Amoureux des images produites par l’écran, Nadjib Ben Ali press pause et sélectionne les morceaux de choix qui convoquent la peinture, admettant les silhouettes et les décors footballistiques pour leurs qualités primitives, de formes et de couleurs. Le peintre adopte la posture de Craig Feldspar, personnage de la série TV Malcolm in the middle. Caressant l’ambition de devenir le meilleur téléspectateur du monde, il compile la Coupe du monde 2018 en 64 dessins, soit un par match.
Ici, les coups ont la matérialité de grands traits de feutres. Éponges et scotch,
Nadjib Ben Ali bricole ses propres pinceaux pour retrouver la gestuelle de ces dessins, paysages télévisuels. TV 4k Ultra HD, pour 110 pouces de pur plaisir. Proposition méga zoomée. Les mollets serrés dans leurs chaussettes vives, les tissus des shorts se frôlent dans la mêlée colorée. Dépassant leur auteur, ces formats plus grands que nature nous happent là où la dramaturgie du sport confond au soap-opera.
Totalement distordue par les émotions, la couleur s’apprête à dominer la partie. Ambiance Amour, Gloire et Beauté : un tir au but déterminant, un mariage surprise à Vegas, une sortie de terrain, un enfant illégitime, un joueur qui se roule sur le gazon, le réveil de ce personnage après quatre saisons dans le coma… Dramadrama. Le football n’est ni plus ni moins qu’un feuilleton crispant d’émotions, un prétexte idéal à la peinture.
Si Nadjib Ben Ali nous a habitué à l’emploi de couleurs flashy, cet usage du rouge comme un éclairage d’ambiance baignant la toile entière marque une évolution dans sa pratique. La couleur y est résonance psychologique. Au cinéma, le changement d’atmosphère chromatique marque un moment de bascule narrative. Quelque part entre joie incommensurable et douleur profonde, la face carmine fluorescente en vitrine du POCTB annonce la suite, l’issue du match n’est pas encore déterminée…
Mathilda Portoghese