LIEN VERS LE DOSSIER DU CNAP _ juillet 2012
Qu’est-ce qu’une résidence d’un point de vue juridique ?
Une résidence nécessite de définir les obligations de chacun et doit obéir aux réglementations en matière de droits d’auteur, droit fiscal et social.
Une circulaire du ministère de la Culture et de la Communication rappelle un certain nombre de règles, s’appliquant en particulier aux établissements et aux projets soutenus par les Directions régionales des a!aires culturelles (cf. circulaire n°2006″/ »001 du 13 janvier 2006, accessible sur le site du ministère de la Culture et de la Communication).
Certaines résidences offrent à l’artiste la possibilité de créer librement une ou plusieurs oeuvres de son choix. Dans d’autres cas, l’artiste est invité à travailler à partir d’un thème, une problématique ou à concevoir une oeuvre s’intégrant dans un programme prédéfini. De plus en plus fréquemment, la nature du projet est déterminée d’un commun accord entre l’artiste ou le commissaire d’exposition, le critique, le théoricien, l’historien d’art et la structure qui l’accueille.
Les résidences reposent en règle générale sur un principe d’échange : le résident dispose d’un logement et/ou d’un lieu de travail en contrepartie desquels il lui est demandé de s’investir dans les projets de la résidence et de participer à divers événements. Cependant, il importe de veiller à un équilibre entre le temps que le résident consacre à la recherche et/ou à la création et le temps où il est invité à participer à des activités annexes.
Quels sont les objectifs des résidences ?
Quel que soit le projet artistique et culturel de la résidence, il est important de définir les objectifs et les obligations respectives du résident et de la structure qui l’accueille : définition du projet et des contributions, exposition(s), animation de conférence(s) ou action(s) de sensibilisation auprès de publics, édition d’un catalogue, production d’une ou plusieurs œuvres, acquisition d’œuvre(s) (pour un artiste) ainsi que les modalités du séjour (durée, conditions d’accueil, moyens techniques, logistiques,humains et financiers proposés par la structure).
Un ou plusieurs contrats (également appelés conventions) écrits viennent fixer le cadre des engagements de chacune des parties. Les collectivités ou établissements sont en général à l’initiative de la résidence, qui s’inscrit souvent dans une politique continue. Ces collectivités ou établissements vont donc le plus souvent édicter des règles et recourir à un appel à projet ou appel à candidature, qui pose les conditions de la résidence : thématique, type d’œuvre pour un artiste (scultpure, «land art», etc.), type de projet d’exposition pour un commissaire (à partir d’une collection, d’une sélection thématique ou libre, etc.) et type de production écrite pour un auteur (catalogue, ouvrage théorique, etc.).
Dans le cas d’appels à projets, les procédures de sélection sont prédéfinies (dossiers à fournir, pièces à joindre, comité de sélection). Mais une résidence peut aussi naître d’une rencontre entre un artiste ou un commissaire d’exposition, un critique, un théoricien, un historien d’art et les responsables d’une collectivité ou d’un établissement.
Quels sont les moyens mis à la disposition d’un résident ?
Les moyens mis à disposition d’un artiste en résidence sont très variables selon le lieu et la durée. Ils sont en général décrits dans les documents produits par la collectivité ou l’établissement responsable de la résidence. Ils peuvent faire l’objet d’un engagement contractuel spécifique, par échange de courriers ou courriels, ou être formalisés dans un contrat qui définit les obligations respectives des parties (le résident, la ou les structures parties prenantes). Un établissement ne peut s’engager que sur lui-même car un contrat ne peut prévoir d’obligations que pour ses signataires.
Comment qualifier les rémunérations perçues dans le cadre d’une résidence ?
En contrepartie des moyens mis à disposition, le responsable de la résidence peut demander au résident un certain nombre d’engagements : pour un artiste, production d’une ou plusieurs œuvres, participation à une exposition ; pour un commissaire, conception d’un ou plusieurs projets d’exposition ; pour un auteur, rédaction d’un ou plusieurs écrits ; et pour tout résident,
rencontre(s) avec des publics.
