Thème de l’édition LE DUR DÉSIR DE DURER*, Arts à la pointe
Retrouvez l’appel à projet et le réglement en pièce jointe.
Parmi les objets témoignant du passé, les œuvres d’art plastiques propulsent jusqu’à nous une charge d’humanité sans égal. Elles nous rendent accessibles les conceptions du monde, les univers sensibles et spirituels des civilisations disparues.
En l’absence d’écriture, rien n’est plus précieux que la trace d’une pratique créatrice : l’art pariétal préhistorique nous lie autant, sinon plus, à nos ancêtres que toutes les informations scientifiques recueillies à partir d’un morceau d’os.
L’histoire de l’art est une discipline à part entière. Elle cherche dans les problématiques de filiation et dans la contextualisation de l’époque la réponse aux questions que soulève le mystère de l’œuvre.
Quel autre domaine s’est autant structuré pourpréserver la durée que le musée dont le porte-étendard est le « conservateur » ?
Mais la durée c’est aussi le futur.
Le moment « du geste » qui s’inscrit dans la matière s’interrompt dès lors que l’œuvre est achevée, s’ouvre alors pour elle le temps d’un avenir qui excède celui de l’artiste.
Sans doute à cause de l’assignation au « présent » (vivre l’instant présent serait l’ultime recette d’une existence réussie ?), de la dictature de « l’actualité », du nouveau, de la mode, de l’inédit… bien des pratiques artistiques ne se préoccupent pas de leur pérennité.
Paradoxe schizophrénique : la conservation et la restauration des œuvres d’art contemporaines posent d’insolubles problèmes propres à l’usage de matériaux ou de technologies dont la tenue dans le temps est incertaine ou à la merci de l’obsolescence programmée des appareils et des supports (tirages numériques, versions caduques d’applications, matériaux composites dépassés).
Si la sculpture traverse le silence des siècles et si la peinture demeure cette image immobile, l’éphémère est devenu un « format » revendiqué par les arts visuels : la vidéo, la performance et certaines installations cultivent l’avènement de l’instant. Elles s’apparentent aux arts du spectacle en s’inscrivant dans la dynamique du temps jusqu’à assumer la dégradation des matériaux (land art et dérivés).
La fragilité devient alors le révélateur du défi de durer. Pour « les artistes témoins de leur temps », les œuvres prennent à partie « l’époque » et s’en emparent comme sujet alors que pour d’autres, la permanence, l’invariant, inscrivent leurs travaux dans une temporalité qui n’est pas la leur. Si l’abstraction ouvre une porte à l’immanence, le concept convoque dans l’instant un sentiment qui lui préexiste et lui survivra. Autant d’attitudes qui supposent un rapport différent à la durée.
Direction artistique Arts à la Pointe, juillet 2013.
Yvain Bornibus
* Titre d’un recueil de poésies de Paul Eluard paru en 1946.