Les images de « Nanook of the North » renvoient immanquablement au silence, celui qui peuple ces étendues vierges et froides.

La présence humaine semble y prendre plus de valeur, de beauté et de fragilité qu’ailleurs.

Ce film nous apprend, à nous spectateurs d’un autre temps (90 années nous séparent de la sortie du film), à quel point cette beauté survient, vit et se perpétue dans une suite de gestes, de rituels et d’attentions au monde qui, loin d’être « datés », nous rappellent à l’urgence vitale dont notre vie moderne nous sépare et dans laquelle pourrait bien se trouver notre salut.

Imaginer la bande son de ce film, c’est à notre tour inventer une suite de gestes, de rituel et d’attentions propres à faire renaître l’urgence, qui est le terreau même de nos vies d’improvisateurs.

Alors que les descendants de Nanouk voient leur environnement de glace fondre inexorablement, nous tentons de préserver le silence qui lui aussi disparaît. Avec les mots et les maux de notre siècle, avec letumulte : notre banquise qui se fissure aussi.

Faire de ce film un manifeste écologique serait un contresens ; mais nos « regards » de musiciens d’aujourd’hui ne peuvent éviter cette inquiétante nostalgie qui nous empoigne à la vue de ces images :

le son que personne n’a pu enregistrer à l’époque et qui peuple de façon obsédante toutes les séquences du film, ce son nous manque à nous plus qu’il manque à l’image; et nous savons que nous ne l’entendronspas.

Ce qui nous parvient toujours, intacte et irradiante, c’est l’incroyable force des regards de Nanook, Nyla et de leurs enfants. Et cette force-là nous dit:«Jouez!».

Ayato et Nicolas Larmignat