Selon la nature de ces engagements, les règles protectrices relatives aux droits d’auteur et à la législation sociale devront être appliquées.
Ainsi, le contrat ne peut imposer le don d’une ou plusieurs oeuvres par un artiste, ni la cession de droits d’exploitation, qui doivent faire l’objet d’un accord spécifique négocié avec tout résident, précisant l’étendue et la durée des droits cédés. Il ne peut non plus, sauf rémunération spécifique et relevant du salariat, imposer des interventions sous la forme d’ateliers d’initiation ou de sensibilisation.
En revanche, si l’artiste est afflié à la Maison des Artistes ou à l’AGESSA, sa rémunération (droits d’auteur, acquisition d’une œuvre) peut être assortie de rémunérations annexes et ponctuelles, à l’occasion d’une présentation d’œuvre(s), en cours ou achevée(s).
En outre, les différents types de rétributions (salaires, défraiements, allocation pour la création, versement pour l’acquisition d’une œuvre, droits d’auteur, notamment ceux relatifs à la cession des droits de propriété incorporels sur l’œuvre) doivent correspondre strictement à la contrepartie qu’ils viennent rémunérer.
Chacune des parties doit également veiller au respect de la réglementation sociale. Ainsi, l’exécution d’une prestation (atelier d’initiation, montage technique, régie d’une exposition, conception de l’ensemble de la communication d’un événement, conférences, etc.) a pour cadre réglementaire un contrat de travail salarié, qui implique pour l’employeur de respecter les règles
d’hygiène et de sécurité et, le cas échéant, d’engager sa responsabilité en matière d’accident du travail ou de dommage causé à des tiers par le salarié.
Le versement d’une rémunération à l’occasion de l’acquisition d’une œuvre ou de la cession de droits d’exploitation génère l’application du régime de protection sociale des artistes auteurs.
Aussi, il importe de déterminer précisément, avant la résidence, la nature des interventions qui seront réalisées par le résident. En effet, la nature des rémunérations (droits d’auteur, salaires, etc.) en découle et doit pouvoir être justifiée au regard des réglementations fiscale et sociale.
Quelles sont les modalités de production des œuvres dans le cadre d’une résidence ?
Si certains responsables de résidences n’exigent pas nécessairement de l’artiste la réalisation d’une ou plusieurs œuvres, d’autres vont mettre à sa disposition des moyens spécifiques en vue de l’exécution effective d’un projet artistique. Il peut s’agir de matériaux ou de matériels techniques (fours, ateliers de fonderie, informatique, vidéo, etc.).
Le fait d’apporter ces moyens (on parle alors de «coproduction») ne rend pas pour autant l’organisateur de la résidence propriétaire (ou «copropriétaire») de l’œuvre produite. Celle-ci appartient à l’artiste, qu’il s’agisse de la propriété matérielle ou de la propriété incorporelle.
Il peut donc seul la vendre et céder par contrat le droit de l’exploiter (d’en faire des reproductions, pour quelque usage que ce soit). L’artiste jouit seul du droit de divulguer son œuvre, de la rendre publique.
Dès lors qu’il y a production d’œuvres, il est donc essentiel de se référer aux dispositions du Code de la propriété intellectuelle relative aux droits moraux et patrimoniaux de l’auteur.
Les œuvres de collaboration impliquent des procédures particulières. Il peut arriver que la structure organisant la résidence ait la qualité de producteur ou de coproducteur d’une œuvre créée par l’artiste, lui conférant des droits sur l’œuvre en cause, intitulés «droits voisins». Cela concerne notamment les phonogrammes et les vidéogrammes. La résidence sera considérée comme producteur du phonogramme si elle a l’initiative et la responsabilité de la première
fixation d’une séquence de son. Elle sera considérée comme producteur du vidéogramme si elle a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une première séquence d’images, sonorisée ou non.
