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02 Avr 2014 de 08h00 à 16h00

De la psychothérapie institutionnelle, Joris De Bisschop et Patrice Eymann


18 Cher

Sur une proposition d'Alejandra Riera

Adresse :

7, rue édouard-branly 18006 - Bourges

En situant les principes de base de la psychothérapie institutionnelle et son histoire, les intervenants proposent, à travers un témoignage de leur travail au quotidien à la clinique de la Borde et par la projection de deux films, d’esquisser le paysage pathique qui s’ouvre dans la rencontre avec la psychose et de réfléchir ensemble à des notions tels que le collectif, la présence, l’accueil, l’ambiance.

«La psychothérapie institutionnelle est une « méthode permettant de créer une aire de vie avec un tissu inter-relationnel, où apparaissent les notions de champ social, de champ de signification, de rapport complémentaire, permettant la création de champs transférentiels multi-focaux » (Jean Oury).»


Fruit d’un travail d’invention collective, la psychothérapie institutionnelle s’est mise en place, peu à peu, sans concertation, dans différents lieux. Elle n’a pas d’inventeur, d’acte de naissance, même si c’est l’hôpital de Saint-Alban-sur-Limagnole, en Lozère qui est cité à l’origine et le psychiatre catalan François Tosquelles.
C’est une technique de soins psychiatriques développée en France après la guerre 39-45. Jean Oury et Ginette Michaud décrivent ce moment où certains médecins et infirmiers, rentrant de captivité reconnurent dans leurs lieux de travail l’univers concentrationnaire dont ils avaient eu à souffrir.
A partir de là, elle se développe comme un ensemble des méthodes destinées à résister à tout ce qui est concentrationnaire, à toute forme de ségrégation. Des textes inspirant la psychothérapie institutionnelle et datant de 1929 comme ceux de Herman Simon affirmaient qu’il était nécessaire de traiter l’établissement comme si celui-ci avait ses « maladies ». “Il faut que tout le personnel soignant traite l’hôpital pour pouvoir traiter à son tour les malades.”

Mais traiter l’hôpital n’a pas de fin, ce qui veut dire que traiter le milieu institutionnel n’a pas de fin non plus… Nous sommes englobés nous-aussi dans un ou plusieurs milieux institutionnels qui changent. Les institutions sont donc toujours à re-créer. La réflexion n’a donc pas de limites…»
 »

Ce mouvement est représenté par des personnalités extrêmement diverses est issu d’influences variées parmi lesquelles : la guerre d’Espagne, des mouvements populaires de 1936, de la seconde guerre mondiale, des camps de concentration, de la guerre du Vietnam, celle d’Algérie.

C’est en effet l’utilisation de ces expériences singulières qui va ouvrir la possibilité d’un style d’accueil nouveau face à la misère existentielle des malades psychotiques.»
A présent, devant une pseudo biologie néolibérale de la pensée…, ce mouvement qui a été et reste l’un des plus intéressants touchant la psychiatrie contemporaine (et pas uniquement), serait pour certains en danger d’extinction malgré ceux-celles qui la pratiquent et la font toujours vivre.

Programme de la journée
Mercredi 2 Avril 2014
Chapelle de l’ENSA
Entrée Libre

10h – introduction

avec Joris De Bisschop, Patrice Eymann et Alejandra Riera

10h30 – Projection 

François Tosquelles, une politique de la folie 

Un film de Jean-Claude Polack et Danielle Sivadon réalisé par François Païn

1989 – France – 54 minutes – Vidéo

11h30/12h00
échanges avecJoris De Bisschop et Patrice Eymann

Pause déjeuner

Reprise
14h – La Borde, présence(s)… Un travail au quotidien 
conférence de Joris De Bisschop –

15h 30 – Conversation avec Patrice Eymann

16h 30- Projection
Regard sur la folie

Un film de Mario Ruspoli. 

1961 – France – 48 minutes – 16 mm

17h 30- derniers échanges autour de l’atelier Lucioles
avec Alejandra Riera, Joris De Bisschop et Patrice Eymann.

Intervenants
Joris De Bisschop, philosophe et psychologue de formation, travaille à la clinique de la Borde depuis 11 ans comme moniteur.
Il y participe notamment à un atelier cinéma appelé « la tache jaune » et à l’atelier « lucioles » autour des images et des gestes.
Avec Marc Ledoux, Christophe Mugnier et Anne-Marie Norgeu, il a traduit Pathosophie, le dernier grand ouvrage dans l’oeuvre du médecin phénoménologue Viktor von Weizsäcker (Editions Millon, collection Krisis, 2011). Il a également édité deux numéros de la revue Psychoanalytische Perspectieven intitulés “Autour de la psychothérapie institutionnelle” (Gand, Belgique, 2009).

Patrice Eymann est infirmier et travaille depuis plusieurs années à la Borde en tant que moniteur. Il s’occupe en particulier d’un atelier écriture (« feuilles volantes »).
Grand amateur de théâtre, il est également un des piliers de l’atelier « lucioles ». L’année dernière il a porté un projet intitulé « tableaux sonores », dont un des travaux a été sélectionné et présenté au dernier festival « Longueurs d’ondes » à Brest. Il participe activement à plusieurs groupes de travail et intervient régulièrement dans différentes lieux de formation.

Conférence
La Borde, présence(s)… Un travail au quotidien
avec Joris De Bisschop et Patrice Eymann
En situant les principes de base de la psychothérapie institutionnelle et son histoire, les intervenants proposent, à travers un témoignage de leur travail au quotidien à la clinique de la Borde et par la projection de deux films, d’esquisser le paysage pathique qui s’ouvre dans la rencontre avec la psychose et de réfléchir ensemble à des notions tels que le collectif, la présence, l’accueil, l’ambiance.

