L’empreinte du temps
Des formes arrondies s’épousent, s’encastrent.
Formes adoucies, nullement ramollies.
Le temps, véritable bloc opératoire a agi, faisant surgir la quintessence.
Depuis son adolescence, Nani Champy Schott creuse son sillon de céramiste obstinément, passionnément, comme un mineur en quête d’émeraude.
La morphologie de ses pièces s’apparente aux galets, aux rochers roulés dans les torrents ou brassés par les marées.
En Bretagne, sur la côte nord qu‘elle aime tout particulièrement, les galets tapissant l’ourlet de sable du sillon de Talbert harponnent inlassablement la mer et l’imagination.
Ces cailloux du temps, ces cailloux où le temps est resté inspirent Nani, complice ici avec le minéral et aussi le végétal dans ses céramiques précédentes.
Ces formes actuelles nous ramènent à l’enfance.
A marée basse, grimper sur les rochers, retourner les pierres dans les trous d’eau, en quête de vie, de couleur brillante.
Serrer ces trésors de beauté entre les doigts, parce que sans aucun mot ils distillent une force rassurante.
Une approche céramique qui apaise, apporte de la tranquillité.
Elle nous enseigne le lâcher prise. Créer non pour accumuler, mais pour découvrir que le chemin est là, nous déshabille, nous essore.
La vie nous érode jusqu’à l’ultime rendez-vous.
Elle gomme nos aspérités.
Terminés les étincelles, les angles, les ongles qui écorchent.
Les pièces de Nani incitent beaucoup plus qu’à toucher.
Je dirais caresser, retourner et embrasser pour faire corps, «avec l’expérience nue» (1) du temps qui dépouille.
Je pense à l’affiche des journées de la céramique 2013.
Image prémonitoire, révélatrice de ce qu‘elle voudrait transmettre.
Une jeune femme, les yeux clos porte d’un seul mouvement à son oreille, à sa joue une céramique de Nani.
Tout est là, cet élan de la terre, telle une vague dans sa force et son effondrement, tenu entre écoute et caresse.
Présentement les pièces vont par paire, mais ne s’appuyant pas l’une sur l’autre. Accrochées, mélangées, liées ensemble, elles s’imbriquent, s’emboîtent l’une à l’autre.
Elles racontent une histoire partagée.
Chacune laissant une empreinte d’un temps antérieur sur l’autre.
Ces sculptures enchâssées possèdent des lumières secrètes.
En les dissociant se révèlent des petits miracles de beauté qui nous enchantent.
Ces créations insufflent une force douce.
Est-ce « l’homéopathie de la montagne » (2) , une dilution de la monumentalité toujours active ?
Devant cette présence rayonnante, l’empreinte du temps se révèle à vous.
De toute façon, la céramique et le temps sont pratiquement synonymes, frère et sœur. Cette géologie apaisée de Nani Champy Schott vous le confirme.
Bernard David, juillet 2015
(1) Fabrice Midal
(2) Jean Rodier