Ces droits permettent tout au plus à la résidence de donner son autorisation pour un certain nombre d’exploitations qui seraient effectuées par des tiers et d’obtenir une rémunération en contrepartie.
Ils ne portent pas atteinte aux droits patrimoniaux et moraux détenus par l’artiste sur cette même œuvre, dont il conserve l’intégralité. En revanche, le support matériel original de l’œuvre est la propriété ou copropriété de la structure.
Mais cela ne l’autorise pas à exploiter l’œuvre sans l’autorisation de l’artiste et sans rémunérer celui-ci en conséquence.
Dans le cas ou la personne morale à l’initiative de la résidence souhaiterait, si l’œuvre est ultérieurement vendue par l’artiste, se voir « rembourser» les sommes qu’elle a engagées pour sa production, une telle disposition doit alors être introduite dans le contrat de coproduction avec l’artiste. Mais la perception d’un pourcentage sur la vente serait soumis à une contribution au régime des artistes auteurs de 1% (depuis le 1er juillet 2007) sur la commission ainsi perçue par l’organisateur de la résidence.
Quel est le devenir des œuvres produites dans le cadre d’une résidence ?
Il importe de définir en amont, dans le contrat de résidence, le devenir des œuvres produites et de contrôler, le cas échéant, les conditions de leur conservation.
L’artiste demeure propriétaire des œuvres produites, qui peuvent être placées sous la garde de l’organisateur de la résidence. Ce dernier devient responsable de leur conservation : il ne peut les détruire ou les modifier (porter atteinte à leur intégrité) sans l’autorisation de l’artiste ou de ses héritiers lorsqu’il est décédé. Dans le cas d’une acquisition, le droit moral de l’artiste peut être opposé à toutes modifications ou déplacement de l’œuvre.
De même, la cession de l’œuvre n’entraîne pas automatiquement la cession des droits de reproduction et de représentation. Rappelons qu’en matière de propriété intellectuelle, il n’y a jamais de cession implicite et ne sont cédés que des droits patrimoniaux, définis explicitement par un contrat de cession, et bien sûr à l’exclusion du droit moral qui est lui inaliénable et imprescriptible.
Dans quel cadre peuvent intervenir les échanges avec le public (cours, conférences, ateliers) ?
Les échanges avec un public constituent, dans de nombreux cas, un élément essentiel dans le déroulement d’une résidence. Ils peuvent même dans certains cas aller jusqu’à la création d’œuvres pour lesquelles la participation du public est sollicitée par l’artiste dans sa démarche de création.
Il peut être demandé à un artiste, dès lors qu’il l’accepte dans le cadre du contrat, de favoriser la compréhension de sa démarche en l’explicitant et en illustrant son travail au cours d’une présentation de son œuvre.
Le résident est parfois sollicité pour assurer l’accueil de publics spécifiques, des visites, voire des atelier de sensibilisation. Ce type d’intervention ne doit pas être considéré comme une « contrepartie » de la mise à disposition d’un lieu pour son travail de recherche, d’écriture et/ou de création. En effet, l’introduction dans un contrat de clauses imposant à l’artiste des heures et des jours précis, dans des locaux désignés par le responsable de la résidence, et lui assignant un public et des objectifs, en fait un contrat de travail, avec toutes les conséquences que cela comporte, notamment en matière d’obligations sociales pour l’employeur.
Ce sont en e!et les objectifs propres à la résidence, à savoir la possibilité o!erte à un artiste de créer une ou plusieurs œuvres, à un commissaire de préparer un projet d’exposition, à un critique, un théoricien ou un historien d’art d’accomplir des recherches et d’écrire dans un cadre particulier, qui doivent primer sur les activités « annexes », lesquelles doivent être mises en œuvre en relation avec le projet de la résidence, dont elles constituent l’un des prolongements.