Films
François Tosquelles, une politique de la folie
un film de Jean-Claude Polack et Danielle Sivadon
réalisé par François Pain
1989 – France – 54 minutes – Vidéo

Une politique de la folie raconte un demi-siècle de l’histoire de la psychiatrie française à travers l’engagement de François Tosquelles, psychiatre catalan réfugié à l’hôpital de Saint-Alban, à la fin de la guerre d’Espagne, et qui fut l’un des inspirateurs de la psychiatrie institutionnelle. Le témoignage rare de ce psychiatre, sa rencontre avec le mouvement surréaliste, la Résistance et la psychanalyse, illustre combien une pensée libre peut être profondément féconde et humaine.
La pratique et la pensée de François Tosquelles est à l’origine de la création de la clinique de La Borde en France, qui perpétue son œuvre : une nouvelle pratique de la psychiatrie, une nouvelle approche de la folie.
« Danielle Sivadon, François Pain (le réalisateur) et moi-même avons pu, dans les dernières années 80, filmer un long entretien (plusieurs jours) avec François Tosquelles, puis faire un travail de montage et d’archives, pour aboutir à un film-portrait, succinctement biographique, de ce psychiatre catalan qui ne fut pas prophète en son propre pays. Tosquelles, dont la thèse qu’il dut rédiger en France, après la guerre, sur le vécu de la catastrophe schizophrénique, vient d’être rééditée, est le premier artisan, à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban (en Lozère) dans les années quarante, d’une pratique de Psychothérapie institutionnelle, centrée sur la psychanalyse (surtout lacanienne) et l’approche marxiste (et libertaire) de l’institution de soins. C’est le point de départ d’un mouvement de tentatives, de réformes, de critiques et d’idées qui va se poursuivre jusqu’à nos jours, avec des fortunes diverses. La clinique de La Borde, avec Jean Oury et Félix Guattari est la plus notable de ces expériences, qui ont intéressé un grand nombre de médecins « du cadre », dans les asiles et plus tard dans les secteurs.
Ce film, réalisé en 1989, est passé plusieurs fois à la télévision après sa sortie. Je pensais que dans le milieu « psy » beaucoup l’avaient déjà vu, ce qui n’est manifestement pas le cas, surtout dans les jeunes générations…
Il me paraît tout à fait actuel, dans le contexte politique d’un retour de l’État vers des formes répressives et ségrégatives de surveillance ou de contention des malades, de la mise en place préférentielle des moyens de rendement économique des établissements, et l’offensive anti freudienne d’une opinion mal informée, séduite par les succès présumés ou attendus des thérapies comportementales et cognitives, réputées courtes et moins onéreuses (excusez la phrase un peu longue….). Pour ma part j’en suis venu à considérer que nos pratiques « libérales » n’échappaient pas au souci fondamental de Tosquelles d’un « préalable à toute cure possible » : commencer, notamment dans l’abord des patients psychotiques, par « soigner » les instruments de soins, les dispositifs, les économies de groupe, les statuts, rôles et fonctions. Faire une analyse n’y suffit certainement pas, puisque celle-ci laisse en suspens la fameuse aliénation sociale qui nous concerne tous, soignés et soignants, et oblitère constamment nos possibles rencontres avec la folie. »
Jean-Claude Polack

Regard sur la folie
Film de Mario Ruspoli,

1961 – France – 48 minutes – 16 mm
A la fois artisan sensible et théoricien du mouvement qu’il proposa d’appeler « cinéma direct » plutôt que « cinéma-vérité 1 », Mario Ruspoli tourne une seconde fois en Lozère après son profil paysan « Les Inconnus de la terre » (1961), toujours avec le brillant opérateur canadien Michel Brault, équipé d’une caméra 16mm Coutant et d’un magnétophone synchrone.
Portant le premier regard non condescendant sur les patients d’un hôpital psychiatrique avant Raymond Depardon, Fred Wiseman, Marco Bellocchio ou Nicolas Philibert, Ruspoli ne s’astreint nullement à un purisme du direct : Michel Bouquet lit un commentaire en voix off, une jeune femme, parfois filmée, pose quelques questions (« Qu’est-ce qui ne va pas ? »), et le son est souvent monté sur des images non synchrones.
Ce dispositif techniquement et théoriquement léger parvient à capter à la fois la solitude des lieux, notamment lors d’un long travelling sur les alcôves du dortoir, et l’écoute réelle des médecins, parmi lesquels un psychiatre réfugié du franquisme. Mais à la différence du docteur qui écoute patiemment la logorrhée d’une vieille femme, Blanche, en restant près de son lit, Ruspoli a le pouvoir de dissocier images et son, de rapatrier la parole d’un patient enregistrée au début « dans » le travelling du dortoir : « lls sont dans un hôpital psychiatrique », dit l’homme, « parce qu’ils ont perdu peut-être toute leur mémoire ». Ce lien fait au montage entre travelling et cheminement mémoriel évoque inévitablement « L’Année dernière à Marienbad », voire « Nuit et Brouillard » (dont le monteur Henri Colpi était conseiller artistique sur « Regard sur la folie »). Car Ruspoli filme aussi la folie comme pensée confrontée à un vide qui la structure et la creuse, à la manière du geste d’une femme alitée filant dans l’air, sans laine ni quenouille. Même un geste « fou » filmé en plongée de très loin (l’agitation d’un adolescent dans la cour) est monté sur les paroles de Blanche, non dénuées d’une implacable logique verbale. Le commentaire off définit au début la folie comme « la séparation anormale des éléments de la pensée » – ces séries de contrepoints entre son-image, hérésies pour la doxa du direct, confirment la justesse de cette analyse.