« Dessins » : ici plutôt esquisses ou relevés, parfois comme à travers la transparence du calque, de motifs qui pour beaucoup semblent appartenir eux-mêmes au spectre large et à l’histoire des images : bestiaire pariétal, détails de toiles de maîtres et pages fameuses à voir autant qu’à lire, lettrages, vignettes d’albums, silhouettes, photogrammes, épures vectorielles – l’ensemble mêlé à d’autres bribes retenues du tout-venant des jours, de l’actualité du monde, des objets d’usage comme de la circonstance personnelle, peut-être aussi de la rémanence d’un rêve au réveil. Les figures sont crayonnées, recopiées, retracées à la règle, coloriées, raturées même, d’une manière povera, presque brute ou enfantine, minimaliste ou fragmentaire ; solitaires parfois, ailleurs démultipliées ou combinées en groupes hybrides, marabout-de-ficelles ou coq-à-l’âne se jouant des oppositions reçues. Rebus ? Localement des identités rassurent, des allusions se reconnaissent, ou encore tout incite à relever le défi de l’énigme ; mais ailleurs, ou à plus large empan, l’insolite d’une association, l’incertitude d’une métaphore ou d’une métonymie dissuadent le déchiffrement : le prétexte de l’image et son éventuelle fonction mnémotechnique sont perdus, ils ne prescrivent plus la lecture. Mais plus intéressant sans doute que l’évidence ou le cryptage, ce qui se passe au seuil même de la lisibilité, quand la forme ou le sens, à force de soustractions, subsistent tout juste et précipitent déjà d’autres possibles. C’est ce moment instable, où l’on quitte les repères en place pour des polysémies nouvelles et où l’intention s’en remet au hasard, que cherche – d’une feuille à l’autre, ou parfois sur la même – tout le travail de simplification-recombinaison graphique : voir la prédilection pour ces géométries de lignes où la fuite des obliques, sous couvert de perspective, recompose, allégée par l’escamotage d’une arête ou le bonheur d’une parallaxe particulière, un agencement autre où le plein semble vide, l’opaque transparent, la profondeur plane – et inversement.
Pascal Mougin