce matériau pour stimuler et solliciter poétiquement l’imaginaire médiéval.