Dessein paysagesque témoigne d’une intention qui, selon les deux artistes, mérite de figurer dans un tableau représentant un paysage. Marie Thouin souhaite s’orienter vers le métier de paysagiste. Marion Franzini lui émet alors, spontanément, l’idée de rester au cœur de ses préoccupations en faisant du paysage leur leitmotiv. Pour se faire elles vont toutes deux employer ou réemployer le textile à leur manière.
Marie Thouin joue du caractère artificiel de certains motifs floraux.
« Ne représentant pas les plantes de façon naturaliste, ces motifs les redessinent pour les embellir. »
Ses «Paysages suspendus », déclinaison de surfaces textiles en maquettes topographiques, ne sont pas sans évoquer les jardins suspendus de Babylone, jardins dont l’existence fut largement contro- versée et souvent reléguée au rang de mythe développé par des auteurs antiques.
A côté figurent sa série de dessins «Extraits» révélant son parti pris : puiser dans l’histoire de la peinture où le paysage n’apparaît qu’en arrière-plan d’une manière plus ou moins schématique ou vraisemblable.
Ses «Monts» en résultent : la simplification des formes, le placage de motifs, de texture renvoit au traitement du pay- sage occupant cette place dans le tableau. Pourtant la mise en espace de ces pièces redonne sa place prépondérante au paysage reléguant au second plan «Atlas» de Marion Franzini, dont le bas de la toile incarne la ligne d’horizon.
Le caractère anthropisé de ses différents panoramas marque l’ambivalence de la nature : son état sauvage, sa domestication. Et met surtout en lumière ce qui résulte de ce perpé- tuel bras de fer existant entre celle-ci et l’homme.
Marion Franzini, quant à elle, nous offre un étrange « tableau » du paysage. Pour commencer elle exclut le format dit « paysage ».
Ensuite sa vision très parcellaire de celui-ci la conduit à la non-représentation de la ligne d’horizon. Le titre de la série « Le paysage c’est l’endroit où la terre et le ciel se touchent » témoigne de ce qu’est un paysage mais curieusement les pièces ne font foi que d’un grand pas entre terre et ciel.
Mais où se situe donc le paysage ? A la jonction de tout ce qu’elle offre à voir. La limite de son tableau matérialise ce passage de la terre au ciel pour mieux nous définir le paysage. La mitoyenneté harmonieuse des toiles aux fonds colorés pourtant très distincts nous permet de mieux saisir la porosité des éléments qui compose notre environnement.
«Tout se passe comme s’il y avait, en périphérie de chaque substance, une suractivation particulière, nécessitée par la présence d’une substance étrangère; ces différents « états-limites » composant l’ensemble du champ de la perception. Par cette agitation de surface la terre protège son intégrité profonde et amorphe et, laissant la part du ciel, elle tisse avec lui un épiderme commun, le sol, qui prend, pour nous, tous les aspects des phases transitoires de leurs différents états d’équilibre.»
« Posez-y donc » met en lumière cette notion de perméabilité. Des flotteurs lestés au plafond ,comme retenus pour ne pas « descendre » à la surface, et une lanière de toile parvenant à pénétrer une série d’objets en verre marquent la confrontation des éléments entre tumulte et délicatesse à l’image de Poséidon, dieu aux fonctions antinomiques, à la fois ébranleur et fondateur.
Dans le cadre de cette exposition, Marion Franzini privilégie effectivement l’apparition de créatures divines mythologiques renvoyant aux différents éléments constituant l’univers : le ciel, la terre et l’eau. Ainsi l’installation «Danaé» nous révèle la présence de Zeus métamorphosé en pluie d’or.
A côté «At- las», portant la voute céleste, expose les «Monts» de Marie Thouin à tous les temps. Quant à « Et elle arriva comme une fleur », métaphore de la venue du printemps avec la double apparition de Flore d’un côté et de l’autre du tableau, elle marque l’entrée tout comme la sortie du visiteur dans l’espace d’exposition.
Paysage façonné. Paysage composé. Paysage fantasmé. Paysage cosmique. Paysage mythologique… De près comme de loin, isolées ou dans leur ensemble, les pièces des deux artistes, jouant de la pers- pective du lieu, offrent une grand diversité de plans de lecture et invitent ainsi à la contemplation.
Extrait d’un entretien avec Marie Thouin
Extrait de l’intervention de Michel Corajoud au colloque «mort du paysage?» dirigé par François Dagognet .
Média Tomé, mars 2013
Informations pratiques
Exposition ouverte du jeudi 21 mars au samedi 13 avril Mardi, jeudi et vendredi de 14H à 18H Mercredi et samedi de 9H à 12H et de 15H à 18H Fermée dimanche et lundi