Renata Poljak installe dans ses œuvres un jeu troublant entre fiction et documentaire, respect et dérision, rêves, souvenirs et quotidien.
Ses œuvres mêlent séquences autobiographiques, documentaires ou mises en scènes pour explorer, notamment, les conséquences sociales des conflits des années 1990 dans les Balkans ou la banalisation actuelle d’expressions publiques de violence et d’intolérance.
Le titre de l’exposition, Don’t Turn your Back on Me, résonne ainsi avec gravité dans le contexte de l’actualité européenne et de son passé récent.
À travers plusieurs histoires, Renata Poljak nous invite à partager avec humour, poésie et subtilité le regard lucide, critique et profondément humaniste qu’elle porte sur notre société.
Ruta and the Monument, conçue en 2007 pendant un séjour à Berlin, est une installation comprenant deux vidéos et un texte imprimé qui se rapportent de façons très différentes à un sujet historique commun.
Ruta tire son inspiration du prologue du roman le plus polémique de Miljenko Jergović, Ruta Tannenbaum (2006), qui s’inspire librement de la vie tragique de Lea Deutsch, une fillette juive de Zagreb devenue dans les années trente une véritable vedette du Théâtre national croate.
Renata Poljak transpose ce passage fantastique dans une vidéo poétique et méditative évoquant l’histoire de cette petite princesse juive qui rêvait de devenir invisible.
On y voit un petit pied plongé dans une eau turquoise, caressé par la langue géante d’une vache. Le rythme lent de cette scène est accompagné par un son de flux et reflux de vagues, parfois similaire à une respiration. Le très beau texte du prologue de Ruta Tannenbaum est présent dans l’espace d’exposition, offert au visiteur.
Dans The Monument, l’artiste suit un groupe de touristes et son guide, à Berlin, sur le site du Mémorial aux Juifs Assassinés d’Europe réalisé par Peter Eisenman en 2005.
En temps réel, la caméra enregistre les étranges commentaires du guide qui n’a de cesse de raconter des anecdotes piquantes sur les péripéties de la construction de ce monument, provoquant volontairement le rire chez son auditoire.
Le monument, ainsi tiré vers l’industrie du divertissement, perd toute sa charge émotionnelle et commémorative.
À cette œuvre, l’exposition associe une série très récente de collages réalisés par Renata Poljak. Ayant suivi une formation de peintre, l’artiste reste attachée à une esthétique picturale dans la construction de ses images. La peinture et l’histoire de l’art sont ainsi primordiales dans la conception d’un nouveau projet d’installation vidéo sur lequel elle travaille actuellement.
Intitulé Trois tableaux, ce projet est nourri par l’esthétique des vieux maîtres italiens et par la manière dont leur peinture dépeignait les guerres et autres événements tragiques. Renata Poljak a entamé son projet par la réalisation de collages, juxtaposant des scènes de genre contemporaines et des peintures du XVIIe siècle. Aussi bien dans les fragments de peintures que dans les photographies, il y a très peu d’indications de lieux, ce sont les personnages qui occupent l’attention.
La dimension dramatique est apportée par un travail sur la lumière baroque. Mais le drame n’a pas lieu, ou bien est-il latent ?
Ces collages très sophistiqués, à la patine exagérément lustrée, proche des photographies de mode, génèrent une impression trouble, faite de quiétude et de tragédie à venir. Ce qui doit arriver est toujours hors-champ, comme souvent dans le travail de cette artiste qui aime à synchroniser deux temporalités pour en créer une nouvelle.
Informations pratiques :
Ouvertures samedi et dimanche de 15 h à 18 h et en semaine sur rendez-vous
Entrée libre.